Mal mort à Bayonne
Article rédigé par Thierry Boutet*, le 19 août 2011

L'affaire Bonnemaison pourrait n'être qu'un triste fait divers. Elle est surtout une manœuvre contre la loi Leonetti.

Nicolas Bonnemaison, médecin urgentiste de l'hôpital de Bayonne, administre en cinq mois à quatre personnes dont une femme de 92 ans décédée le 3 août des substances ayant entraîné le décès immédiat . Dénoncé par un membre du service, il est interpellé mercredi dernier et passe 48h en garde à vue.

Selon son avocat, Me Arnaud Dupin, le médecin ne dément pas les faits. Il se trouvait  seul à décider en son âme et conscience, dans le droit fil du serment des médecins . Dans ces circonstances,  La notion d'assassinat est pour lui complètement absurde .

Mis en examen, il est néanmoins laissé en liberté surveillée sous contrôle judiciaire avec interdiction d'exercer sa profession. Le parquet fait appel de cette décision et le docteur encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Devant la fermeté du parquet, les lobbies ne tardent pas à se mobiliser Une pétition de  soutien de 6 000 signatures est adressée au Ministre et le quotidien Libération du 15 août fait sa une sur le sujet.

L'objectif clairement affirmé dans l'éditorial de Sylvain Bourmeau est la révision de la Loi Leonetti:  Si seulement cette énième affaire, survenant à la veille d'une année électorale, pouvait enfin mener à la reconnaissance législative de l'aide active à mourir . Une demande qui n'est autre que celle de Jean Luc Romero, l'élu francilien Président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité ALDM. Pour lui aussi,  une seule solution pour sortir de l'hypocrisie et des dérives : une loi légalisant l'euthanasie .

Bouc émissaire ou complice ?

Le Dr Bonnemaison est-il donc un bouc émissaire comme le prétend son avocat ou le complice plus ou moins manipulé par les lobbies pro euthanasie ?

Son entourage tout en reconnaissant ses compétence avoue qu'il souffre de failles psychologiques .  D'après Jean-Yves Nau  Il aurait notamment été très marqué par le suicide en 1987 de son père, Jean Bonnemaison, chirurgien renommé qui souffrait de psychose maniaco-dépressive . Les proches du Dr Nicolas Bonnemaison évoquent  à la fois son  parcours professionnel  bien rempli et  une vie personnelle plus sombre .

Toujours est-il que les arguments invoqués par le médecin pour justifier son geste sont faibles ou très politiques,  en particulier celui de la solitude : un médecin, dans un hôpital n'est par définition jamais seul. De plus à Bayonne le réseau Palliadour spécialisé dans les soins palliatifs  a toujours un médecin référant disponible pour assister un médecin placé devant une situation de fin de vie difficile. Alors pourquoi invoquer  la solitude  ?

Comme le rappelle le vice-procureur de Bayonne la loi Leonetti de 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie qui a dépénalisé des pratiques jusque là considérées comme de l'euthanasie active exige en effet le  consentement éclairé de la personne ou de sa famille, et une décision prise collectivement par une équipe de soignants donc... jamais seul. C'est ce caractère collectif que les militants du suicide médicalement assisté veulent faire sauter.

L'éditorialiste de Libération l'écrit : Nous devrions exiger de l'Etat qu'il respecte un principe de neutralité morale en autorisant chacun à vivre et à mourir selon ses propres conceptions philosophiques. Et ce n'est certainement pas au nom de la dignité - concept dangereux car réversible - qu'il convient de mener ce combat mais beaucoup plus simplement en celui de la liberté. Et voilà !

Il ne s'agit donc pas de sortir les médecins et les familles, des dilemmes et des cas de conscience qui entourent l'accompagnement des personnes en fin de vie. Il s'agit au nom d'une conception abstraite - et fausse - de la liberté de faire des médecins les exécutants au sens strict du  mourir quand je veux, comme je veux  de ceux qui veulent à n'importe quel prix être les seuls et uniques maîtres de leur destin jusqu'au bout.

 

 

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