Nicolas Sarkozy devant les Cercles libéraux: "Justice sociale et libéralisme"
Article rédigé par Catherine Rouvier, le 19 novembre 2004

"On fait des idées libérales un problème, alors qu'elles sont une solution !" Telle est l'"accroche" forte lancée par Alain Madelin à la "soirée des libéraux" de l'UMP, mardi 9 novembre à la Mutualité, juste avant l'arrivée de l'invité d'honneur, Nicolas Sarkozy.

 

Très en forme, souriant, Alain Madelin rappelle tout d'abord qu'il aime être dans ce lieu : la Mutualité, qu'il a connu en d'autres temps. S'agit-il de sa folle jeunesse, de mai 68 et de ces débats houleux à la " mutu ", fief alors de la CGT où Madelin et ses amis portaient le fer dans les rangs communistes ? Mais non ! Il ne s'agit que du lancement ici même de l'UEM, l'Union en Mouvement, qui avait précédé l'UMP, il y a trois ans.

Puis il développe : les libéraux sont des amoureux de la liberté — de la liberté du choix de l'école, de l'âge de la retraite, de la protection sociale, du temps de travail, la liberté d'être propriétaire de son logement, liberté de s'assurer une retraite à son gré. Pour parer à l'avance toute critique sur son supposé "ultra-libéralisme" il nuance : Chez nous pas d'idolâtrie du marché, mais la force tranquille de certains principes et certaines valeurs forgées par le temps. " Certes, il faut tenir un discours différent du "discours de culture administrative" de la gauche, mais on peut être libéral et social. La preuve : il veut intégrer cette partie de la jeunesse de nos quartiers qui fait "France à part". En effet, "il faut des communautés, mais pas des communautarismes" qui sont des communautés qui s'enferment dans des revendications de privilèges. C'est pourquoi, à la discrimination positive, il préfère l'égalité des chances.

À cette nuance près, justement, de la discrimination positive, qu'il va justifier en disant que "si l'enfant de Nicolas et Cécilia n'a pas de problème pour intégrer un jour l'ENA, d'autres n'ont aucune chance d'y arriver". Sarkozy, l'invité d'honneur de la soirée, est sur la même longueur d'ondes que son "ami" Alain.

Après avoir évoqué avec humour sa candidature à la tête de l'UMP ("si la situation avait été moins difficile je n'aurais pas été candidat... si la situation avait été moins difficile... il y aurait eu plus de candidats !"), et son départ imminent du gouvernement (" je ne peux pas reprocher à celui qui m'a nommé de ne pas vouloir que je continue..."), il aborde lui aussi le problème de la justice sociale : "Qu'est ce qu'être juste, en 2004 ? C'est de rendre à la classe moyenne ce qu'elle a perdu : les avantages accordés aux pauvres, car elle est trop riche pour être pauvre et la richesse car elle est trop pauvre pour être riche. Pour cela il faut donner plus à ceux qui travaillent plus car c'est par le travail que la classe moyenne s'enrichit. Pour cela, il faut permettre aux parents de donner aux enfants un minimum sans être imposé, car voir ses enfants partir dans la vie de plus haut que soi est un des buts et une des joies de l'existence de tout homme."

Puis viennent les coups de griffe.

À la classe politique d'abord : "On a dit aux Français qu'on ne pouvait rien faire... et ils l'ont cru ! D'où leur désintérêt pour la politique. Mais la France ne craint pas le changement... elle l'attend ! Cette énergie qu'on sent partout dans le monde il faut la redonner en France ! "

À l'UMP ensuite : "L'UMP n'est pas une sorte d'administration avec tous ses défauts... et pas les qualités ! Actuellement à l'UMP on exige l'unité ; pour avoir l'unité on impose la discipline, pour imposer la discipline on force au silence. Mais le silence... c'est pour le cimetière ! Il faut parler au contraire. Si la minorité a pu s'exprimer, elle respecte la décision de la majorité ! "

Enfin vient la profession de foi. L'orateur et la salle vibrent d'une même émotion quand le candidat a la présidence de l'UMP crie presque : " Je veux faire de l'UMP un lieu de vie... Un mot a été perdu : la passion. Je veux redonner de la noblesse, de la force, et de la vie a la politique française !" Puis sur un mode mineur : "Je veux lui redonner un enjeu. " Le ton remonte lorsqu'il affirme et martèle : "Un mouvement populaire est un mouvement ou on comprend ce que dit le chef. Je vous le dis : j'ai besoin de chacun d'entre vous ! Que ceux qui ont envie de militer viennent, je les recevrai ! Que ceux qui ont été déçus reviennent ! Je les recevrai ! Je veux redonner à tous l'envie, la volonté, la passion de militer."

À la sortie, pour les libéraux, l'ambiance était au " rengageons-nous " dans une UMP ou peut-être, enfin, ils auront leur place.

Tous cependant ne voteront pas Sakozy dimanche au congres de l'UMP. Certains parce qu'ils récusent, comme Madelin lui-même, l'idée d'une discrimination positive, d'autres parce qu'ils refusent l'idée sarkozienne d'une réhabilitation de la religion fondée sur une égalité de traitement entre la religion catholique et la religion musulmane, ce qui signifie la construction et l'entretien de mosquées par les collectivités locales ; certains, enfin, parce qu'ils n'aiment pas la tolérance des libéraux envers le "mariage gay" ou l'avortement. Ceux là voteront, dimanche prochain, pour Christine Boutin ou l'autre "Nicolas" (Dupont-Aignan) afin que leurs voix soient entendues.

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