Article rédigé par Gérard Leclerc*, le 15 juillet 2005
L'horreur que l'on éprouve à l'égard des attentats criminels de Londres ne saurait émousser une nécessaire lucidité. Le terrorisme en frappant les imaginations veut imposer sa loi et il trouve malheureusement de précieux auxiliaires dans des médias qui se chargent de répercuter au maximum la charge de violence physique et psychologique par laquelle ses commanditaires voudraient s'emparer des consciences.
Certes, la réaction de nos amis britanniques est conforme à la tradition de courage de leur pays, et l'on peut espérer que les Etats européens mettront en commun leurs moyens de renseignement, de prévention et de riposte pour empêcher l'adversaire de poursuivre ses desseins. Mais il y a lieu de mener une réflexion sereine sur la façon dont les moyens de communication doivent rendre compte de tels événements afin d'éviter d'abord les psychoses collectives que cherchent à créer les terroristes.
Sur la nature de l'adversaire, sur son idéologie, sur son emprise et ses complicités dans le monde musulman, tout à déjà été dit. Le terrorisme islamiste n'est certes pas l'islam dont il se réclame mais dont beaucoup de fidèles répudient avec horreur les crimes, ainsi qu'on l'a constaté ces derniers jours, notamment à Londres dans les mosquées le jour de la prière du vendredi. Que certaines attitudes de l'Occident à l'égard des pays musulmans facilitent parfois la propagande extrémiste constitue une certitude. Ce n'est pas une raison pour conforter la théorie du choc des civilisations, en dépit des éléments de vérité que contient l'analyse de Samuel Hutington et se rallier aux positions violemment polémiques d'une Oriana Fallaci. Attiser la dialectique des oppositions c'est rendre service à l'adversaire qui ne demande que la montée de la haine dans le but de créer des camps irréconciliables.
Aussi la tragédie de Londres, qui s'ajoute à bien d'autres depuis le 11 septembre 2001, doit-elle nous engager dans une réflexion approfondie sur les relations entre les civilisations que l'on ne saurait séparer du dialogue entre les religions.
La rencontre de Sant'Egidio qui aura lieu à Lyon en septembre prochain nous permettra d'en mieux percevoir les enjeux. Il est certain que la rencontre entre le christianisme et l'islam, dans les termes nouveaux qui se sont précisés ces dernières décennies apparaît décisive si l'on veut désamorcer l'offensive idéologique qui tente de pérenniser le vieux conflit entre "les croyants fidèles à l'islam et les croisés".
Il ne s'agit pas de se précipiter dans des actions illusoires ou des conciliations à bon marché. Les difficultés théologiques demeurent fortes pour un accord véritable et le dialogue exige un discernement réclamant une bonne connaissance des doctrines et des différences d'appréciation politique. Depuis Vatican II, l'Église catholique s'est employée, avec l'aide de musulmans de bonne volonté, à progresser vers un changement qualitatif de la coexistence mutuelle. Ainsi que le souligne Mgr Fitzgerald dans un livre précieux, tous les obstacles sont très loin d'avoir été levés (1).
Mais si l'on veut vraiment la paix il n'y a pas d'autre voie que celle-là pour prédisposer les peuples à récuser définitivement la logique de la haine.
*Editorial à paraître dans le prochain n° de France catholique
http://leclerc.gerard.free.fr/
(1) Mgr Michael Fitzgerald, Dieu rêve d'unité. Entretiens avec Annie Laurent, Bayard, 2005.
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