Article rédigé par Nicolas Bonnal, le 18 décembre 2009
Marcelino pan y vino est un film miraculeux, comme il y a des enfants du miracle. Il est l'œuvre d'un cinéaste juif hongrois, formé par l'expressionnisme de la grande époque, réfugié en Espagne au moment de l'invasion d'Hitler. C'est là que Ladislao Vajda a fait une carrière honorable, dans la paix et la sécurité de l'Espagne franquiste qui, rappelons-le à Zapatero, tolérait les juifs et les musulmans, ceux-là d'autant plus qu'ils avaient aidé Franco à écraser les anarchistes et les staliniens à la fin des années trente.
En 1954, donc, Vajda réalise Marcelino, un des joyaux du cinéma catholique, bien plus que les évangiles filmés par le très torturé Pasolini ou que la Thérèse d'Alain Cavalier. Il ne s'agit pas non plus d'un chef d'œuvre pour adultes façon Bresson, mais d'une heure et demie d'enchantement pour enfants de chœur et de cœur.
L'histoire se passe au XIXe siècle, dans une Castille de contes de fées, avec ses vieux villages, ses solanas, ses ferias, et ses bons moines. On a résisté à l'oppresseur laïcard français, et on a reconstruit un couvent. Un beau jour les moines trouvent à leur porte un bébé abandonné ; ils décident de le garder et de l'élever. Les images en noir et blanc sont sublimes, tout comme la chanson de l'éducation de Marcelino, absolument géniale, un des plus beaux clips jamais filmés.
Les moines sont menacés d'expulsion par le maire du village, forgeron et mauvais chrétien, frappé par le démon de l'orgueil et du pouvoir temporel. Ils tiennent bon et élèvent l'enfant. Ce dernier devient l'objet d'une tentation bizarre : une jeune femme de l'âge de sa mère lui fait penser à cette mère absente, et il se dissipe un temps, tel un Adam tenté par sa maman.
Un des plus beaux plans de l'histoire du cinéma
Puis vient la grandeur : dans le grenier du monastère, il découvre un crucifix et se met à parler avec le Christ, d'une manière bien plus convaincante que Don Camillo (heureuses années cinquante tout de même...). Puis il le nourrit et lui porte à boire, devant pour cela voler à la cuisine. Le frère cuisinier se met en colère, pensant que l'enfant devient presque fou, le poursuit, et découvre la vérité : l'enfant en contemplation avec Notre Seigneur. Les moines arrivent alors et le plan qui filme leur découverte merveilleuse est un des plus beaux, des purs de l'histoire du cinéma : tout le génie du clair-obscur expressionniste mis au service de la plus belle des causes.
Marcelino devient moine et meurt bien jeune, rappelé comme Thérèse ou Bernadette à des âges poétiques.
Ce film avait rencontré un succès colossal en Espagne à l'époque, et même à l'étranger (le Japon shintoïste l'avait encensé). Il a été depuis oublié, couvert d'injures par qui l'on devine, et ignoré par bien des chrétiens devenus trop charitables avec un monde qui ne demande qu'à les éliminer. Je ne saurais trop le recommander pour ces fêtes de Noël. Au Pérou d'ailleurs, je l'avais montré sous la houlette d'un bon prêtre, à un groupe de paroissiens. C'est le genre d'opus que l'on doit voir en petite troupe, comme quand on va communier. Béni sois-tu, Marcelino... Curieusement, on peut se le procurer (par exemple sur Amazon), et il est diffusé en intégrale sur Youtube (ci-dessous, extraits).
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