Article rédigé par Aude Dugast*, le 09 juillet 2004
La Cour européenne des droits de l’homme a rendu hier 8 juillet en audience publique son arrêt de Grande chambre dans l’affaire "Vo c. France" (requête no 53924/00). La Cour rejette la requête de Madame Thi-Nho Vo poursuivant pénalement un médecin qui, à la suite d'une erreur médicale l'avait confondue avec une femme souhaitant retirer son stérilet.
Il avait provoqué la mort de son bébé au sixième mois de grossesse.
La requérante invoquait l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme sur le droit à la vie, dénonçant le refus des autorités françaises de qualifier d’homicide involontaire l’atteinte à la vie de l’enfant à naître qu’elle portait. Elle soutenait que la France avait l’obligation de mettre en place une législation pénale visant à réprimer et sanctionner une telle atteinte.
La Cour a conclu, par 14 voix contre 3, à la non-violation de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. De l’avis de la Cour, "le point de départ du droit à la vie relève de l’appréciation des États" (sic), la majorité des pays n’ayant pas arrêté la solution à donner à cette question. La décision tient également à l’absence de consensus européen "sur la définition scientifique et juridique des débuts de la vie".
Un recul du droit
Cet arrêt rendu par la grande chambre de la Cour européenne des droits de l'homme, après l'arrêt de la Cour de cassation française, est un recul du droit et de la civilisation. On fait une croix sur ce qui est le fondement de notre culture, c'est-à-dire la protection de la vie humaine dès son commencement. Le droit pénal ayant pour finalité la protection des valeurs essentielles de la société était le plus apte à protéger effectivement la vie de l’être humain, ce terme générique désigne aussi l’enfant non encore né.
En 1975 la loi Veil autorisait l'avortement, elle n'autorisait pas un tiers à interrompre la grossesse d'une femme. Or aujourd'hui on délivre à un tiers un permis de tuer. Depuis le XIXe siècle la France protége la vie de l'enfant à naître. C'est seulement à la fin du XXe et au début du XXIe siècle que la Cour de cassation a décidé que la vie à ses débuts n'était plus protégée.
Le fœtus, victime des intérêts...
Il faut se poser la question de savoir à qui profite cette dérive monstrueuse. Jerry Sainte-Rose, avocat général à la Cour de cassation, n'hésite pas à parler de pressions idéologiques. Il analyse ce revirement du droit par la pression de lobbies. D'abord le lobby des partisans de l'avortement qui veulent déconsidérer l'enfant in utero pour mieux fonder et banaliser l'IVG. Ainsi, le président de la Grande chambre de la Cour européenne a accordé à deux organisations non gouvernementales l'autorisation d'intervenir dans la procédure en qualité de tiers intervenants : le Family Planning Association et le Center for Reproductive Rights...
Il y a aussi en jeu l'intérêt des médecins qui veulent se mettre à l'abri de toute poursuite pénale en cas de mort par accident d'un fœtus. Aujourd'hui un médecin qui blesse un enfant dans le sein maternel a intérêt à le laisser mourir. Le gynécologue qui s’efforcera, comme il en a le devoir, de sauver la vie du foetus qu’il aura par hypothèse blessé, s’exposera à des poursuites pénales et civiles alors que son confrère moins consciencieux qui laissera mourir sa victime bénéficiera d’une totale impunité. Pareille situation n’est-elle pas de nature à éveiller les pires soupçons et à se retourner finalement contre les praticiens ?
Autre intérêt : certains chercheurs souhaitent utiliser les fœtus et les embryons pour la recherche. Ils préfèrent qu'on considère le fœtus comme un simple matériel biologique.
Les femmes, victimes de cette jurisprudence
Permettre à n’importe qui et à n’importe quel moment de la gestation de causer accidentellement (ou non) la mort de l’enfant revient à donner aux tiers plus de pouvoirs sur la vie de ce dernier que n’en a la femme qui ne peut avorter librement que dans les douze premières semaines de la grossesse.
Enfin il est une liberté dont on ne parle jamais et qui est respectable, la liberté de procréer. Pourquoi serait-elle moins bien protégée que la liberté d'avorter ? La détresse de la femme privée de l’enfant qu’elle désire ne doit-elle pas être prise en considération au moins autant que celle de la femme qui souhaite interrompre sa grossesse ?
En définitive, la position adoptée par la Cour de cassation puis par la Cour européenne fait ressortir les contradictions de notre société : l’enfant à naître bénéficie d’une reconnaissance accrue sur le plan familial, social, sanitaire, et l’on s’en félicite. Mais il est ignoré du droit pénal.
Aude Dugast est la responsable de la communication de la Fondation Jérôme-Lejeune.
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L’embryon congelé, une non-personne inestimable
Tribunal administratif d’Amiens, 9 mars 2004, Époux T., no021451.
Par un jugement du 9 mars 2004, le tribunal administratif d’Amiens s’est prononcé sur la réparation du préjudice résultant pour un couple de la perte d’embryons congelés. La responsabilité du centre hospitalier ne faisait aucun doute compte tenu de la défaillance avérée du matériel de conservation. L’existence d’un préjudice n’était pas plus douteuse, eu égard aux risques que présente l’utilisation d’ovocytes mal conservés.
La question de la réparation était, en revanche, nettement plus délicate. Le tribunal a d’abord estimé que l’article 16-1 du code civil, qui dispose que le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial, s’opposait à la réparation en argent du préjudice matériel résultant de cette perte. Il a ainsi classé l’embryon parmi les biens inestimables.
Il a écarté ensuite l’existence d’un préjudice moral résultant de la perte d’êtres chers, en rappelant que les ovocytes surnuméraires conservés dans le cadre d’une procréation médicale assistée ne sont pas des personnes. En revanche, il a reconnu le droit des requérants à la réparation des troubles divers dans leurs conditions d’existence.
Enfin, il a considéré que, dans cette affaire particulière, la destruction des embryons ne constituait pas une perte de leur chance d’être parents, compte tenu de leur âge et de la possibilité qui s’offre dès lors à eux de réaliser une nouvelle procréation assistée.
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