Article rédigé par Jean Flouriot, le 12 mars 2010
Pierre Camatte, enlevé fin novembre au Mali par un groupe se réclamant d'Al Quaïda, a recouvré la liberté le 23 février dernier, après de longues négociations aboutissant à la remise en liberté par le Mali de plusieurs islamistes. Cet enlèvement prenait la suite de plusieurs autres : trois espagnols enlevés en Mauritanie, des touristes et des personnels des Nations-unies enlevés au Niger, plusieurs assassinats d'étrangers dans diverses zones du Sahara.
Au Mali, comme au Niger, des rebellions touaregs se manifestent épisodiquement de façon plus ou moins violentes. Des accords de paix successifs n'ont pas éteint ces conflits.
On estime à 50 ou 100 000 le nombre des émigrés clandestins transitant chaque année à travers le Sahara vers l'Europe.
La dernière tentative d'attentat contre un avion américain est l'œuvre d'un jeune nigérian, originaire d'un pays où près de la moitié des États qui le compose sont soumis à la charia et où, périodiquement, les chrétiens sont massacrés par centaines.
L'hebdomadaire Jeune Afrique, dans son édition du 16 novembre dernier, rapportait la découverte de la carcasse incendiée d'un mystérieux Boeing, quelque part aux environs de Gao, au Mali. L'avion a pu être identifié : il provenait du Venezuela. Ce type d'appareil peut transporter 10 tonnes de fret ; il avait déchargé sa cargaison et s'est écrasé au décollage sans faire de victime, semble-t-il. On n'a retrouvé aucune trace de la marchandise, vraisemblablement de la cocaïne. Cette découverte permet de se faire une idée de l'ampleur prise par le trafic.
Les ministres de l'Intérieur de sept pays d'Afrique de l'Ouest (Gambie, Guinée-Bissau, Guinée, Cap-Vert, Mali, Mauritanie et Sénégal) mais aussi leurs homologues français et espagnol, Brice Hortefeux et Alfredo Perez Rubalcaba, se sont retrouvés à Dakar le 15 février pour une réunion consacrée à la lutte contre le trafic de la drogue.
Il y a deux semaines, le Maroc organisait à Marrakech une conférence africaine sur la sécurité avec la participation de quarante pays africains. Confronté au front Polisario depuis la conquête de l'ancien Sahara espagnol par la Marche verte de1975, ce pays est particulièrement sensible à toute déstabilisation de la zone saharienne.
Tous les trafics
Drogue, armes, hommes, tous les trafics sont rendus possibles dans ces immenses espaces peu et mal contrôlés par des États faibles. Leurs richesses minières (fer, or, uranium, bauxite, pétrole) sont importantes. Leur exploitation n'apporte pas grand-chose en matière de développement aux populations sahéliennes, les revenus étant confisqués par les groupes au pouvoir. Le pétrole du Sud-Soudan est une des sources du conflit qui l'oppose au pouvoir de Khartoum.
Alimentés par l'argent de la drogue, les groupes armés sont de plus en plus actifs dans toute la zone sahélienne, de l'Atlantique à la Mer Rouge. Le Sahel, dans son ensemble, est en voie de déstabilisation.
La France a des liens historiques avec ce territoire, la majorité des migrants africains qui résident chez nous sont originaires de cette région du monde. Nous ne pouvons pas nous désintéresser de ce qui s'y passe.
Est-ce bien le moment de réduire notre présence militaire à Dakar ? Notre sécurité ne se joue-t-elle pas là plutôt qu'en Afghanistan ?
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