Article rédigé par Nicolas Bonnal, le 16 janvier 2009
Israël fait sa guerre sans se gêner et on aurait tort de le lui reprocher : pourquoi se faire traiter d'antisémite ou de nazislamiste ? Même le Hamas ne s'étonne pas finalement de l'ultime agression de l'État juif.
Mais ce qui surprend le plus dans ce conflit, c'est l'indifférence, quoiqu'on en dise, du monde arabo-musulman. Il y a trente ou quarante ans, ce dernier était bien plus motivé qu'aujourd'hui, bien plus violent aussi. Il y avait la violence palestinienne qui s'exerçait dans nos aéroports ou à Munich (l'horrible attentat de septembre noir), et qui était relayée par le terrorisme italien, allemand ou japonais, tous les vaincus de la deuxième guerre mondiale. Il y a vingt ans, on osait à peine sortir à Paris à cause de la vague d'attentats commanditée par le démoniaque Fouad Ali Saleh.
Je me souviens aussi de l'affaire Rushdie : des dizaines de milliers de barbus défilaient à Londres pour demander la tête de l'infortuné (devenu depuis fortuné et belliciste) écrivain. Lorsqu'il y avait une manifestation contre Israël, il y avait peut-être un million de personnes qui sortaient de leurs banlieues en Europe pour soutenir la Palestine de Yasser Arafat qui était reçu par Mitterrand comme par Bill Clinton. Enfin il y eut les attentats de 2001 qui popularisèrent les thèses de Samuel Huntington, récemment décédé, sur les clashes entre les différentes civilisations (Entre-temps j'ai assisté à l'américanisation de l'Amérique du sud transformée en sud de l'Amérique du nord).
Or, et il faut bien le dire, il n'y a pas de clash du tout entre l'Occident et le monde arabo-musulman. L'éternel et lassant conflit israélo-palestinien, qui a fini par indifférer beaucoup de monde, est une guerre nationale et territoriale, pas une lutte de la démocratie contre le terrorisme. Il n'y pas de conflit entre l'Occident et le monde arabo-musulman, parce qu'il n'y a plus d'Occident, nous sommes bien placés pour le savoir, et qu'il n'y a pas plus de monde arabo-musulman. Tout comme il n'y a plus de Chine traditionnelle ou maoïste, d'Inde brahmanique ou gandhiste ou de Japon des samouraïs ou des yakusas (on n'est pas au cinéma tout de même !). Il y a un grand supermarché globalisé auquel les Arabes se sont sagement intégrés. Manger, regarder la télé, circuler dans les embouteillages, c'est le rêve arabe d'aujourd'hui comme celui de tout bon citoyen de la planète Terre. De ce point de vue la globalisation fonctionne à plein, et a détruit simultanément toutes les cultures.
On peut ne pas s'en plaindre, puisque l'on constate un reflux de la violence et du choc des civilisations. Durant des siècles on s'est tué pour du pain et des idées, aujourd'hui on ne se tuera ni pour l'un ni pour l'autre, conformément aux prédictions d'un autre philosophe néoconservateur, le célèbre Francis Fukuyama, qui avait repris la thèse de Hegel sur la fin de l'Histoire et celle de Nietzsche, beaucoup plus inquiétante, sur le dernier homme, celui qui a inventé le bonheur selon Wal-Mart et Endemol.
On sait très bien que l'obésité par exemple a explosé en Arabie saoudite : que La Mecque est devenue non pas un Lourdes mais un Las Vegas de la religion couverte d'immeubles et d'autoroutes construites par les ben Laden ; que Marrakech est un bordel de luxe digne de Saint-Tropez ou de la Thaïlande : et que plusieurs pays arabes sont impliqués dans l'actuel conflit aux côtés des Israéliens. De même l'immigration tant incriminée chez nous a explosé dans tous les pays du Golfe. Dans certains petits émirats, la population musulmane va devenir minoritaire. En Arabie saoudite, on ne compte pas seulement les soldats américains, présents de toute manière dans 130 pays, mais 20% de travailleurs catholiques, venus pour l'essentiel des îles Philippines.
***