Article rédigé par Nicolas Bonnal, le 18 avril 2008
Au début, j'ai cru à une plaisanterie : un dispositif anti-jeunes, un de plus. Mais non : d'après un article du Monde du 13 avril, on utilise des émetteurs d'ondes destinés à chasser les moins de dix-sept ans des zones sensibles.
L'expérience a eu lieu dans un pays protestant, la Hollande, toujours champion des innovations démocratiques et adepte de la fuite en avant technologique. C'est le destin des pays protestants depuis des siècles, à coups de science et de technique : transformer l'homme en citoyen autonome, à moins que ce ne soit en automate.
Le plus amusant est que le procédé est très politiquement incorrect (mais le politiquement correct est dépassé par les événements). Soumis à une immigration toujours plus dense venue du sud de la Méditerranée, le dispositif anti-jeunes chasse surtout de jeunes musulmans. Et une mairie de donner des chiffres et des justificatifs. Les chrétiens sont moins perturbés par les jeunes arrivants que l'inverse. Le procédé est donc clairement vu par ses promoteurs comme une dératisation. On parlait de pesticide humain à propos de la pilule du lendemain, on a affaire ici à un insecticide : il sera interdit de bouger ou de parler, et l'on entendra même plus les mouches voler, puisqu'elles mêmes, dans notre meilleur des mondes, auront été tuées.
Les médias attribuent l'invention à un Géo Trouvetout anglais : je n'en crois pas un mot. L'invention et l'intervention viennent de plus haut, tout comme l'autorisation, l'imprimatur si j'ose dire, d'un tel article.
Car enfin, voyons-en les conséquences : si l'on peut manipuler le cerveau humain à ce point, (le Mosquito provoque des migraines chez les enfants, et cela peut être gênant quand on l'installe près d'une école), c'est que l'on peut tout se permettre avec l'humanité. Debord l'avait prévu, qui concluait dans ses Commentaires que l'on n'allait pas arrêter la société du spectacle sur sa lancée : celle-ci pouvait mieux faire... Les couleuvres qu'avalent les peuples sont de plus en plus grosses depuis le 11 septembre, la guerre en Irak, le comportement hallucinant de nos élites occidentales (Carla, Berlu, Sarko...). Mais les gens se taisent, les gens se soumettent. Si la vérité doit les rendre libres, alors ils ne veulent pas de la liberté.
On peut inventer des dispositifs pour éloigner les jeunes, les basanés, les vieux, les gays, les homophobes, qui l'on voudra. On savait depuis le marketing sensoriel que l'on peut motiver un achat par les sons et le toucher; et que l'être humain, qui, comme l'avait vu La Boétie dans son Discours de la Servitude volontaire, ne rêve que d´être soumis, conditionné et asservi (quand ce n'est d'être tué), à l'ère de la technologie et du capitalisme de surveillance, ne peut qu'être commandé à volonté. Il n'est que de voir le comportement collectif dans un aéroport, un couloir du métro ou un centre commercial pour s'en assurer. Les fourmis de la technopole sont loin des bâtisseurs de cathédrales...
Mais un système aussi audacieux peut pousser ses pions plus loin, insensibiliser les gens au point de leur faire accepter à terme ce que l'on est en train de nous faire accepter : les conséquences d'une crise frumentaire sans équivalent depuis deux siècles, et qui pourrait servir à liquider trois ou quatre milliards d'excédents humains. Dans le tiers-monde ou même ailleurs.
Puisqu'on en est à la manipulation chimique, je constate qu'en Italie comme en France, aux Etats-Unis comme en Amérique du sud, et sans doute en Asie, on observe un épuisement général face à la démocratie et son jeu absurde de balancier qui fait que maintenant les problèmes s'aggravent à la vitesse du fameux cheval au galop : mais personne n'a la force de résister et de se battre. La soumission, la servitude volontaire, vont se poursuivre, et très vraisemblablement pour des raisons physiques : la nourriture, le battage médiatique, les pharmacies (sortilèges, en grec), le bruit, toutes les nuisances du monde post-moderne ont peu à peu, c'est le cas de le dire, eu raison de nous.
En attendant, l'affaire Mosquito montre une fois de plus que l'apocalypse est avant tout un événement psychique : le système est là pour détruire notre conscience, ou comme disait Tocqueville : la démocratie néglige le corps pour s'attaquer d'abord à l'âme. Et c'est bien à sûr à ce moment que l'on nous demande de la célébrer.
Le 2 avril, la Commission européenne a refusé d'interdire le Mosquito, un petit boîtier muni d'un haut-parleur émettant des ultra-sons audibles uniquement par les adolescents, estimant qu'il incombait à chaque État membre de prendre une telle décision.
Selon son inventeur, l'ingénieur gallois Howard Stapleton, le Mosquito (également connu sous le nom de Beethoven), est la première "arme sonore de dissuasion anti-ado" (Le Monde du 3 avril) : Elle émet un son puissant et désagréable dans une fréquence oscillant entre 17 000 et 18 000 hertz, donc inaudible pour l'oreille moins fine d'un adulte, et avec une puissance n'excédant pas 95 décibels. En France, l'objet est vendu depuis 2006 par la société IBP pour un montant de 905 euros l'unité.
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