Article rédigé par Hubert de Champris, le 09 juin 2006
S'il y a une expression qui règne en maître dans le recueil des dernières méditations de l'ancien conseiller de Valéry Giscard d'Estaing et cofondateur de l'UDF, Michel Pinton, c'est bien celle d'"esprit du temps".
Elle est d'origine allemande, mais son acception n'est pas seulement philosophique. On peut la comprendre comme l'expression de la quintessence de l'état d'esprit latent d'une époque et d'une société au sens large, elle pourrait s'apparenter à la traduction psychosociologique de l'inconscient collectif jungien.
Nous avons cité Giscard, cet ancien précurseur qui, pour toute une école (et nous laissons volontairement sans adjectif ce dernier terme tant toute tentative de qualification nous entraînerait loin), serait de triste mémoire.
Pinton lui reconnaît le mérite d'avoir capté avec exactitude l'esprit du temps qui régentait son époque. Giscard est le Moderne par excellence, le moderniste froid en phase avec la noosphère au sein de laquelle se complaisent nos contemporains (voir Liberté politique n° 23, p. 140). Que l'avenir corresponde avec cette Modernité, et des hommes comme Giscard peuvent l'anticiper et contribuer à son accomplissement.
Mais le futur qui nous attend et sur lequel Pinton n'hésite pas à prédire en termes quasi vétéro-testamentaires qu'un jugement divin est déjà prononcé sur lui, prêt à s'abattre, ne sera pas fatalement habité par l'esprit moderne. La Tradition peut à nouveau le conduire et l'irriguer.
Dans son avant-propos, l'auteur en cite trois indices : la réélection (pour des motifs de nature avant tout moraux) de George Bush junior, la réponse négative des Francs et des Bataves à toute idée de "Constitution européenne" et celle, identique, des Italiens à la loi autorisant l'expérimentation sur les embryons. Autant de faits juridiques et sociaux qui donnent corps à l'idée que l'on est en droit de se faire de l'avenir souhaité par l'inconscient collectif en cours de formation.
Mais la conscience d'un peuple, c'est, en premier, la conscience de soi, nous dit Pinton. Conscience de ce qu'il est, donc conscience de ses limites spatio-temporelles. Le peuple juif, ajoute-t-il, est l'exemple même du peuple qui a une forte conscience de lui-même, et qui a pu ainsi demeurer dans le temps. Cependant, bien des peuples ne se voient pas, ne se ressentent plus. Intuitif, posé, équilibré, Pinton se montre historien judicieux. Il remonte dans le passé antique et celui de l'Occident pour montrer que l'état des mœurs figure le meilleur indice de l'état d'une société.
Ainsi, écrit-il que " la promotion sociale de l'homosexualité est l'ultime manifestation d'un effondrement de la conscience collective ". La laïcité n'est ici rien d'autre que le dialogue dont, s'il veut vivre, chaque peuple doit entretenir l'existence avec sa conscience irréductible : la laïcité — la " saine laïcité " qui est donc bien aux antipodes du laïcisme — suppose en conséquence l'existence et la correspondance d'un peuple qui se reconnaît tel, et d'une religion. S'il est une réalité qui caractérise notre époque, pour le moins dans le monde occidental, c'est pourtant la négation forcenée de ces deux socles dont l'équilibre détermine le salut, la fiabilité et la viabilité à terme d'une société.
L'ouvrage de Michel Pinton apparaît en conséquence prophétique.
Pour en savoir plus :
■ Michel Pinton : Consciences des peuples et Laïcité , François-Xavier de Guibert, 2005, 249 p., 19 €
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