Article rédigé par Jean-Yves Naudet*, le 05 mai 2009
L'OCDE vient de publier son traditionnel rapport annuel sur la France. Comme toujours, le rapport commence par quelques compliments, salue les chantiers de réforme ouverts depuis l'élection de Nicolas Sarkozy, rappelant qu'aucun secteur n'est intouchable. Bref, des réformes significatives sont en marche. Cela étant dit, l'OCDE passe ensuite aux critiques, qui viennent lorsqu'on passe au coût et surtout à l'efficacité des réformes, jugées trop faibles et timorées.
C'est d'abord la question de l'assainissement budgétaire qui est mise en avant. L'OCDE dit que ce sera une priorité dès la reprise de la croissance. Le diagnostic est clair : il faut réduire le déficit public, éviter à tout prix les hausses d'impôts et donc, conséquence imparable, réduire fortement les dépenses publiques. Sous-entendu : ce qui est fait actuellement (ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux par exemple) n'est qu'un hors-d'œuvre.
L'OCDE rappelle qu'en trente ans, les dépenses publiques en France sont passées de 44,6% du PIB à 52,4%, record d'Europe. Mais surtout l'OCDE conteste les prévisions du gouvernement en matière de déficit : l'ensemble des déficits publics passera cette année à 6,7% du PIB et en 2010, c'est déjà demain, on devrait atteindre 8,3% du PIB ! On en était à moins de 3% en 2007 et on devait revenir bientôt à l'équilibre : nous voilà à presque trois fois le maximum autorisé par les traités européens ! L'OCDE précise donc qu'il faudra non seulement s'attaquer aux dépenses de l'Etat, mais aussi à celles de la sécurité sociale et des collectivités locales.
Le marché du travail
Autre sujet sensible, le marché du travail. Il faut réduire sensiblement le coût du travail pour les moins qualifiés. Comment ? En agissant plus directement sur le salaire minimum . Autrement dit, réduire le coût salarial par les charges sociales, mais aussi toucher au sacro-saint salaire minimum : c'est lui qui est en cause désormais selon l'OCDE. Autre élément sur le marché du travail, assouplir la législation sur les licenciements, ce qui ne va pas tout à fait dans le sens des discours politiques et syndicaux actuels. Et faire travailler plus les Français, notamment au-delà de 60 ans, avec des incitations à travailler et un relèvement de l'âge légal de la retraite. Le taux d'emploi des jeunes est également jugé insuffisant, tandis que l'OCDE trouve que les Français ne travaillent pas assez : voilà qui nous éloigne des 35 heures !
Du côté des entreprises, il faut améliorer leur compétitivité, notamment par une diminution globale des charges. Et aussi mettre fin aux aides ciblées, pour alléger les impôts : exit les politiques interventionnistes de subventions. On n'est plus tout à fait dans les compliments du début. Il en va de même pour la concurrence : il faut aller beaucoup plus loin et développer celle-ci. C'est ainsi que l'OCDE propose d'abroger totalement les lois Royer-Raffarin et de supprimer les barrières à l'entrée dans les professions fermées. Nous voilà revenu au rapport Rueff-Armand de 1959 : cela fera grincer beaucoup de dents chez les professionnels.
Autre proposition qui fera plaisir aux grévistes des universités, qui se plaignent de la privatisation et de la concurrence : aller beaucoup plus loin dans l'autonomie des universités, pour leur budget, les rémunérations, mais aussi pour la liberté des droits d'inscription et la possibilité de sélection des étudiants. D'ici à ce que les étudiants défilent devant le siège de l'OCDE, il n'y a pas loin...
Toutes les mesures interventionnistes sont passées au crible, car elles ont un coût élevé, ne provoquent en général que des effets d'aubaine, donc ne servent à rien. Elles sont en outre souvent détournées de leur objet. Nouvelle critique de l'interventionnisme.
Ce rapport est intéressant, car l'OCDE est un organisme modéré, proche des gouvernements, assez politiquement correct. Faut-il donc que la situation soit terriblement dégradée pour que l'OCDE prenne ainsi le risque d'être traité d'ultralibérale ? Les réactions risquent d'être vives en France. À moins que le rapport ne soit enterré, selon la bonne habitude française.
*Jean-Yves Naudet est économiste, professeur à l'université Paul-Cézanne, président de l'Association des économistes catholiques.
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