Le choix de la reine ?
Article rédigé par Tugdual Derville*, le 03 juillet 2009

Arrivée événementielle de Frédéric Mitterrand, promotion de Nadine Morano et expulsion de Christine Boutin : selon de nombreux commentateurs, le nouveau gouvernement Fillon porte la griffe de Carla Bruni.

L'ouverture aux partis de gauche a marqué le pas lors du nouveau remaniement, mais la réconciliation avec l'intelligentsia du même bord a bel et bien été scellée par l'arrivée du nouveau ministre de la Culture. Frédéric Mitterrand apporte son nom et des amitiés. Celle de Carla Bruni avait déjà été considérée comme déterminante dans la nomination du neveu de l'ancien président à la villa Médicis. George-Marc Benhamou, l'ami du chef de l'État actuel, fut coiffé sur le fil. L'improbable promotion du cofondateur de Charlie Hebdo, Philippe Val, à la présidence de France Inter est également attribuée à l'influence croissante de la belle Italienne.

D'aucuns stigmatisent le brouillage des cartes qu'est en passe d'opérer l'hyper-président. Son troisième mariage virerait à l'opération politique. À l'image des unions princières d'antan, Nicolas Sarkozy table sur les réseaux tissés par sa femme. Mais comment réconcilier la droite avec une caste qui lui est habituellement hostile, sans épouser ostensiblement les valeurs libertaires post-soixantuitardes que le candidat Sarkozy a naguère fustigées ?

Voilà le portefeuille de la Famille, devenu ministère à part entière, occupé par une personnalité qui ferait presque passer Roselyne Bachelot pour un croisé de l'ordre moral. La promue, Nadine Morano, s'est dite prête à se faire femme porteuse de ses petits-enfants si sa fille ne pouvait pas enfanter. La plupart des experts se prononcent pourtant contre la gestation pour autrui, sous l'élan de la sociologue Sylviane Agacinsky, par ailleurs épouse de l'ancien Premier ministre Lionel Jospin.

Le talentueux Frédéric Mitterrand arrive à la Culture avec une aura si incontestable que ses troubles aveux publiés en 2005 dans un livre-confession (La Mauvaise Vie, Laffont) n'ont pas fait scandale : sur le ton du désenchantement, il y dévoile les services homosexuels payants qu'il est allé obtenir en Asie, garantissant par la suite que les jeunes prostitués évoqués étaient majeurs. Le nouveau ministre de la Culture n'a pas attendu longtemps avant d'exprimer cette sensibilité. Commentant pour Paris Match la mort de Michael Jackson qu'il estime incroyablement sexy , il affiche sa préférence pour le clip Bad : Ce mélange d'adolescent potache qui met les mains sur sa braguette et d'adolescent romanesque ! Les barons de la droite parisienne peuvent s'estimer heureux : ils ont évité la prise de la Culture par Christophe Girard, adjoint résolument libertaire de Bertrand Delanoë, et autre ami de Carla Bruni.

Peopolisation
La cour élyséenne subit une sorte de peopolisation qui la fait de plus en plus ressembler, du point de vue des mœurs, à une star-académie adolescente. On liste les haut-fonctionnaires qui font tourner la boutique, en serviteurs de l'État aussi zélés que discrets, et les ministres qui sont catholiques... prudemment. Mais exit la courageuse Christine Boutin qui avait démasqué le projet de loi de Nadine Morano sur le statut du beau-parent, jugé injuste et manipulateur. Cette entorse à la solidarité gouvernementale lui a peut-être coûté sa place. On murmure en haut-lieu que la tête du ministre du Logement était demandée par la première dame de France. L'épouse du chef de l'État a été vue aux réunions ultra-fermées organisant le remaniement. Toute l'image de Christine Boutin – ou sa caricature – indisposerait une femme dont l'histoire personnelle tranche avec celle de l'élue des Yvelines. La sympathie affichée de Nicolas Sarkozy pour la cohérence des convictions de Christine Boutin n'aurait pas tenue face à l'hostilité de sa femme.

Les biographes du Président notent combien chacune de ses épouses a pesé sur son parcours politique. À Neuilly et en Corse pour la première, Marie-Dominique Culioli. Dans la constitution du premier gouvernement Fillon pour Cécilia, avec, par exemple, la promotion-éclair de Rachida Dati qu'elle présentait comme sa sœur. Puis le divorce présidentiel express a précipité la disgrâce du conseiller David Martinon.

Le statut politique officiel de Cécilia avait par trop interféré avec ses soubresauts conjugaux : Carla se fait plus discrète. L'ancien mannequin devenue chanteuse entraînerait néanmoins son mari dans une révolution culturelle . Délaissant la poignée de vedettes de droite qui l'avaient soutenu, le président découvre jour après jour artistes, cinéastes, écrivains et acteurs de l'autre bord. Et ceux-ci de le trouver sympa ironise Stéphane Bern. Pour Bruno Jeudy, co-auteur du livre Sarkozy et ses Femmes (Plon), le président Sarkozy entend se ménager la grâce des intellectuels pour assurer la prolongation de son règne en 2012.

Certes l'éviction de Christine Boutin – mauvaise conscience de son camp – est ressentie comme une exclusion par ceux qui partagent ses convictions. La victoire écrasante de l'UMP aux européennes les rendent-ils négligeables ? Avec 60 % d'abstention, ce fut pourtant un scrutin en trompe-l'œil. À force de rassembler hors de sa base, le Président continue de froisser sa majorité, pas seulement parlementaire, qui l'accuse de tirer contre son camp. De plus en plus.

 

*Tugdual Derville est délégué général de l'Alliance pour les droits de la vie.

 

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