Article rédigé par La Fondation de service politique, le 28 mars 2003
Rarement aurons-nous pu assister à un tel ballet d'hypocrites. Les États-Unis, dès le 11 septembre 2001, avaient annoncé qu'ils étaient en état de légitime défense, 2/ qu'ils se considéraient en guerre contre le terrorisme, 3/ que l'Afghanistan serait le premier pays d'où ils l'extirperaient.
Ce qui donnait à penser que les autres pays de " l'Axe du mal " seraient traités ensuite. Pourquoi alors l'Europe et la France n'ont rien dit, rien préparé ?
Mais si les États-Unis étaient en état de légitime défense, à quoi bon demander à l'ONU d'approuver une résolution supplémentaire ? Pourquoi Diable avoir voulu faire adopter des résolutions pour désarmer l'Irak, plutôt que d'annoncer clairement que l'on entendait se débarrasser de Saddam Hussein et du Baas ?
Quelle est enfin la légitimité de l'ONU, institution où sont majoritaire des États qui sont des monarchies de droit divin comme l'Arabie saoudite, des dictatures communistes comme la Chine ou Cuba, des théocraties comme le Soudan, des dictatures militaires comme le Pakistan, et où le comité des droits de l'homme est présidé par la Libye ?
Guerroyer au Kosovo sans mandat de l'ONU fut-il moins pervers que de bombarder l'Irak ? Un dictateur européen mérite-il moins d'égard qu'un dictateur arabe ?
Qu'on puisse reprocher leur unilatéralisme aux États-unis, certes. Mais quand, sans concertation préalable avec les autres États, l'Allemagne et la France tentent d'imposer leurs points de vue au reste de l'Europe, ou faire la leçon aux petites nations, n'est-ce pas également condamnable ?
Peut-on vouloir faire appliquer le principe de précaution en matière sanitaire ou alimentaire et le refuser en politique étrangère, surtout contre des dictateurs ? Hitler et Saddam Hussein seraient-ils moins dangereux que le tabac ? Ont-ils moins tué que les OGM ?
On pourrait continuer longtemps.
L'Europe, encore, vient de montrer qu'elle est plus proche du néant que de l'être. Elle comporte un noyau d'États neutres – Autriche, Irlande, Finlande, Suède —, un noyau atlantiste et pro-américain — Grande Bretagne, Espagne, Italie, Danemark —, et tous les anciens satellites de l'URSS, qui veulent la prospérité et la protection américaine ; enfin la France et l'Allemagne, qui s'imaginent pouvoir diriger l'Europe à leur convenance... Où sont les frontières de l'Europe ? La Russie, la Turquie en font-elles partie ? Comment définir une politique, une stratégie, des actions communes à partir de positions aussi éloignées ?
Or la puissance, c'est d'abord la puissance militaire : nos budgets de défense représentent le tiers de celui des États-Unis et notre effort en matière de recherche, le septième. L'Europe, sans l'avouer, a choisi Hong Kong comme idéal : quelque chose de petit, de riche et qui n'ennuie personne. Et les enseignants qui envoient de jeunes imbéciles manifester contre les États-Unis et la guerre en Irak forment de nouvelles générations qui ne voudront mourir ni pour Dantzig, ni pour Madrid : depuis 1932, les dictateurs ont toujours pu compter sur le soutien des intellectuels français...
Enfin, une nouvelle fois, les médias feignent de redécouvrir que la guerre, cela consiste à tuer des gens, à casser des matériels militaires et des infrastructures pour imposer une solutions politique à la partie du conflit qui estime ne plus pouvoir supporter les pertes humaines et matérielles. Cette décision peut prendre plus ou moins de temps...
Cela dit, un certain nombre de choix stratégiques ou tactiques américains laissent perplexes. Pourquoi déclencher une offensive au milieu des tempêtes de sable, ce qui gène la visibilité, donc l'allonge des armes américaines, et ce qui use prématurément les moteurs en particulier des véhicules terrestres et des hélicoptères ? Pourquoi n'avoir pas tenté d'emblée une opération aéroportée sur Bagdad ? Pourquoi s'obstiner à passer par Nasiriyah, plutôt que de tenter un large enveloppement par Ar Ramadi entre les lacs Ath Thartar et Ar Razzaran ?
Il est désormais clair que le régime irakien ne s'effondrera pas rapidement. Deux scénarios semblent possibles : la guerre est terminée en moins de six semaines, ou bien c'est l'enlisement.
La guerre peut être gagnée : les Arabes n'ont plus remporté un conflit classique depuis le XIIIe siècle et la bataille des cornes d'Hattin. Il y aura beaucoup de casse, et il ne faudra pas compter sur l'enthousiasme d'un peuple libéré. Une occupation et une reconstruction de plusieurs années seront nécessaires.
Si les Américains se laissent enliser par la guérilla irakienne, on peut s'attendre au pire dans le monde musulman, au renversement d'un certain nombre de monarchies par des fondamentalistes. Au Pakistan, le régime militaire pourrait être remplacé par des islamistes, avec le risque supplémentaire d'un conflit nucléaire entre l'Inde et le Pakistan.
> D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage
> Suivre le débat des lecteurs "Spécial Irak"
>