La Commission européenne tente d'imposer le financement public de la recherche sur l'embryon
Article rédigé par Jean Choisy, le 24 mai 2002

La Commission européenne passe outre les prérogatives nationales pour tenter d'imposer le financement public de la recherche sur les cellules-souches embryonnaires. Le 15 mai 2002, les parlementaires européens ont adopté en séance plénière le sixième programme-cadre de recherche sans intégrer de limitations éthiques.

La position commune du Conseil était donc maintenue : "Toutes les activités de recherche menées au titre du sixième programme-cadre doivent être réalisées dans le respect des principes éthiques fondamentaux."

Mais ceci a été interprété de manière très élastique par la Commission : " La Commission estime qu'il ne faut pas, à ce stade où les connaissances sont encore limitées, s'interdire d'explorer les possibilités associées à toutes les sources potentielles de cellules souches, autres que les embryons humains explicitement produits à cette fin. Ceci recouvre les cellules souches humaines de l'adulte, mais aussi celles provenant du sang du cordon ombilical ou issues d'interruptions de grossesse ainsi que de cellules issues d'embryons humains surnuméraires. Ces recherches pourraient donc être soutenues [...]. Dans les domaines où la Communauté a formellement compétence, et c'est le cas dans celui de la recherche, une législation nationale ne devrait en effet pas contraindre une action au niveau proprement communautaire, qui aurait été décidée par la procédure institutionnelle impliquant le Conseil et le Parlement. " (18-04-2002 - Réponse commune de la Commission européenne.)

Pratiquement, cela signifie que tous les États membres devront financer la recherche destructive d'embryons humains, au titre de leur participation au financement communautaire du sixième programme-cadre de recherche.

Pour la première fois, court-circuitant les règles démocratiques de l'Union européenne, certains secteurs du programme communautaire de recherche et de développement technologique sont imposés à tous les États membres. Ceci, sans compléter les actions entreprises dans les Etats membres (violation de l'article 164 du Traité CE), contournant le principe de subsidiarité (violation de l'article 5 du Traité CE) et le respect de l'identité nationale de ses Etats membres (violation de l'article 6 du traité EU ).

Cette dérive désastreuse viole la plupart des lois nationales sur cette question, même si celles-ci sont sérieusement chahutées en ce moment.

En France, le projet de loi relatif à la bioéthique, qui prévoit d'autoriser les recherches sur les cellules souches d'embryons surnuméraires, discuté à l'Assemblée en janvier, n'a pas encore été adopté par le Sénat. Mais avant de quitter son poste à la suite de la chute du gouvernement Jospin, le ministre sortant de la Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg a donné son accord à l'importation de deux lignées de cellules souches issues d'embryons humains.

Ces cellules seront cédées gratuitement par le Monasch Institute (Australie) à la suite de la demande du docteur Jacques Hatzfeldt, directeur du laboratoire de biologie des cellules souches humaines du CNRS. Pour prendre une telle décision, le ministre s'est basé sur un article de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille et du contrôle sanitaire de produits destinés à l'homme. Il estime que cette décision permettra aux chercheurs français d'éviter de prendre du retard en attendant l'adoption de la loi.

La Fondation Jérôme-Lejeune s'est étonnée de cette décision hâtive qui ne rentre pas dans un cadre législatif. Le débat est loin d'être clos. Le Pr Claude Huriet, sénateur honoraire, s'est indigné dans le Quotidien du Médecin (22/05), du procédé. Pour lui, cette décision "prise à la va-vite" par "un comité des sages" composé exclusivement de "sages chercheurs" est "particulièrement choquante quant à l'esprit des institutions". Il estime que le ministre a transgressé la loi et qu'il est anormal qu' " un comité des sages, quelle que soit l'autorité scientifique de ses membres, s'arroge le droit de "faire la loi"". Jouant sur la puissance du fait accompli, M. Schwatzenberg a déclaré : " Il appartiendra à mon successeur de confirmer ou de retirer cette autorisation. "

En Allemagne, le Parlement donné son accord le 18 avril à l'importation sous contrôle de cellules souches embryonnaires humaines pour la recherche. Cette loi dont le principe avait été adopté en janvier dernier est passé avec 369 voix contre 190. Elle permettra l'importation de cellules souches pour des projets qualifiés " d'importance majeure ". Seules l'importation de cellules embryonnaires produites avant le 1er janvier 2002 sera autorisée.

Le chancelier Gerhard Schröder était favorable à l'importation de ces cellules souches embryonnaires afin d'éviter que l'Allemagne ne prenne du retard en matière de recherche. Le président Johannes Rau a demandé la plus grande prudence en faisant référence aux expériences humaines nazies. L'église de son côté s'est opposé à l'adoption de cette loi.

De son côté, le ministre-président du Bade-Wurtemberg, Erwin Teufel, a rejeté cette

loi "hypocrite". Son gouvernement a donc décidé d'investir massivement dans la recherche sur les cellules souches adultes. 11,5 millions d'euros vont servir à créer un nouveau centre de recherche à Ulm. Ce centre sera opérationnel dès 2004 et veut se positionner à la pointe des thérapies cellulaires et organiques régénératrices.

Cette politique a été conseillée par Konrad Beyreuther, biologiste de l'université d'Heidelberg, qui refuse la recherche sur les cellules souches embryonnaires pour des raisons éthiques. Pour lui, l'avenir de la thérapie génique réside "d'abord et surtout" dans les cellules souches adultes.

Pourtant, en décembre dernier, les gouvernements allemand, autrichien et italien avaient tenté de limiter le champ du financement européen public de la recherche en publiant une déclaration restrictive : " La recherche dans les domaines ci-après ne peut être financée au titre du 6ème programme-cadre de la CE : 1/ les travaux de recherche concernant le clonage reproductif, 2/ les travaux de recherche en matière de thérapie génétique germinale, 3/ la production d'embryons à des fins de recherche ou pour obtenir des cellules souches, y compris la méthode du transfert de noyaux ("clonage thérapeutique"). [...] Bien que les dispositions proposées prévoient que de tels travaux ne peuvent être effectués que dans les États membres où cela est autorisé, tant qu'un accord ne sera pas intervenu au niveau européen, les travaux de recherche sur les embryons surnuméraires ne doivent pas être financés dans le cadre du sixième programme-cadre de la CE. "

L'Irlande ayant refusé de se joindre à cette coalition, une minorité de blocage n'avait pu être atteinte pour stopper cette évolution très inquiétante. On voit difficilement maintenant ce qui pourrait empêcher la réalisation des vœux du rapporteur : suite au vote en première lecture, l'année dernière, celui-ci avait annoncé que plus de 300 millions d'euros seraient bientôt disponibles pour la recherche européenne sur les embryons humains issus d'avortements et des embryons "surnuméraires" produits dans le cadre de la fécondation in vitro.

Le Conseil des ministres de l'Union européenne devra se prononcer définitivement sur ce sixième programme-cadre le 18 juin prochain. Le site www.euro-fam.orginvite les citoyens de l'Union a intervenir auprès des ministres de la Recherche de leur pays respectif pour que les lois nationales soient respectées et que les contribuables européens ne soient pas impliqués dans la destruction et la manipulation de personnes humaines au stade embryonnaire.