La laïcité à la française dans le collimateur du Saint-Siège
Article rédigé par La Fondation de service politique, le 16 janvier 2004

Dans son discours annuel au corps diplomatique, ce 12 janvier, Jean-Paul II a rompu avec l'usage – une analyse de l'actualité intercontinentale — pour mettre en évidence le choc du message évangélique dans la société des hommes.

Le pape s'inquiète : les pouvoirs ont de plus en plus tendance à mettre la liberté religieuse sous contrôle, quand il ne s'agit pas d'instituer une sorte de religion de substitution. " Nous sommes témoins ces derniers temps dans certains pays d'Europe, observe le Saint-Père, d'une attitude qui pourrait mettre en péril le respect effectif de la liberté de religion. "

Difficile de ne pas penser à la France : " On invoque souvent le principe de laïcité, en soi légitime s'il est compris comme la distinction entre la communauté politique et les religions. Mais distinction ne veut pas dire ignorance. La laïcité n'est pas le laïcisme ! Elle n'est autre que le respect de toutes les croyances de la part de l'État, qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants. " Le pape achève son propos sur les menaces du laïcisme en évoquant pour l'Europe la nécessaire et juste reconnaissance de l'héritage chrétien. Une reconnaissance dont le chef de l'Etat français se veut l'irréductible adversaire... Extraits :

" Les communautés de croyants sont présentes dans toutes les sociétés, expression de la dimension religieuse de la personne humaine. Les croyants attendent donc légitimement de pouvoir participer au dialogue public.

" Malheureusement, on doit observer qu'il n'en est pas toujours ainsi. Nous sommes témoins, ces derniers temps, dans certains pays d'Europe, d'une attitude qui pourrait mettre en péril le respect effectif de la liberté de religion. Si tout le monde s'accorde à respecter le sentiment religieux des individus, on ne peut pas en dire autant du "fait religieux", c'est-à-dire de la dimension sociale des religions, oubliant en cela les engagements pris dans le cadre de ce qui s'appelait alors la Conférence sur la Coopération et la Sécurité en Europe.

Pas de liberté religieuse sans liberté sociale des religions

" On invoque souvent le principe de la laïcité, en soi légitime, s'il est compris comme la distinction entre la communauté politique et les religions (cf. Gaudium et Spes, n. 76). Mais distinction ne veut pas dire ignorance ! La laïcité n'est pas le laïcisme ! Elle n'est autre que le respect de toutes les croyances de la part de l'État, qui assure le libre exercice des activités cultuelles, spirituelles, culturelles et caritatives des communautés de croyants.

" Dans une société pluraliste, la laïcité est un lieu de communication entre les diverses traditions spirituelles et la nation. Les relations Église-État peuvent et doivent donner lieu, au contraire, à un dialogue respectueux, porteur d'expériences et de valeurs fécondes pour l'avenir d'une nation. Un sain dialogue entre l'État et les Églises – qui ne sont pas des concurrents mais des partenaires – peut sans aucun doute favoriser le développement intégral de la personne humaine et l'harmonie de la société.

" La difficulté à accepter le fait religieux dans l'espace public s'est vérifiée de manière emblématique à l'occasion du récent débat sur les racines chrétiennes de l'Europe.

" Certains ont relu l'histoire à travers le prisme d'idéologies réductrices, oubliant ce que le christianisme a apporté à la culture et aux institutions du continent : la dignité de la personne humaine, la liberté, le sens de l'universel, l'école et l'Université, les œuvres de solidarité.

" Sans sous-estimer les autres traditions religieuses, il reste que l'Europe s'est affirmée en même temps qu'elle était évangélisée. Et l'on doit en toute justice se souvenir qu'il y a peu de temps encore, les chrétiens, en promouvant la liberté et les droits de l'homme, ont contribué à la transformation pacifique de régimes autoritaires, ainsi qu'à la restauration de la démocratie en Europe centrale et orientale. "

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