Palestine : le député MPF Patrick Louis observateur de l'élection présidentielle
Article rédigé par Entretien avec Patrick Louis*, le 14 janvier 2005

À la suite de la mort du raïs Yasser Arafat, une élection présidentielle s'est tenue en Palestine le 9 janvier dernier qui s'est traduite par la nomination du nouveau Président de l'Autorité palestinienne, M.

Mahmoud Abbas (Abou Mazen).

Afin que ce scrutin se déroule démocratiquement, l'Union européenne avait envoyé une délégation d'observateurs, sous la présidence de M. Edward McMillan-Scott (député européen PPE-DE, UK), dont Patrick Louis, (MPF-ID, France) faisait partie (photo). Il nous livre les impressions ressenties lors de son voyage de cinq jours dans cette partie du monde ravagée par les guerres incessantes.

Quelle ambiance avez-vous trouvée à votre arrivée en Palestine ?

Patrick Louis - Je me suis senti un peu gêné de me présenter comme une sorte de "professeur de la démocratie". En effet, le rôle-clé de l'observateur de telles élections est d'assurer par son témoignage que les procédures ont été respectées sans toutefois donner l'impression de faire une intrusion dans le fonctionnement d'un peuple qui n'aspire qu'à une chose : être souverain. J'ai ressenti un double sentiment : un sentiment d'enthousiasme d'avoir la chance de participer humblement à la résolution du conflit qui se déroule dans ce coin du monde et en même temps un sentiment de gêne du fait de cette impression d'ingérence.

Ma démarche d'observateur fut également transcendée par le fait de me trouver en Terre sainte, ce lieu symbolique où sont représentées trois religions (chrétienne, juive et musulmane), et où l'on est au cœur des sources du christianisme. J'ai d'ailleurs fait le choix d'aller à Naplouse qui est tellement chargée d'histoire. Naplouse fut l'ancienne Sichem, cette cité des Samaritains, du Puits de Jacob, où le Christ a rencontré Marie-Madeleine. C'est la plus grande ville de Palestine, "la reine sans couronne" puisqu'elle n'a jamais pu en devenir sa capitale, mais c'est aussi, et malheureusement, une ville en déclin. C'est également un des foyers les plus vifs de la révolte palestinienne où résident plusieurs camps de réfugiés.

Êtes-vous entièrement satisfait du déroulement des opérations de vote ? Était-ce, selon vous, des élections vraiment démocratiques ?

L'Union européenne a investi plus de 16 millions d'euros pour l'assistance et l'observation de cette élection. Ce budget a notamment permis de former les Palestiniens aux modalités démocratiques d'un scrutin et j'ai pu en constater les bons résultats, les Palestiniens ayant tenu de manière remarquable leurs bureaux de vote. De l'ouverture des bureaux de vote le matin à 7 heures jusqu'à leur clôture à 21 heures, sur les 17 bureaux que j'ai visités sur tout le territoire de Naplouse, je n'ai constaté aucune faute, mais bien au contraire un très grand respect des règles. Le seul problème, en amont du processus, s'est situé au niveau des inscriptions des électeurs sur les listes. Il faut comprendre qu'il n'y a pas d'État palestinien et donc pas d'état-civil. Les Palestiniens étaient invités à s'inscrire sur des listes et ceux qui se sont inscrits n'ont pas eu de problème pour voter. Ceux qui n'étaient pas inscrits ne pouvaient voter que s'ils figuraient sur l'ancien registre des élections de 1996. Bien sûr, un nombre assez conséquent de Palestiniens ne se trouvaient ni sur le registre de 1996 ni sur les nouvelles listes et n'ont donc pas pu voter. Toutefois, au moins 70 % de la population a été en mesure de voter et l'on peut donc considérer que cette élection confère une véritable légitimité au président de l'Autorité palestinienne.

Que pensez-vous du nouveau président de l'Autorité palestinienne ?

Ce nouveau Président, élu démocratiquement et possédant une légitimité reconnue, était particulièrement attendu par Israël qui souhaitait avoir un véritable interlocuteur avec qui contracter. En effet, il y a actuellement cohabitation de deux peuples, le peuple juif et le peuple palestinien. Un État binational n'est pas possible et il faut donc arriver à un accord reconnaissant deux États souverains. L'État d'Israël ne pouvait pas contracter avec des terroristes. Aujourd'hui, il a la possibilité de contracter avec une Autorité légitime.

Il reste à savoir si Mahmoud Abbas franchira le pas qui le sépare encore des anciennes méthodes. Il reste en effet et veut être l'héritier d'Arafat et l'on peut craindre qu'il n'y ait pas assez de changement. Il faut donc qu'il entreprenne rapidement des actes forts vis-à-vis des mouvements armés pour mettre en application la Feuille de route émise par le Quatuor (Nations-unies, Russie, Union européenne, États-Unis) afin de faire progresser la paix et de donner à chaque peuple un territoire bien délimité par des frontières et des institutions juridiques propres.

Que pensez-vous des challengers de Mahmoud Abbas ?

Je regrette que Mustapha Barghouti n'ait pas fait un meilleur score. Ce jeune leader talentueux, médecin de profession, démocrate et partisan d'une résistance non violente à l'occupation israélienne aurait mérité un score supérieur pour permettre une concurrence et une alternative à Mahmoud Abbas. Le système clanique qui entoure l'Autorité palestinienne et qui avait été mis en place par Arafat ne peut être bousculé que par un contradicteur politique qui obligerait le président de l'Autorité à trouver un chemin innovant.

*Patrick Louis est député MPF au Parlement européen (groupe Indépendance/Démocratie).

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