Article rédigé par Patrick Germain*, le 06 octobre 2004
Charles d'Autriche, plusieurs fois descendant direct de Louis XIV, de Louis XV, et bien entendu de saint Louis, était marié à une princesse du sang de France, Zita de Bourbon de Parme.
Il avait à ce titre mille raisons d'intéresser les Français, mais ce n'était pas là l'essentiel. En effet, Charles d'Autriche aimait sincèrement la France parce qu'il voyait en elle la Fille aînée de l'Église. Et s'il est vrai que la catholique Autriche n'a rien à envier, en matière de pratique religieuse, à notre pays, il n'en reste pas moins que la France, pays du droit divin, a toujours occupé une place particulière dans la communauté ecclésiale des pays européens.
La deuxième raison est que le modèle français était encore à l'époque la référence de toute vie politique. Et même si l'Angleterre dominait le monde depuis le milieu du XVIIIe siècle, le français était la langue des diplomates et des traités internationaux. Aux yeux du jeune empereur d'Autriche, la France avait valeur de pays civilisé par excellence.
Enfin, fidèle à la politique de l'impératrice Marie-Thérèse, il savait que seule l'alliance franco-autrichienne pouvait contenir les appétits des autres nations et assurer l'équilibre à l'Europe.
L'aveuglement imbécile de la France laïque
Ne portant aucune responsabilité dans la déclaration de guerre en 1914, ayant toujours agi en soldat responsable et comptable de la vie de ses hommes, il a cherché auprès de la France, dès son avènement, le 22 novembre 1916, avec l'aide de son épouse, l'impératrice Zita, les voies d'une paix séparée. Ce fut à l'honneur du président du Conseil, Aristide Briand, et du Président de la République française, Raymond Poincaré, de répondre à ses offres. Ce fut également à l'honneur des princes Sixte et Xavier de Bourbon de Parme ; les frères de l'impératrice – qui faute de pouvoir se battre dans l'armée française, pour cause de loi d'exil, étaient officiers dans l'armée belge, notre alliée – acceptèrent malgré les risques d'être les intermédiaires entre l'empereur d'Autriche et les autorités françaises.
Le printemps 1917 fut porteur de l'espoir d'une paix bientôt retrouvée. L'Autriche acceptait de signer une paix séparée avec les Alliés, reconnaissant les droits imprescriptibles de la France sur l'Alsace-Lorraine, à la condition que soit reconnue, le moment venu, l'intégrité de l'Empire austro-hongrois. Devant les horreurs d'une guerre interminable, où la misère des populations civiles s'ajoutaient aux drames du front, devant les risques encourus par l'Europe de voir la éclater la monarchie habsbourgeoise, élément de stabilité, Charles d'Autriche prit le risque d'abandonner l'alliance allemande.
Les Français, hélas, par la voix d'Alexandre Ribot, remplaçant Briand aux affaires, puis par celle de Clemenceau, choisirent la guerre totale jusqu'à la victoire, ne laissant pas d'autre possibilité à l'empereur d'Autriche que d'être désormais prisonnier du Grand État-major allemand, et de payer au prix fort sa participation à la guerre avec la destruction de l'ensemble danubien que sa dynastie avait mis sept siècles à édifier.
La guerre dura deux ans encore et coûta des millions de vies humaines supplémentaires.
Une fois acquise la victoire des Alliés sur les empires, la France, dans un aveuglement imbécile choisit donc de châtier le vaincu en démembrant l'Empire austro-hongrois et en bannissant la dynastie des Habsbourg de leurs trônes, dont nul, à part quelques excités de la Légion Tchèque, entraînés par Benes et Masaryk, ne contestait la légitimité.
Les peuples de l'empire payèrent l'erreur de la France au prix du sang et des ténèbres. Engagés malgré eux dans les épreuves terribles du fascisme et du communisme, ils ont subi soixante ans de guerre, de misère et de terreur, qui auraient pu leur être évités si les dirigeants français avaient accepté de suivre les propositions de l'empereur Charles 1er au printemps 1917.
Le jeune empereur avait été le visionnaire du devenir terrible de l'Europe dans l'ensemble habsbourgeois. Il ne s'était pas trompé. Vingt ans, après, l'Europe était à nouveau à feu et à sang.
Le destin terrible de ses peuples scellé par les traités de Saint-Germain et de Trianon (1919-1920), véritables certificats de décès de la Vieille Europe, son impuissance devant la tragédie, les multiples trahisons, ont entraîné la dégradation de son état physique et moral. La misère matérielle à laquelle les Alliés avaient réduit la famille impériale a précipité la mort de l'empereur Charles d'Autriche. Faute d'argent, on n'a pu appeler un médecin pour le faire soigner. Il est mort le 1er avril 1922, dans la misère, pauvre parmi les pauvres de l'île de Madère.
Un prince selon l'Évangile
La France porte une responsabilité directe dans le martyre de Charles d'Autriche. Si elle a contribué à le faire souffrir, elle se doit aujourd'hui de réparer ses torts en participant activement à la gloire de sa béatification, le 3 octobre prochain.
Les chrétiens de France ne s'y tromperont pas. La béatification du vénérable Charles d'Autriche, empereur et roi, n'est pas un acte politique, mais un acte de courage de la part du Saint-Père: le courage de dire à la face du monde que l'on peut être chef d'État, avoir assumé les responsabilités suprêmes, sans jamais avoir renoncé à vivre, en fils de Dieu, selon l'Évangile. Il est bon de rappeler que seuls les idéaux supérieurs de justice et d'amour doivent inspirer les dirigeants de ce monde. Ce sont eux qui ont inspiré le vénérable Charles d'Autriche. N'avait-il d'ailleurs pas été appelé de son vivant, par les plus pauvres, " l'Empereur du peuple " et salué par l'Arbeiter Zeitung, le journal des travailleurs, socialiste, comme un jeune empereur " au cœur largement ouvert à la compassion "!
Sur son lit de mort l'empereur Charles disait : " J'ai beaucoup à souffrir pour que mes peuples puissent à nouveau être ensemble. " Aujourd'hui, ses peuples ont trouvé une nouvelle forme d'identité commune. Il n'est pas interdit de penser que la compassion et l'intercession du bienheureux Charles d'Autriche ont eu un rôle majeur dans leur nouveau destin.
* Patrick Germain est président pour la France de la Ligue de prière de l'empereur Charles pour la paix entre les peuples. Il est l'auteur de Charles et Zita, derniers souverains d'Autriche-Hongrie, France-Europe éditions, 468 p., 23 € (en vente avec notre partenaire Amazon.com).
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