Article rédigé par Roland Hureaux, le 24 juillet 2008
L' imbroglio franco-chinois relatif à la participation de Nicolas Sarkozy à la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques résulte d'une accumulation invraisemblable de maladresses.
La première fut de laisser présenter cette participation comme un enjeu politique majeur.
Le président français boycotterait-il ou non les Jeux Olympiques se demandait-on il y a un an, sans que personne en haut lieu n'ait la prudence de désamorcer la question ? Le terme de boycott avait jusque là une signification pour les athlètes, on ignorait qu'il en eut pour les invités. Mais si les seconds veulent voler la vedette aux premiers...
Quand les Jeux Olympiques eurent lieu à Rome en 1964, le général de Gaulle, chef de l'État, ne s'y rendit pas sans que cela ait revêtu une quelconque signification pour les relations franco-italiennes. Voilà ce qu'on aurait pu rappeler alors, le président se réservant de se déterminer au dernier moment en fonction de son emploi du temps .
Or on ne l'a pas dit : soit-dit en passant, ceux qui tiennent les Jeux Olympiques pour une manifestation purement sportive noteront que la question de la participation des autorités politiques à la cérémonie d'ouverture ne se pose jamais quand les jeux ont lieu dans un État démocratique, à Atlanta ou à Sydney. Ce n'est que quand ils ont lieu dans un État non-démocratique que la question se pose : cela seul suffit à faire la différence entre les pays d'accueil.
Pour durcir encore l'enjeu, il se trouve que la France préside l'Union européenne cette saison, et qu'à travers elle, c'est l'attitude de l'Europe entière qui semble en cause, alors même que le gouvernement français décidera seul de sa position. Cela non plus n'a jamais fait l'objet d'une mise au point.
L'air d'une repentance
À cette première erreur s'ajoute l'incroyable réaction de soumission lorsque le gouvernement chinois a élevé la voix contre les manifestations ayant accompagné en avril le parcours de la flamme olympique sur notre territoire. Là où il eût fallu rappeler sèchement que dans un pays comme la France, à la différence d'autres, les manifestations de rue ne sont pas téléguidées par le gouvernement, on envoya au contraire une délégation de haut niveau, le président du Sénat et un ancien Premier ministre, rien de moins, pour renouer le dialogue .
Tout cela avait, qu'on le veuille ou non, l'air d'une repentance. Alors même que notre police avait fait plus que du zèle contre les manifestants, laissant même agir sur notre territoire, au mépris de toutes les règles de souveraineté, un obscur service d'ordre chinois.
Enfin, comment ne pas trouver insupportables les avertissements arrogants de Pékin mettant en demeure le gouvernement français de ne pas accueillir le dalaï lama, alors que ce dernier a déjà été accueilli à Washington, à Londres, à Berlin, suscitant certes chaque fois l'ire prévisible de Pékin mais sans qu'on ait osé alors parler sur ce ton à ces pays pourtant plus impliqués que nous dans le commerce avec la Chine ? Bernard Kouchner heureusement l'a rappelé, mais en ne recevant pas le dalaï lama après l' avoir envisagé, on donne encore une fois l'impression de s'incliner.
Le résultat est une impasse totale : si le Président n'allait pas à Pékin, il provoquait, compte tenu des postures prises, un incident diplomatique sérieux, lequel , en effet, n'aurait pas manqué d'avoir un impact lourd et peut-être durable sur les relations franco-chinoises.
Allant néanmoins à Pékin malgré l'aggravation prévisible de la situation au Tibet, il donne l'impression, comme n'a pas manqué de le souligner Daniel Cohn-Bendit, de céder au diktat des dirigeants chinois, ce dont il est douteux que dans ce monde où on ne respecte que les forts, ce pays lui en soit vraiment reconnaissant.
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