Article rédigé par François Martin*, le 15 février 2008
Le phénomène "mondialisation" transforme de nombreux aspects de la vie économique (travail, pouvoir d'achat, flexibilité, etc.). L'environnement international (I) appelle un changement des règles du jeu et des comportements pour libérer le principal moteur de la compétitivité (II).
L'UN DES PROBLEMES dominants des vingt prochaines années sera la croissance des nouveaux géants. Dans un contexte de raréfaction relative des matières premières, les équilibres géopolitiques seront modifiés, et la place des USA et de l'Europe sera remise en cause. Comment la France pourra-t-elle se maintenir dans cette compétition ?
Le modèle américain a été caractérisé jusqu'ici, sur le plan intérieur, par une surconsommation des ménages maintenue par des taux d'intérêts très bas, et une productivité forte, mais insuffisante pour compenser le déficit commercial inhérent à cette consommation. Sur le plan extérieur, les USA ont un accès privilégié aux matières premières, garanti par une politique étrangère unilatéraliste et militariste agressive. De tout cela, le dollar US, monnaie de réserve du monde entier, était le symbole orgueilleux et triomphant.
Cette politique semble aujourd'hui parvenir à son terme, ou du moins perdre sérieusement de son souffle, comme le montrent par exemple l'échec irakien ou la crise du crédit immobilier.
La crise américaine
Sur aucun des grands problèmes qui leur sont posés, les Américains ne semblent aujourd'hui trouver la clef : ni pour gérer, collectivement et pacifiquement (et à leur avantage), la bascule énergétique ;
ni pour résorber leur déficit commercial, soit en baissant leur consommation intérieure, soit en augmentant substantiellement leur productivité ;
ni pour sécuriser suffisamment leurs matières premières, au Proche Orient en particulier ;
ni enfin pour endiguer la croissance très rapide de leurs futurs rivaux comme la Chine.Pire, ils se sont mis entre les griffes des dragons asiatiques, leurs concurrents, qui sont devenus leurs principaux créanciers.
De son côté, l'euro a fait mieux que bien faire, en devenant en sept ans seulement la deuxième monnaie mondiale et un sérieux concurrent du dollar, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'Europe représente la première puissance économique de la planète avec 30 % du PIB mondial (2e, USA : 27 % ; 3e, Japon : 10%... et 4e, Chine : 5%).
Dans cette configuration monétaire, la perte de confiance relative dans le leadership des Américains, et la concurrence nouvelle entre deux monnaies au poids similaire, se traduit naturellement par un arbitrage des avoirs des investisseurs (fonds de pensions, nouvelles fortunes, États). Ces anciens et nouveaux investisseurs, fort puissants, transforment une partie de leurs immenses fonds très liquides, autrefois exprimés en USD, pour les convertir en euros.
Le problème, c'est que lorsque s'amorce ce type de bascule, c'est fort difficile à arrêter. En effet, ce qui intéresse en premier lieu un investisseur, avant même le rendement de son portefeuille, c'est de ne pas perdre ce qu'il a déjà gagné, autrement dit sa sécurité. Même s'il mène des incursions sur des marchés risqués et rémunérateurs (bourses, matières premières, devises), il aura naturellement tendance à libeller son portefeuille, principalement et durablement, dans la monnaie qui se maintient le mieux.
Jusqu'ici, tout ceci est parfaitement logique et bien connu.
Euro fort et compétitivité
Ce qui est important à retenir, c'est la tendance lourde : nous serons très probablement dominés pendant longtemps, sauf catastrophe inattendue, par une baisse continue et peut-être régulière du dollar, et une hausse parallèle de l'euro [1]. Cela veut dire aussi que dans un tel paysage stratégique, la question économique la plus importante que nous ayons à résoudre, tant au niveau de l'Europe qu'au niveau de notre propre pays, est celle de la compétitivité.
En effet, si celle-ci n'augmente pas suffisamment en regard de la hausse probable de l'euro, c'est tout notre système économique qui sera mis par terre, avec un déficit commercial qui se creusera sans cesse et des délocalisations massives de nos entreprises vers des pays à bas coûts. D'ailleurs, tout cela a déjà largement commencé.
Pour que notre pays devienne globalement plus compétitif qu'il ne l'est aujourd'hui, il faut 1/ augmenter le nombre d'heures travaillées, et 2/ augmenter leur rendement.
En France, la productivité des heures travaillées est bonne (c'est même l'une des meilleures du monde) ; en revanche, notre productivité moyenne par salarié n'est pas aussi bonne, parce que le nombre d'heures travaillées y est relativement moins important que dans d'autres pays. L'une des premières choses à faire était donc de permettre aux Français de travailler plus longtemps. Ce que le gouvernement a fait en faisant sauter le verrou des 35 heures, et il a eu raison.
Mais ceci n'est pas suffisant. Le vrai problème, c'est qu'il nous faut impérativement, pour les raisons déjà exposées, augmenter encore la productivité du travail, beaucoup et vite. C'est une question de survie.
*François Martin est consultant international.
La semaine prochaine:
La clé de la compétitivité : changer de comportement.
[1] Il n'est pas dit que le USD ne se redresse pas à certains moments, si les USA remontent leurs taux d'intérêts pour lutter contre l'inflation. Il n'en reste pas moins que compte tenu de leur modèle économique, leur politique de crédit bon marché semble être une donnée de fond, ce qui favoriserait quand même un glissement de leur monnaie sur le long terme.
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