Libye : l'insurrection se déchire
Article rédigé par Philippe Oswald, le 13 août 2011

 Kadhafi va tomber , assurait, martial, Bernard-Henri Lévy à Aujourd'hui en France, le 7 août. Le but de cette énième interview était de faire diversion après la nouvelle preuve – sanglante – de la division des forces rebelles libyennes : l'assassinat du général Abdel Fatah Younès, chef d'Etat major des forces armées du CNT (Conseil national de transition, instance dirigeante des forces rebelles) et de deux de ses principaux collaborateurs militaires, le 28 juillet.  Le sang du martyr ne sera pas répandu en vain !  scandait une foule d'un millier de personnes, lors de ses obsèques, le lendemain, à Benghazi. Mais ce  martyr -là n'était pas tombé sous des balles kadhafistes ! Son assassinat aurait eu lieu au cours du transfert du général et de ses adjoints depuis le front de la région de Brega à Benghazi, la capitale de la rébellion,  où le CNT l'avait rappelé pour rendre compte de l'enlisement des opérations militaires face aux forces loyalistes. Les assassins sont donc ses propres accompagnateurs missionnés par plusieurs responsables du bureau exécutif -enfuis depuis à l'étranger. Pour eux, Younès était un traître.

Le fait est que le général fut pendant 40 ans un compagnon de route de Kadhafi. Une rumeur insistante soutenait qu'il n'avait basculé dans le camp de la rébellion qu'avec l'accord tacite de ce renard de Kadhafi avec lequel il n'aurait jamais totalement rompu. Au point de désorganiser sciemment les troupes dont il avait le commandement ?! Ce n'est pas l'avis de BHL qui l'avait introduit à l'Elysée : c'était un  excellent stratège  affirme-t-il encore, en rappelant que c'est au cours d'une rencontre entre le général Younès et Nicolas Sarkozy, à Paris, le 14 avril dernier, qu'est née l'idée d'ouvrir un deuxième front au sud de Tripoli (le premier étant celui de Misrata, à l'est), avec l'envoi d'armes françaises dans les montagnes du djebel Nefousa. C'est donc avouer qu'un pion essentiel de la stratégie française inspirée par BHL a sauté.

La coalition rebelle est faite de clans rivaux et celui de Younès est bien décidé à venger son assassinat. La tension est devenue telle que le président national du Conseil de transition, Moustapha Abdeljalil, a limogé le 8 août l'ensemble du  bureau exécutif  du gouvernement intérimaire, à l'exception de son  premier ministre  chargé de reconstituer une équipe ayant pour mission de mettre un terme aux  erreurs administratives  de la précédente, et de faire la lumière sur la  conspiration  ayant coûté la vie au général Younès. Après ce dernier épisode aussi tragique que rocambolesque, faut-il encore s'étonner des fiascos à répétition des offensives rebelles pourtant soutenues par les bombardements de l'Otan ?

Ceux-ci, réputés  ciblés , se multiplient...et multiplient les victimes. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est ému le 12 août du  nombre inacceptable des pertes de vie civiles  au moment même où les rebelles revendiquaient une fois de plus une  victoire  à Brega sur les troupes de Kadhafi (qui contrôlent toujours 70% du territoire), et a appelé à une solution politique au conflit. Pour lui, il n'y a en effet  aucune solution militaire à la crise libyenne . Le retour à Toulon ce même 12 août du porte-avions Charles-de-Gaulle pour des raisons  humaines et techniques  (parmi lesquelles la nécessité de  former de nouveaux pilotes  pour assurer la relève, selon notre ministre de la Défense, Gérard Longuet), plaide aussi en ce sens. Rappelons que la France assure le quart des vols et le tiers des frappes en Libye.
Pendant ce temps, le sang  coule à flots en Syrie. Et l'enlisement de l'intervention libyenne ne peut qu'encourager Bachar El-Assad, autrement mieux armé et dangereux que Kadhafi, a continuer à massacrer ses opposants en toute impunité.

 

Sources : Aujourd'hui en France, Le Figaro, Le Point.fr, Le Monde.fr

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