Article rédigé par Francis Woehrling, le 21 janvier 2005
Voici donc George W. Bush II investi. En prêtant serment sur la Bible, ce jeudi 20 janvier, le Président a ouvert officiellement son second mandat, et conclu, au moins provisoirement, les effarantes passes d'armes qui ont émaillé sa campagne entre Occidentaux des deux rives.
Car effaré, c'est vraiment l'esprit dans lequel je suis, moi Européen qui partage ma vie entre les États-Unis, pays natal de mon épouse et de mes enfants, et l‘Europe, où l'Alsacien que je suis a travaillé sa vie durant (à la Commission de Bruxelles), à l'examen des invectives échangées de part et d'autre de l'Atlantique.
J'ai été vraiment saisi quand la fureur anti-bush et le désespoir de ma femme américaine m'ont soudainement révélé ce qui grandissait en moi depuis des années : une colère contre MM. Chirac et Schröder et mon désespoir devant l'impuissance européenne. Mais malheureusement, la faiblesse des analyses et de l'argumentation des oppositions respectives, en Europe et aux USA, nous unissait tout autant. Oui j'ai soudainement compris qu'Européens et Américains sont logés à la même enseigne, et que nos voisins respectifs s'enguirlandent comme des autruches pour mieux se boucher les yeux.
Bush a répondu au terrorisme qui se développe depuis des années. Les Européens et les démocrates ont critiqué avec raison les énormes défauts d'exécution de sa contre offensive, mais quelles politiques ont-ils proposées et mises en œuvre ? Bush ne les a pas empêchés d'agir au Darfour, en Corée et ailleurs. Pour l'Iran, la question reste posée. Rumsfeld croyait que les nouvelles armes technologiques lui donnerait une victoire à l'économie, mais une année plus tard, ce sont les ministres allemands, en retard d'une guerre, qui veulent imposer cette économie à leurs généraux.
Sur le terrain économique, je crains que si les Américains utilisaient la baisse du dollar pour rééquilibrer leur commerce extérieur et renforcer leur position économique, les Européens avec la seuile monnaie forte au monde se retrouvent aussi "nus" devant les Chinois (et les Asiatiques) qu'ils l'ont été (politiquement) au Moyen-Orient.
En somme, les Américains se précipitent dans l'action et les Européens dans le discours, sans penser leur position dans le monde. À court terme, on peut considérer les Américains plus ridicules que nous, Européens, mais à long terme les chœurs des tragédies antiques sont bien inutiles...
En fait, George W. Bush rappelle de plus en plus Guillaume II. Il entrevoit certaines tendances lourdes et il fonce. Les USA sont profondément divisés comme l'Allemagne le fût entre 1900 et 1930. Mais l'Europe d'aujourd'hui est plus décadente que ne le furent à l'époque la IIIe République en France et l'Angleterre épuisée. Et nous savons tous que l'origine de la Première Guerre mondiale reste un mystère.
Aussi, à la réflexion, la folie de Bush – apparente et brutale – me paraît moins grande que celle de la Vieille Europe, distinguée, mollassonne, et (médiatiquement) tonitruante. Bush fonce, l'Europe aboie. Chacun fait ce qu'il peut avec l'impuissance qui lui reste.
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