Le Parlement Européen refuse d'encourager de véritables alternatives à l'avortement dans les pays en voie de développement
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 21 février 2003

Le 13 février, le Parlement européen a adopté un projet de règlement sur les aides de l'Union européenne destinées aux politiques relatives à la santé et à la procréation dans les pays en voie de développement.

Ce projet intervient alors que l'administration américaine se désengage de ces actions, au nom du refus de l'avortement.

Entre 1997 et 2002, l'Union européenne a mené plusieurs programmes de santé de la reproduction au titre de la coopération avec l'Afrique, l'Asie et l'Amérique du Sud. Elle s'apprête à allouer 60 millions d'euros à leur renouvellement, alors que certains pays, et en premier lieu les Etats-Unis, refusent de poursuivre dans cette voie sous le prétexte qu'ils favorisent l'avortement. Suivant le député danois Ulla Sandbaeck, le Parlement européen a porté la somme à 73,5 millions ; le commissaire européen chargé du Développement, Poul Nielson, estime nécessaire d'accroître encore la contribution de l'Union européenne à ces programmes.

L'amendement 53, qui visait à interdire l'emploi des fonds budgétaires alloués à l'aide au développement au financement de l'avortement a été rejeté par 180 voix contre 254 et 11 abstentions (ce vote est disponible sur le site www.eurofam.org, rubrique "Votes par appels nominaux").

Bien qu'elle s'en défende (" l'avortement ne doit pas être un moyen de planification des naissances "), Mme Sandbaeck demande que là " où les avortements sont faits dans les mauvaises conditions, il faudrait appliquer des mesures sûres et efficaces en matière de santé génésique " sans préciser ces mesures.

Le débat en séance plénière a surtout porté sur l'avortement et montré que les partisans du rapport Sandbaeck revendiquaient avant tout " le droit des femmes à disposer de leur corps " et que le droit à l'avortement ne devait pas être réservé aux pays développés.

C'est la raison pour laquelle j'avais déposé en commission de développement et de la coopération plusieurs amendements qui ont été rejetés mais que mon collègue José Ribeiro e Castro (UEN-Portugal) a repris en plénière :

Amendement 50 : La Communauté et ses États membres sont résolus à contribuer sans réserve à la réalisation des objectifs de développement, fixés lors du sommet du millénaire, qui consistent à réduire de trois quarts le taux de mortalité maternelle, à instaurer l'égalité entre hommes et femmes et à donner accès aux soins et services de santé sexuelle et génésique pour les populations du monde entier, ainsi qu'un large accès à des services d'accueil et d'accompagnement pour les futures mères en détresse de façon à les aider dans un choix de maternité.

Cet amendement a été voté par les Français de l'UMP, UDF, MPF, FN et rejeté par les chasseurs, les socialistes et les communistes. Au final cet amendement a recueilli : 164 pour, 282 contre et 31 abstentions.

[Document - Rapport Sandbaeck, " Aides destinées aux politiques et aux actions relatives à lasanté et aux droits en matière de reproduction et de sexualité ". Intervention du député Elizabeth Montfort ]

" Le rapport de Madame Sandbaek sur l'aide que l'Union Européenne peut apporter dans le domaine de la santé et des droits en matière de reproduction et de sexualité dans les pays en développement procède d'une bonne intention.

En effet, nous, femmes européennes, avons la chance de pouvoir mener à terme une grossesse, d'avoir accès à l'information et de concilier vie familiale et vie professionnelle. Comment pouvons-nous accepter que tant de femmes vivent des difficultés qui nous sont épargnées ici en Europe !

Cependant gardons-nous de conditionner notre aide à notre vision du Planning Familial. Il serait absurde d'imposer à ces femmes un modèle : le nôtre. Il est indispensable d'aider ces femmes à organiser leur société, leur vie de femme et de mère en fonction de leurs traditions, de leurs valeurs et de leur culture. On ne peut d'ailleurs réduire la question des droits des femmes aux questions de reproduction et de sexualité : ces femmes sont les piliers de leur société, il faut donc qu'elles aient davantage accès à l'éducation, à l'information, à l'apprentissage et qu'elles puissent transmettre à leurs enfants tous ces acquis qui permettront à leur pays un vrai développement: un développement où l'accès à la santé et à l'information doit avoir toute sa place.

Si la grossesse et l'accouchement sont les causes principales de décès ou d'infirmités chez les femmes vivant dans les pays en développement, si les maladies sexuellement transmissibles sont plus fréquentes dans ces pays, ce n'est certainement pas en supprimant la grossesse que nous règlerons ces problèmes.

Il faut traiter les causes et pas seulement les conséquences, par l'accès à l'information, je l'ai dit, l'accès aux médicaments, en particulier génériques, nous en avons parlé lundi soir, pour que les soins ne soient pas le luxe des pays industrialisés.

Madame le rapporteur, vous nous dites que l'avortement ne sera jamais un moyen de contraception. Pour nous en convaincre, il aurait fallu que votre texte soit plus précis. Il aurait fallu soutenir les amendements que j'avais déposés en commission et qui étaient précisément une alternative à l'avortement : un lieu d'accueil pour des femmes qui font le choix de la maternité en dépit des difficultés de la vie.

Mais, je remercie mon collègue Ribeiro e Castro qui les a repris car la santé et les droits en matière de reproduction et de sexualité seront toujours liés à la liberté et la responsabilité de chacun.

Alors je souhaite que ces femmes puissent exercer leur responsabilité en toute liberté et sans la pression de notre modèle occidental. "

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