Article rédigé par Jean Flouriot, le 03 avril 2009
L'un des objectifs du voyage de Benoît XVI au Cameroun était de remettre aux évêques l'Instrumentum laboris, c'est-à-dire le document sur la base duquel se réunira l'assemblée synodale du 4 au 25 octobre prochain.
Ce document est lui-même la suite des Lineamenta élaborés par le Conseil spécial pour l'Afrique publiés en juin 2006. L'Instrumentum laboris est rédigé à partir des réponses données aux Lineamenta par les 36 conférences épiscopales africaines, les deux Églises orientales, les 25 dicastères de la Curie romaine et l'Union des supérieurs généraux, ainsi que des institutions et des laïcs engagés dans l'évangélisation et la promotion humaine en Afrique. On voit qu'il s'agit d'un document résultant d'un important travail, longuement mûri. Il nous présente ce que l'Église qui est en Afrique et ce que l'Église universelle disent de l'Afrique et de ses besoins de réconciliation, de justice et de paix.
Le document est structuré en quatre parties :
- L'Église en Afrique aujourd'hui
- Réconciliation, justice et paix : un besoin urgent
- Église-Famille de Dieu : sel de la terre et lumière du monde
- Église-Famille de Dieu à l'œuvre : témoignage et nouvelles perspectives.
Les deux premières parties sont un constat de situation concernant l'Église et le continent. Les deux dernières se placent dans la continuité du premier synode sur l'Afrique (Église-Famille de Dieu) et tracent le chemin des chrétiens africains pour les années à venir.
Les 15 années (1994-2009) qui suivent le premier synode voient le début, bien que timide, d'une culture démocratique marquée par la tenue d'élections. Dans la croissance des communautés chrétiennes, l'afflux des vocations sacerdotales et religieuses, le développement des mouvements de laïcs, l'Église voit les effets d'une forte action de l'Esprit Saint , une grande soif de Dieu dont la prolifération des sectes est, paradoxalement, un autre signe.
Sombre tableau des pouvoirs
Mais tout bien considéré dans la lumière de l'Esprit Saint, les Églises particulières estiment que le cœur humain blessé demeure l'ultime repaire où se niche la cause de tout ce qui déstabilise le continent africain . Et le texte trace un sombre tableau des pouvoirs africains que Benoît XVI reprendra lors de son discours aux hommes politiques et au corps diplomatique à Luanda.
Soif de pouvoir, corruption, manipulations ethniques ou tribales, culture du guerrier vont à l'encontre des règles élémentaires d'une bonne gouvernance . Des forces internationales soutiennent ces pouvoirs irrespectueux des droits humains pour garantir leurs avantages économiques. La mondialisation tend à marginaliser le continent et pourtant il est impossible de parler des problèmes et des solutions de l'Afrique sans impliquer d'autres continents .
Au cours de son voyage, Benoît XVI a parlé de la perte d'identité de l'homme africain, favorisée par l'analphabétisme qui empêche la jeunesse de développer un esprit critique face aux anti-valeurs propagées par les mass media, certains politiciens et d'autres figures publiques . La sorcellerie, très présente dans toute la société, est aussi mise en cause comme facteur de division.
Que peuvent les chrétiens ?
Face à ces situations de violence, que peuvent les chrétiens ? Sel de la terre et lumière du monde , ils doivent agir comme des agents de transformation . Le disciple qui illumine ne peut passer inaperçu , l'exemple des saints montre l'efficacité du témoignage chrétien sur la vie de la société .
L'Église a l'expérience des chemins de réconciliation et certains États se sont déjà inspirés des pratiques chrétiennes de la réconciliation. Mais l'Église elle-même a besoin de réconciliation : bien souvent, elle n'est pas différente de la société dans laquelle elle vit, et elle n'est pas exempte de divisions ethniques, xénophobie, discordes, ni de détournements de fonds. L'Église doit d'abord construire la communion, l'unité, la fraternité épiscopale ou sacerdotale .
Le domaine de la justice est celui où les maux sont les plus grands. Le monde politique, les activités socio-économiques, la famille sont le siège de graves injustices : la condition des femmes est particulièrement visée.
Quelle réponse peut apporter l'Église ? Essentiellement que ses membres et ses institutions soient des signes de justice et de paix. L'inculturation est indispensable. L'Église ne peut former d'authentiques chrétiens qu'en prenant en main sérieusement l'enracinement culturel du message évangélique.
Agir par la famille
Par ses institutions, et particulièrement par ses institutions éducatives, l'Église agit pour la réconciliation, la justice et la paix. Mais le principal agent de transformation de la société, c'est la famille. Une famille chrétienne qui vit selon les valeurs familiales d'amour et de fraternité, de compassion et de miséricorde, d'ouverture aux autres familles, et dont la sécurité économique est suffisante, devient un foyer de sérénité, de paix et d'harmonie contagieuse. Puisque la famille est la cellule de la société, il faudra promouvoir de telles familles en nombre tel qu'elles aient un grand impact dans la société et dans l'Église .
Ce dernier point est essentiel : les maux dont souffrent l'Afrique exigent une transformation profonde des mentalités d'une société finalement complice de ses propres maux. C'est au sein de la famille que peut se réaliser cet indispensable changement des cœurs et des esprits. Pour gagner l'ensemble de la société, ce changement a besoin d'un milieu transformé, d'une population au sens écologique du terme, suffisamment nombreuse pour que ce groupe pèse sur la vie de la société et ses orientations. On remarquera que la sécurité économique est l'un des éléments nécessaires à l'épanouissement de la paix dans la vie familiale. Sur ce dernier point, nous, peuples qui détenons la richesse, pouvons et devons apporter tout particulièrement notre contribution.
Fondamentalement, suivant l'exemple du Maître, les disciples doivent surtout chercher le Royaume et la Justice de Dieu . Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice et le reste vous sera donné par surcroît (Mt 6, 33) . Justice et paix sont des dons de Dieu dont les chrétiens sont porteurs pour le bien de tous leurs frères.
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