Prison pour enfants (IV). Une apparition, une récompense
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 28 mars 2003

Je viens de fêter mon premier mois de vie philippine, un mois épuisant, un mois bouleversant. Notre travail à la prison continue. Patiemment, des liens se créent. Mon travail se partage entre mes journées à la prison et mes " computer & meeting day's " : il s'agit de mettre en place la structure administrative de l'association que Sœur Édith souhaite pour encadrer le suivi des enfants à leur sortie de prisons.

 

Au MYRC, les choses progressent avancent, lentement, mais elles avancent. Basket, nettoyage des cellules, cours d'anglais, jeux d'échec et visites médicales... Tout prend du temps (l'apprentissage du Tagalog aussi...) mais nous faisons notre possible avec les moyens du bord.

Le personnel paraît toujours aussi indifférent, ne fait que le strict minimum pour nous aider, répond gentiment à nos salutations par de petits sourires pincés et des regards qui en disent long : ironie, incompréhension... Ces Philippins, combien d'Occidentaux y croient encore ? Si souvent sali par la corruption et la violence, abruti par une bureaucratie sans cœur, et bien ce personnel nous a réservé une belle surprise cette semaine ! Une surprise qui prend la dimension du miracle ! Une goutte d'espoir qui redonne du sens à notre mission.

C'était mercredi dernier, un mercredi comme les autres, avec la visite médicale hebdomadaire. Sœur Marie-Madeleine (notre infirmière), Egon, Jean (un nouveau volontaire français) et moi nous retrouvons à 8 heures et demi dans le hall d'entrée du MYRC. La mise en place s'effectue plus rapidement que d'habitude, il fait beau, le soleil brille et ses rayons les plus téméraires jettent un peu de clarté dans la cour intérieure. Derrières les grilles, des carreaux de lumière tapissent les murs du réfectoire. Les gardiens font sortir les trois premiers enfants de leurs cellules. Graves et soumis, ils s'installent sur les chaises en plastique que nous avons récupérées, quand, stupeur, une présence fige nos mouvements.

La dentiste de la prison est là, elle vient d'entrer dans notre " cabinet ". Que veut-elle ? Elle que nous n'avions jamais vu ailleurs que dans son bureau. Passe-t-elle seulement ? Vient-elle regarder ? observer ? surveiller ? Apres une courte discussion avec Julius, nous apprenons que notre jeune dentiste vient nous aider ! À ces mots, je ne puis m'empêcher de frémir. Bouche bée, je suis fasciné par la nullité de cette apparition : une silhouette pesante et sans grâce, au sourire gêné. Mais c'est une joie immense qui m'envahit. La venue de cette femme dont j'ignore encore les motivations représente pour moi bien plus qu'un simple geste de gentillesse, de gratitude ou d'entraide, il prouve que l'on peut attendre quelque chose du staff de la prison ; c'est un démenti cinglant aux discours désabusés de ces Européens fatigués par des dizaines d'années d'acharnement à convaincre l'administration philippine de les aider.

Un premier pas vient d'être fait. Un simple geste isolé, peut-être, mais qui montre que tout n'est pas perdu et que nous pouvons espérer que notre simple exemple peut ouvrir les yeux de cette foule de fonctionnaires méprisants.

De bon cœur, notre dentiste s'attelle au travail avec Sœur Marie-Madeleine sur les cas difficiles. Nous terminons les soins à midi, non sans avoir promis aux enfants de revenir la semaine prochaine avec scalpel, compresses, coton, lindane, bétadine mais surtout... pansements !

En ce moment le climat change. Les pluies quotidiennes de fin d'après-midi s'estompent petit à petit, l'air est toujours aussi chaud mais moins lourd et humide. Le soir, les orages sont loin, on ne voit plus que de lointains éclairs noyés dans de sombres nappes nuageuses.

Ces orages, ils sont terrifiants... impressionnants de violence et de régularité. Au rendez-vous tous les soirs, pendant deux semaines, ils noient Manille sous des trombes d'eau. De la fenêtre de ma chambre, je suis aux premières loges de cette démonstration de force de la nature. Des orages comme je n'en avais jamais vus, la foudre qui s'abat sur le toit des misérables baraques qui entourent le foyer des franciscains. Des éclairs qui se succèdent par vagues de trois ou quatre, comme une armée qui cherche méthodiquement à venir à bout de son adversaire en l'usant par d'inlassables assauts dans le fracas du tonnerre.

Un soir, le ciel a gagné... Accoudé à ma fenêtre, occupé à peine rassuré à contempler les éléments déchaînés, je suis surpris par un immense éclair qui zèbre le ciel rose de la métropole. Le tonnerre fait trembler les maisons, la lumière s'efface, la nuit tombe, la ville semble disparaître. Il fallut attendre le lendemain avant que l'électricité ne revienne.

Mabuhay ! Magkita tayo namaya.

À la semaine prochaine,

Charles

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