Article rédigé par Jean Flouriot, le 06 juillet 2007
La "crise de la tortilla" fait descendre les Mexicains dans la rue (Le Monde, 02.02.07). Un battement d'ailes de papillon sur les cours d'une source d'énergie crée une déstabilisation dans l'ensemble du monde agricole (Le Figaro, 22.
05.07). La flambée du beurre inquiète les biscuitiers (Le Figaro, 31.05.07). Au Brésil, la fièvre de l'éthanol fait flamber les prix de la terre (Le Figaro, 21.06.07). Le blé continue son envolée (Le Figaro, 22.06.07). Alerte sur les prix des produits alimentaires (Le Figaro, 29.06.07). Les titres de la presse de ces derniers mois sonnent l'alerte sur la montée des prix agricoles.
Après le pétrole et les produits miniers, ce sont les matières premières d'origine agricole qui s'invitent dans le train de la hausse des prix mondiaux : blé, maïs, soja, lait, cacao...Le blé et le maïs ont vu leurs prix s'élever de plus de 50% en 6 mois.
À cela, des raisons conjoncturelles (sécheresse en Australie, grands froids en Ukraine), mais aussi des causes plus profondes : la demande des pays émergents, et particulièrement de la Chine, ne cesse d'augmenter.
En ce qui concerne le blé, il y a déjà plusieurs années que la FAO attire l'attention sur la faiblesse des stocks mondiaux (deux mois de consommation) ; la croissance de la consommation est plus rapide que celle de la production. L'enrichissement (relatif) des populations modifie les habitudes de consommation alimentaire : la part des protéines animales va en croissant. Or les productions animales incorporent une part importante de céréales : un poulet standard consomme 2,7 kg de céréales pour une durée moyenne d'élevage de 6 semaines, un poulet label demande dix semaines d'élevage et 5,2 kg de céréales.
L'éthanol perturbe les marchés
Mais c'est le développement de la production de l'éthanol qui apporte le plus de perturbations sur les marchés. L'objectif européen d'incorporer 10% d'éthanol dans les carburants implique que l'on consacre à sa production (à partir du blé, du maïs ou d'autres cultures) 20 à 25% des surfaces. En Asie, c'est l'utilisation des huiles végétales pour la fabrication du bio-diesel qui fait monter les cours de ces produits alimentaires de consommation courante. Au Brésil, il y a déjà longtemps que la canne à sucre est cultivée majoritairement pour la production de carburant. Le programme gouvernemental prévoit la construction de 90 usines nouvelles dans les cinq prochaines années. La canne à sucre chasse toutes les autres cultures. Dans l'État de Sao-Paulo, il faut importer la nourriture d'autres régions du pays et le prix de la terre a plus que doublé entre 2001 et 2006, excluant du marché les petits agriculteurs.
L'alimentation représente 10 à 15% des dépenses de consommation des pays développés. Jusqu'à présent l'augmentation des matières premières agricoles s'est peu répercutée sur les prix à la consommation, ce sont les marges de l'industrie agro-alimentaire qui se sont réduites. Dans les pays pauvres, les conséquences de la hausse des prix des produits alimentaires de base sont beaucoup plus importantes : la proportion des dépenses alimentaires dans un budget familial y dépasse souvent 50%. La Banque mondiale, début 2007, estime qu'une hausse de 40% des prix du maïs, du blé ou du riz représente une baisse de 6 à 10% du revenu des ménages pauvres. Ce seuil est maintenant dépassé.
Il est de plus en plus évident que la production céréalière ne répond pas à la demande croissante et donc que les prix vont continuer à s'élever. La réponse des agricultures modernes peut être rapide mais, en raison de la concurrence des bio-carburants, la production pour la consommation humaine restera limitée. Les agricultures des pays pauvres et particulièrement celles de la Chine et de l'Inde (30% de la population mondiale ...) sont incapables de faire face rapidement au surcroît de demande alimentaire : une crise alimentaire majeure se profile en Asie. Quelles en seront les conséquences politiques ?
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