L'Église, le sexe et les médias
Article rédigé par Thierry-Dominique Humbrecht op, le 02 novembre 2005

On se demande quand s'arrêtera l'avalanche. En ce moment, scandales (d'ailleurs à petit budget), révélations scabreuses, propos doctrinalement douteux chez certains hommes d'Église, d'un côté ; étalage complaisant de tout cela, dossiers fournis ou émissions à grand succès dans les médias, de l'autre.

À ce qu'on est amené à considérer comme la vanité et la naïveté des uns répond la vacuité coutumière des autres, par une accointance secrète qui n'est pas sans poser des questions.

Posons-les. D'où vient ce goût des interrogés et de ceux qui les interrogent pour ce qui sème le doute et trouble les esprits ?

Les médias et les chrétiens

Doit-on accabler les médias ? Ils ne sont peut-être pas les plus coupables. Certes, il s'agit le plus souvent pour eux de créer l'événement avec le trio gagnant depuis le péché originel : le sexe, le pouvoir et l'argent. Il marche à tous les coups chez ceux qui les écoutent, c'est-à-dire chez tout le monde. Cependant, les chrétiens étant les seuls à défendre des valeurs élevées et à contre-courant, certains médias raffolent de tout ce qui peut les abaisser. Leur abaissement rassure. Les chrétiens tombés ne dérangent plus.

Pourtant, cela ne serait rien sans des complicités internes, quand le religieusement correct rejoint le politiquement correct. Il n'est pas exclu qu'il entre une part de mondanité et de désir de plaire dans cette façon ecclésiastique de rejoindre la pensée dominante, histoire de se sentir encore dans le coup. La naïveté s'ajoute à la vanité lorsque l'intéressé s'aperçoit ensuite que le vent semé a récolté la tempête.

Un certain rapport à l'enseignement de l'Église

On semble être loin d'un souci d'éducation de la foi et même de pédagogie tout court. Pourtant, la plupart des intervenants livrent leurs idées avec la meilleure volonté du monde et même le souci de bien faire. Cela, ou bien au titre d'une confession intime, marquée d'un repentir aussi sincère que vendu à des dizaines de milliers d'exemplaires, ou bien au titre de la revendication du dialogue dans l'Église. Hélas, les ecclésiastiques qui se présentent comme des hommes de dialogue sont souvent de grands monologueurs, plutôt hermétiques au débat et aux objections, ainsi que me l'enseignent vingt ans de vie dans leurs rangs.

De plus, ils estiment ouverts au dialogue des domaines qui ne le sont pas toujours (l'ordination des femmes, que l'Église a reconnu être impossible du fait de l'enseignement du Christ et d'une Tradition ininterrompue) ou en tout cas pas au débat public entre gens qui n'y entendent rien (l'ordination d'hommes mariés).

Jeter dans le domaine médiatique de tels thèmes relève d'un rapport à l'autorité de l'Église que tout porte à croire sujet à caution. Sous ce qui semble relever d'imprudences verbales, se nichent des redoutables questions doctrinales. Or nul fils de l'Église n'est habilité à dire à qui veut l'entendre sa désapprobation vis-à-vis de l'autorité supérieure de l'Église. La théologie n'est pas le résultat d'un consensus démocratique et la foi encore moins. L'une et l'autre sont une réponse humble et accueillante à la Révélation divine, au message de l'Évangile et à l'enseignement de l'Église.

Attraction et répulsion

Tout cela pose la question du rapport des chrétiens aux médias, fait d'attraction et de répulsion. Plusieurs attitudes sont possibles.

On peut décider de se retirer du débat, voyant qu'on n'en maîtrise pas les règles et que l'on finira par se faire coincer. C'est parfois sage, mais une telle attitude est timorée à l'excès. On nous a suffisamment fatigué l'esprit avec " l'ouverture au monde " pour qu'on en intègre enfin quelques-uns des meilleurs instruments. Où sont les chrétiens habilités à maîtriser le monde des médias, même modestement ? Les réponses sont trop souvent timides, tardives, locales, empotées, sans éclat, sans esprit et sans style, comme celle que vous êtes en train de lire.

On peut décider de ne jamais se mêler de ces choses, sous prétexte qu'elles sont transitoires, soumises aux modes aussi bien qu'à l'oubli. On dira qu'il ne faut pas s'épuiser en vaines querelles, et construire plutôt en silence les choses qui resteront pour l'éternité.

Certes, la mode ne doit pas happer le meilleur de nos forces mais, sous prétexte d'éternité, on peut pécher par angélisme et aveuglement. Les idées et les opinions sont aujourd'hui produites dans et par les médias, du fait de leur importance dans la vie des gens, et surtout du fait du manque d'autres instances d'enseignement. Beaucoup de choses nous échappent ainsi, qui tapissent petit à petit l'imaginaire collectif, par défaut de culture et de jugement critique (journaux, films, émissions en tous genres). Le Magistère actuel est celui des revues futiles et des feuilletons télévisés. Sa plus grande réussite est de donner à croire que tout peut se dire, se vivre et se penser, même pour des chrétiens sincères et engagés. C'est le triomphe de la sophistique sur la sagesse.

Savoir et savoir dire

Je sais bien que tout a une fin et que ces choses glissent, d'autant que nous avons appris à les laisser glisser, les plus superficielles comme les plus profondes. Est-ce une raison pour ne rien dire ni ne rien faire ? La contemplation n'est pas la paralysie. Mon souhait est que ceux qui peuvent parler parlent, non pour polémiquer mais pour proclamer la vérité chrétienne ; non pour répondre à des agressions, se faisant ainsi de simples suiveurs, mais pour proposer d'autres valeurs, distribuant ainsi les cartes. Les chrétiens n'ont pas à avoir peur de la culture. Ils n'ont en face d'eux que du vent. Puisse leur attraction-répulsion aboutir à une maîtrise et même à un engagement professionnel.

L'occasion est donnée à tous de puiser aux sources, de lire le Catéchisme de l'Église catholique ou au minimum son Abrégé, de travailler, de prier, d'être apôtre ; de savoir et de savoir dire. Il ne faut pas s'effrayer d'en voir certains s'égarer, même s'ils sont clercs. Mieux vaut prier pour eux et peut-être aussi désirer devenir clercs comme eux pour faire mieux et autrement. C'est le bon côté du star-system : quand il y a de grands acteurs, on ne voit qu'eux et l'on oublie jusqu'au nom des secondes garnitures.

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