Article rédigé par Bertrand de Belval, le 26 juillet 2002
Le 11 juillet, fête de Saint Benoît, patron de l'Europe, la Cour européenne des droits de l'homme, a rendu deux décisions, qui ne nous surprennent plus, et dont nous ne pouvons pas dire qu'elles honorent l'Europe.
La CEDH (11 juill. 2002, req. n° 28957/95, req. n° 28680/94 ) a donc par deux arrêts du 11 juillet 2002, sur requête de deux transsexuelles opérées (passées du sexe masculin au sexe féminin), condamné le Royaume-Uni pour violation de leur droit de se marier et fonder une famille et leur droit au respect de la vie privée et familiale.
Cette décision peut apparaître contradictoire avec l'arrêt du 26 février reconnaissant à la France le droit de rejeter le principe de la légalisation de l'adoption homosexuelle (cf. Décryptage, 08/03/2002). Le requérant, un instituteur français né en 1954, se plaignait d'une décision administrative, confirmée par le Conseil d'État, rejetant sa demande d'agrément en vue d'une adoption au motif de son homosexualité. Il y voyait une ingérence arbitraire dans sa vie privée et familiale, se fondant sur un a priori défavorable envers son " orientation sexuelle ".
Même si la CEDH avait tranché de manière positive, elle avait surtout " botté en touche ", renvoyant l'affaire devant les juridictions nationales. Or le Conseil d'État s'est depuis prononcé (CE 5 juin 2002). De prime abord, on peut en conclure qu'une homosexuelle ne peut pas adopter un enfant (en l'occurrence étranger). Mais pour une ra ison équivoque : le manque de projet parental de l'autre composante du " couple " ; le Conseil d'État parle de " l'ambiguïté de l'investissement de chaque membre du foyer par rapport à l'enfant accueilli ". Autrement dit, il suffit d'un " projet " pour être adoptable...
La CEDH, elle fait de la casuistique, et se garde bien de vouloir énoncer des principes. C'est fallacieux. Comme cela, on croit que rien ne bouge, qu'il s'agit d'un arrêt d'espèce, et tout bouge, lentement. Théorie des dominos...
Ainsi, va le " progrès " du droit. Au nom de l'égalité, et du refus de toute discrimination (en fait une discrimination positive insidieuse : si vous n'êtes pas d'accord avec moi, vous êtes contre moi), tout se vaut. L'anarchie n'est pas loin. Il n'est pas besoin d'allonger le commentaire, ce n'est plus un raisonnement juridique qui est tenu, l'idéologie a vaincu.
À ceux qui croient encore dans la famille (hétérosexuelle, monogame, stable), et ils sont plus nombreux qu'en apparence, il revient de montrer la portée véritablement libératrice de la vie de famille ; aux autres qui combattent la famille – car on ne peut croire qu'il s'agisse d'une simple indifférence – il appartient de prendre conscience de leur responsabilité : ils jettent les ferments de la violence, qui, un jour, les atteindra sans prévenir.
En effet, l'histoire montre que la famille est irremplaçable. Elle est le lieu central de l'apprentissage de l'altérité. Vivre en famille, au quotidien, n'est pas toujours facile, comme tout " face à face ". Le mensonge n'est pas durablement possible : chacun apparaît en vérité, et la vérité de soi, c'est-à-dire sa faiblesse, n'est pas toujours facile à admettre. L'humilité est sans doute la vertu la moins bien partagée du monde. Paradoxalement, c'est là que se situe la vraie force, celle qui conduit à une certaine sérénité puisque chacun mesure le chemin qui lui reste à faire...
Bref, il ne peut y avoir une société pacifique, sans des familles unies. Le lien social, si souvent scandé, passe – subsidiarité, oblige – par le lien familial. Investissons dans la famille, c'est une question de survie sociale. " La famille est le sanctuaire de la vie " (Jean-Paul II).