Article rédigé par La Fondation de service politique, le 16 janvier 2004
Sous le titre "Ils s'accrochent au délit d'interruption involontaire de grossesse. Des profs de droit en croisés pro-vie", le quotidien Libération lâche ses gros sabots pour commenter la lettre collective des cinquante professeurs de droit qui défendent l'amendement Garraud.
Du grand Libération ! Extraits de ce morceau d'anthologie signé Blandine Grosjean.
"Ce n'est pas la pétition la plus people de l'année. Mais sans aucun doute la plus réactionnaire. Elle est adressée au président de la République pour défendre "l'esprit de l'amendement Garraud". Une cinquantaine d'éminents professeurs de droit demande que le gouvernement inscrive dans la loi l'interruption involontaire de grossesse, afin de punir pénalement l'auteur d'un accident ayant provoqué la mort d'un embryon ou d'un foetus. Ces juristes veulent que l'on reconnaisse l'existence juridique de l'embryon. Leur pétition arrive à trois jours de la clôture du débat parlementaire, dans l'espoir évident d'influencer le débat politique, alors que le gouvernement ne veut plus de cet amendement Garraud.
Le mélange des genres est inédit. Même le Pacs, affaire explosive, n'avait pas suscité une telle prise de position publique, collective et désespérée. L'heure serait donc très grave : "C'est une question essentielle pour moi : "Quand commence la vie et quand commence-t-on à la respecter ?" Je ne suis pas d'accord que sous prétexte de justifier l'IVG, on dise que l'embryon ne fait pas partie de l'humanité", explique Bernard Beignier, doyen de la faculté de droit de Toulouse. Il reconnaît que son combat est motivé "à 50 pour cent" par ses convictions religieuses, et à "50 pour cent" par des considérations juridiques.
"Gros réacs". Dans la lettre au Président cela donne : "Dès lors qu'une législation protège la liberté des femmes de ne pas avoir les enfants qu'elles ne veulent pas, cette législation devient totalement déséquilibrée si elle n'en protège pas de la même façon, le droit des femmes à avoir les enfants qu'elles souhaitent." Un signataire admet : "Hormis trois ou quatre d'entre nous, ce sont tous des gros réacs. Sur les 48 pétitionnaires, 46 interdiraient à leur femme d'avorter, et 44 voteraient l'abrogation de la loi autorisant les IVG. Ça me fait rire quand ils invoquent la liberté d'avorter." Lui a signé parce qu'il trouve choquant qu'un accident conduisant à la perte d'un enfant ne donne lieu à aucune condamnation : "Tant mieux si les antiavortement ont enfourché le dada, ils permettront peut-être que ce texte passe."
Ces professeurs signataires se seraient "spontanément" organisés pour exprimer "leur indignation" face aux "contre-vérités juridiques" énoncées lors de ce débat. En réalité, depuis 1999, année d'un arrêt de la Cour de cassation décidant que le foetus ne pouvait être victime d'un homicide, ils s'agitent éperdument. Par la voie classique des revues juridiques, de tribunes dans quelques quotidiens, avec la création d'une association de "mères orphelines" et d'un lobbying parlementaire ayant abouti au fameux amendement Garraud. On retrouve parmi ces activistes ceux qui se sont agités lors des débats sur le Pacs et sur l'affaire Perruche. Et à l'origine de cette action se trouverait un magistrat, un avocat général près de la Cour de cassation, Jerry Sainte-Rose, catholique affiché, pourfendeur survolté de l'arrêt Perruche, qui selon lui indemnisait le préjudice, pour un handicapé, d'être né. "Il y a derrière cette pétition une fronde philosophique et morale contre certains magistrats de la Cour de cassation. C'est la lutte des catholiques fervents contre les matérialistes", analyse un professeur de droit non signataire. "Il s'agit d'un vrai combat politique. Ces gens se servent de leur savoir technique et de leur qualité de juriste pour faire valoir leur vision de la société. Toute la question est de savoir quelle est leur influence sur le pouvoir politique, élu démocratiquement."
[...] L'Elysée, qui jugeait inopportun d'ouvrir une guerre de religions sur l'avortement, était intervenu pour que le gouvernement abandonne l'amendement. La supplique des facs de droit a peu de chance de bouleverser le Président."
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