Article rédigé par Barcelone, le 10 janvier 2003
[Texte de la déclaration finale] Nous, femmes et hommes d'Europe, en tant que citoyens unis par notre foi en Jésus-Christ, nous honorons les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme source de Vérité, de Justice, de Bien et de Beauté et, dans une volonté de dialogue, celles de ceux qui ne partagent pas cette foi, respectent ces valeurs universelles, et nous constatons que :
Actuellement, nous vivons et observons le présent processus de refondation et d'élargissement de l'Union avec enthousiasme, espoir et, en même temps, préoccupation.
Enthousiasme pour ce que cela signifie d'avancement en termes réels vers les grands idéaux d'unité, de solidarité, de liberté et de paix qui ont présidé la construction européenne dès son origine.
Espoir pour ce que peut signifier ce processus pour promouvoir une vie européenne qualitativement renouvelée, génératrice d'une manière de penser et de vivre plus adaptée à la personne, avec laquelle l'Europe peut contribuer au progrès de l'humanité.
Préoccupation, car nous constatons dans la vie quotidienne combien les institutions et les tâches européennes sont éloignées du cœur et de l'esprit des citoyens. Préoccupés également, parce que cette unité et cette solidarité ne seront possibles que si elles germent dans la conscience de chaque personne comme ayant un sens pour elle. Nous constatons en outre que, pour certains aspects importants, les objectifs sont loin de l'idéal de fraternité humaine qui fit naître cette unité européenne.
Pour voir cet enthousiasme s'épanouir, pour transformer en réalité cet espoir et surmonter les difficultés, la Convention des Chrétiens pour l'Europe déclare que :
1. La réalité chrétienne est - outre la racine et la base de la civilisation européenne sans laquelle ses fondements seraient inexplicables et n'auraient pas de sens - une réalité communautaire, publique, vivante et agissante qui doit être assumée comme telle par le futur Traité constitutionnel européen et les cadres juridiques qui pourraient en découler. La neutralité ne consiste pas à nier la dimension sociale de la conscience chrétienne de la majorité du peuple de l'Europe, mais à la reconnaître à côté d'autres conceptions globales religieuses et non religieuses, avec lesquelles elle dialogue pour atteindre le bien commun européen et la fraternité universelle.
2. La dignité de la personne humaine, dans toutes ses dimensions, doit être reconnue comme principe constitutionnel fondamental et comme fondement de la construction européenne et, subséquemment, le droit au développement et à la perfection de la propre personnalité doit être reconnu pour atteindre ainsi le bien commun. Dans ce perfectionnement, qui est essentiellement placé sous la responsabilité de chacun, la personne doit être épaulée aussi bien par la société que par les pouvoirs publics.
3. La personne a une valeur incommensurable et trouve sa perfection fondamentale dans la liberté et dans l'amour, s'ouvrant alors à la convivialité sociale par le travail, la famille et le service aux autres personnes. Celles-ci peuvent accéder à Dieu par la religion, comme réalité transcendante qui génère et garantit la valeur absolue de la personne. Pour cela, le futur Traité constitutionnel devrait reconnaître cette éminente réalité de chaque personne, en tant qu'être unique et irremplaçable, et la protéger contre les menaces, actuelles et futures, de l'utiliser comme moyen.
4. Les pouvoirs publics, dans leur mission de service pour le bien commun, doivent garantir et respecter les droits fondamentaux de la personne. Dans ce domaine, le droit à la vie et à l'intégrité physique et psychique de la personne sont le principe du reste des droits. Par conséquent, le droit à la vie doit être respecté à tous les stades de l'existence, depuis la conception jusqu'à la mort naturelle. Cela implique également la nécessité de protéger l'embryon de tout attentat contre son intégrité et de toute manipulation génétique contraire à sa dignité humaine et les vieillards et les malades de toute tentation d'élimination physique pour de prétendues raisons humanitaires. Une société solidaire et d'accueil fraternel comme celle que nous devons ambitionner pour l'Europe possède la capacité technique et sociale d'apporter d'autres réponses aux nécessités des enfants, des vieillards et des malades. Dans une société qui vit des situations d'agressivité, toute altération du sens de la vie, même dans ses extrémités les plus faibles -non nés, vieillards et malades-, engendre une culture qui sape la dignité de l'être pour de prétendues raisons d'utilité.
5. L'Europe doit reconnaître et garantir dans le futur Traité constitutionnel les droits des peuples qui la composent : le droit à l'existence, à la langue et à la culture propres, à l'éducation selon les propres traditions toujours en respectant les droits de tous, en particulier des minorités.
6. La liberté religieuse constitue un droit fondamental sans lequel la liberté et la démocratie ne sont pas possibles. Son application exige le droit d'agir conformément à sa propre conscience. Elle requiert également le droit à l'expression sociale de ces convictions religieuses. Le nouveau Traité constitutionnel doit incorporer les références explicites nécessaires à la reconnaissance de cette réalité actuelle et garantir sa propre organisation et le libre exercice pour atteindre ses finalités religieuses dans le cadre du respect des droits fondamentaux, en favorisant un dialogue structurel avec les confessions religieuses et en respectant le statut dont elles bénéficient dans les États membres. La défense de ce droit à la liberté religieuse doit être l'un des critères de l'action extérieure de l'Union européenne.
7. La solidarité est un principe fondamental de l'Union qui doit être entendu et appliqué sous une triple perspective complémentaire. Envers les pays les moins développés de l'Union, envers les personnes et groupes sociaux les plus défavorisés, au sein de chaque pays, et par rapport aux pays sous-développés et en voie de développement du monde. La faim, la marginalisation, l'exclusion des immigrés, la pauvreté matérielle et sociale sont les premiers adversaires de l'Union en son sein et dans le monde. Le nouveau Traité constitutionnel doit formuler des principes actifs et des engagements sur ces questions que la communauté devra ensuite assimiler et développer.
8. Le mariage et la famille constituent le noyau fondamental sans lequel aucune société ne peut vivre de façon équilibrée et harmonieuse. Tous deux, mariage et famille, doivent être placés sous la protection spéciale de l'Union en termes juridiques et économiques, dans le cadre de ses compétences, en les distinguant d'autres formes de cohabitation qui existent ou peuvent exister dans la société et en promouvant une législation du travail favorisant la complémentarité entre la vie familiale et le travail.
9. L'Union européenne doit s'édifier depuis la liberté civile des personnes et des groupes dans lesquels elles s'intègrent de façon naturelle, en reconnaissant le rôle et l'autonomie de la société civile. Les pouvoirs publics doivent respecter l'initiative sociale, la stimuler lorsque cela est insuffisant et en dernière instance la suppléer. Ce principe de subsidiarité doit faire l'objet d'une double approche : horizontale, c'est-à-dire portant sur la primauté de l'initiative sociale face à l'initiative étatique, et verticale, avec l'intervention des pouvoirs publics les plus naturels et proches du citoyen.
Il convient de souligner tout spécialement la subsidiarité en matière éducative. L'Union européenne devra promouvoir et soutenir avec les ressources nécessaires les initiatives de la société civile dans ce domaine et favoriser le plein exercice de la responsabilité des parents dans l'éducation de leurs enfants, en leur garantissant le droit de choisir librement le type d'éducation qui serait conforme à leurs convictions religieuses, philosophiques et pédagogiques.
10. L'activité économique doit être destinée à promouvoir l'amendement de la personne et son développement et non l'inverse, dans le cadre des exigences du bien commun et de la justice sociale. En aucun cas la personne ne peut être réduite à un simple instrument de production, mais doit plutôt être le sujet et la fin de celle-ci. Notre intelligence et les progrès technologiques qu'elle permet d'obtenir doivent viser à atteindre la plénitude de ces fins sans préjudice de la compétitivité, de l'efficacité et de la protection de la nature, sans oublier la nécessaire responsabilité sociale de l'entreprise.
11. Les êtres humains sont des administrateurs de la création et cette responsabilité et la solidarité avec les générations futures nous obligent à protéger notre environnement naturel à l'échelle locale, européenne et mondiale et à prendre les engagements nécessaires pour y parvenir.
12. La sécurité internationale est une conséquence de la paix et de la justice. Pour la construire, la capacité de pardonner s'impose et il est nécessaire d'apporter des solutions aux causes des conflits qui, dans la plupart des cas, sont liées à des situations d'injustice et de violation des droits fondamentaux des personnes et des peuples. Le futur Traité européen doit refléter cet engagement pour la paix par la justice.
À Barcelone, le 8 décembre 2002.
Solennité de l'Immaculée Conception de la Vierge.
Pour en savoir plus : Chrétiens pour l'Europe
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