Article rédigé par Elizabeth Montfort, le 19 décembre 2008
Après plus de cinq heures de débat, les députés luxembourgeois se sont prononcés en faveur de la dépénalisation de l'euthanasie. Mais une bataille constitutionnelle s'est engagée. L'euthanasie n'a pas encore droit de cité dans le Grand-Duché. Ne baissons pas les bras !
APRES plus de cinq heures de débat, une majorité de 31 députés a voté pour la loi légalisant l'euthanasie et le suicide médicalement assisté (Verts, libéraux, un membre du Parti social-chrétien, 11 socialistes sur 14 et deux ADR-Alternativ Demokratesch Reformpartei). 26 députés ont voté contre, dont 23 sociaux-chrétiens du parti du Premier ministre Jean-Claude Juncker. Trois députés se sont abstenus.
Après les Pays Bas et la Belgique, c'est le troisième pays membre de l'Union européenne qui adopte une loi légalisant l'euthanasie, puisque la France a fait le choix des soins palliatifs et du refus de l'euthanasie, même sous forme d' exception .
Pour que le texte soit définitif, il fallait que le Conseil d'État accorde la dispense de la deuxième lecture. Le texte soumis aux députés était en effet un peu différent de celui présenté en février. Il pouvait donc être considéré comme une nouvelle proposition. Le texte initial dépénalisait l'euthanasie pour les personnes atteintes de maladie grave et incurable , celui voté le 18 décembre précise une maladie sans issue . En outre, la première proposition acceptait l'euthanasie des jeunes de moins de 16 ans, la nouvelle l'interdit aux mineurs.
Ces modifications ne changeaient rien au fond. Le Conseil d'État a donc accordé ce 19 décembre la dispense de la deuxième lecture, par 11 voix contre 9.
Le texte devrait entrer en vigueur après la signature par le Grand-Duc.
La bataille reste entière
Et c'est là toute la difficulté. Le souverain a déclaré qu'il refuserait de signer toute loi autorisant l'euthanasie, ce qui a entraîné une révision de la Constitution dont le vote en deuxième lecture devrait avoir lieu en mars 2009. À moins qu'un référendum ne soit organisé, qui ne pourrait se tenir qu'en septembre en raison des élections législatives et européennes arrêtées le 7 juin prochain.
La dépénalisation de l'euthanasie au Luxembourg est donc toujours bloquée, et tant qu'elle ne peut être validée, la bataille pour le respect de la vie reste pleine et entière.
De nombreuses questions restent ainsi engagées.
1/ Pour qu'un référendum soit organisé, le Premier ministre doit déclarer sa demande recevable. Aujourd'hui, pour des raisons de forme, la première demande a été rejetée. Une deuxième demande devrait être soumise la semaine prochaine. Si cette demande est acceptée, ses initiateurs devront parvenir à rassembler 25.000 signatures, dans un délai assez rapide, ce qui est un défi. Si le référendum a lieu, il ne peut se tenir trois mois avant et trois mois après une élection.
2/ La nouvelle loi adoptée suivant le régime constitutionnel actuel — et que le Grand Duc ne signera pas — peut-elle être promulguée suivant une autre régime constitutionnel ? D'après certains juristes, cela n'est pas possible. En d'autres termes, il faudrait attendre la mise en place de la nouvelle Constitution et répéter l'exercice législatif.
3/ Et quid de la conformité de la loi avec les engagements internationaux du Grand-Duché (charte de sauvegarde des droits de l'homme) ? Quid de possibles recours à Strasbourg ?
Une prise de conscience
Comme nous le faisait observer le conseiller de l'ambassadeur du Luxembourg en France, à qui nous remettions le 17 décembre les 10.000 messages de soutien au Grand Duc reçus par la Fondation de service politique, pour la première fois, un débat sur la fin de vie a lieu au Luxembourg et ce débat a retenti dans toute l'Europe. La campagne de soutien à la courageuse objection de conscience du grand duc Henri n'y est pas pour rien.
C'est le signe d'une vraie prise de conscience, à grande échelle, de ce que peuvent faire nos sociétés pour accompagner toute personne au seuil de la mort.
Pour la Fondation de Service politique, c'est la preuve que les questions de société traversent les frontières et qu'il est possible d'informer et de donner des éléments de réflexion pour éclairer les consciences. Il n'est donc pas temps de baisser la garde. Le soutien à l'objection de conscience du Grand Duc reste une arme déterminante pour enrayer la machine de guerre déployée au Luxembourg pour légaliser la mort indigne des malades en fin de vie.
>>> Sur ce sujet : Euthanasie : le Vatican met en garde des parlementaires luxembourgeois
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