Article rédigé par Jean Flouriot, le 14 novembre 2008
La situation au Congo devient de plus en plus complexe et dramatique. Les interventions angolaise et zimbabwéenne (le Zimbabwe n'a-t-il pas autre chose à faire ?) relancent la guerre et il semble que l'Élysée y prête la main. Un gâchis.
LES EVENEMENTS en RD Congo sont tragiques. La presse rend bien compte de la situation épouvantable dans laquelle se trouvent les malheureux habitants du Nord-Kivu (ailleurs, dans ce pays, il n'y a pas la guerre mais d'autres types de violence et une très grande pauvreté).
En réalité, la guerre n'a pas cessé dans cette région depuis son invasion par le Rwanda en 1996. L'hebdomadaire Marianne et beaucoup de bons esprits souhaitent une intervention des grandes puissances. Or elles sont déjà intervenues : opération européenne Artémis en Ituri en 2003, appui de l'Eufor à la Monuc en 2006 lors des élections présidentielles. La présence de l'Eufor à Kinshasa n'a pas empêché des affrontements meurtriers dès l'annonce des résultats électoraux et, après son retrait, six mois plus tard, de nouveaux affrontements ont fait plusieurs centaines de morts dans la capitale.
Au Kivu, la guerre est permanente, avec des poussées de fièvre plus violentes comme celle que nous connaissons aujourd'hui ; en 2004, Laurent Nkunda a occupé Bukavu (beaucoup plus loin de ses bases que Goma qu'il menace aujourd'hui) pendant une semaine... Le Nord-Kivu est, en fait, sous contrôle économique du Rwanda. L'or, le coltan, les diamants sont exploités dans des conditions innommables sous le contrôle des généraux rwandais ; un peu plus au nord ce sont les militaires ougandais qui contrôlent le même trafic.
Les militaires de la Monuc (indiens, en majorité dans cette région) sont trop peu nombreux pour contrôler une région au relief difficile et faire face aux diverses milices très aguerries qui y sévissent. De plus, leur mandat n'est pas offensif, ils doivent protéger les populations civiles. Les milices sont d'une sauvagerie et d'une violence dont nous n'avons aucune idée. Des témoignages précis font même état de pratiques anthropophagiques ; on compte plusieurs centaines de viols par jour. La Monuc ne peut pas plus s'opposer aux milices que les militaires de l'ONU n'ont pu s'opposer aux massacres en Bosnie.
Intervenir ? avec quelles forces ? L'Irak et l'Afghanistan suffisent à occuper les Américains et leurs alliés. D'après Le Monde (Nathalie Nougayrède, 08 novembre), l'Élysée soutiendrait une intervention de l'Angola en appui à Kabila, que des militaires angolais et zimbabwéens seraient présents au Kivu. Ce serait enfoncer un peu plus tout le Congo et avec lui toute l'Afrique centrale dans la guerre. Le Rwanda pourrait alors soutenir ouvertement Nkunda et l'Ouganda ne manquerait pas de se saisir de cette occasion pour reprendre la main sur le nord du Congo. Les partisans de Jean-Pierre Bemba en profiteraient pour se dresser de nouveau contre le gouvernement (ils sont majoritaires dans la population de la capitale). Ce serait un terrible retour en arrière.
Enfin, supposons les violences calmées, que faire en face des gouvernants incompétents et profondément corrompus ? Les grandes puissances ont porté pendant plus de cinq ans le dialogue intercongolais et la transition pour aboutir à la mainmise du clan Kabila sur le pays. La faiblesse de ses hommes politiques fait du Congo une proie facile pour les gens sans scrupules ; aujourd'hui ses richesses minières sont passées en grande partie entre les mains des Chinois.
Il n'y a au Congo qu'une seule institution qui se préoccupe de la population : l'Église. C'est de son patient travail d'évangélisation, d'éducation et de civilisation que sortira un jour (mais quand ?) un pays où le mot de développement trouvera tout son sens.