Article rédigé par Lucia Hobora*, le 28 juillet 2004
Hier Berne, demain Lourdes. Il serait vain de se fermer les yeux. L’Europe se crispe, l’Europe se mure. Ce ne sont plus dorénavant les frontières ouvertes à travers lesquelles se déplacent librement les Européens, qui font obstacle.
C’est quelque chose qui obsède, qui obscurcit notre pensée, notre mémoire, qui nous fait craindre de rencontrer l’autre, pour le bien de tous tous.
Pourtant, la demande semble pressante. Il suffit de voir les foules se déplacer derrière le porte-parole du Christ, le pape Jean-Paul II. Chacun retient ne serait-ce qu’un mot, une phrase. Les jeunes aussi, un peu désarmés dans ce monde d’apparence et de " fric ", dans lequel tout se vaut, et tout s’annule donc.
N’en déplaise à certains qui y voient une farce, une blague de jeunesse qui change au gré du vent, qui voient une sorte de " surréalisme " dans ces fameuses rencontres des jeunes avec le Pape. Sa seule présence subjugue, et pas seulement les jeunes qui trouvent en lui le point d’appui et de certitude que le monde leur propose habillé de mensonges. Non, ce n’est pas comme au stade, ni dans un concert de rock, ce n’est pas le même comportement des jeunes lorsqu’ils prient en chantant, lorsqu’ils sont joyeux sans artifices.
Cela, pour le voir, il faut renoncer aux obstacles que l’on s’impose à soi-même, dans cette figuration des croyants sans foi, des chrétiens sans le Christ, et sans l’Église. Car le Christ a clairement affirmé : " Si vous ne me reconnaissez pas devant les gens( le monde), moi aussi je ne vous reconnaîtrez pas devant mon Père aux Cieux ", et encore : " On ne met pas la lumière sous le boisseau… " Ces paroles, les jeunes l’entendent mieux que ceux qui, sûrs de la " raison " raisonnable, assurés de leur confortable et trop pesant savoir, encombrés de richesses qu’ils cachent par sobriété, parce que c’est la mode, ou par avarice, inquiets donc, n’arrivent pas à comprendre qu’on peut " posséder " dans l’allégresse.
Il me plaît d’écrire sur ce site au nom prédestiné, Liberté politique, car en effet tout vient de là, de la liberté et de la politique que l’on emploie pour faire croire aux gens son sens ou son non sens.
À Bruxelles non plus, on n’a rien entendu
Curieusement, après tant de palabres, on n’a pas voulu faire mention du christianisme dans la nouvelle Constitution européenne. Et pourtant, les arguments de ceux qui depuis deux ans martelaient l’évidence de l’Histoire n’ont pas été entendus, ni cette voix du Vatican , voix déjà affaiblie par les épreuves et par l’âge, si convaincante néanmoins, si vraie.
Aux jeunes en Suisse, à Berne, le Pape demanda " d’être fidèle au Christ, à l’Évangile que l’on devrait aujourd’hui proclamer “sur les toits”, que c’est justement maintenant, qu’il est temps de le faire ". Sera-t-il entendu ? Il parle en métaphore, comme poète, il parle de vrais symboles de la foi, du Christ, de la Croix, de la Résurrection, de l’Eucharistie, ce miracle de la Présence. Il rappelle ainsi son encyclique sur l’Eucharistie, et au retour, peu de jours après à Rome, il annonce l’année eucharistique, qui s’ouvrira en octobre 2004.
À la Suisse, le Pape parla de sa beauté, de son histoire, de ses racines, voulant de sa voix affaiblie lui rappeler son histoire, regardant les sommets de montagnes enneigés baignés de soleil, de la lumière qui vient d’en haut. C’est ainsi que les vitraux dévoilent leurs beautés, leurs couleurs à travers la lumière.
L’Europe a son histoire aussi, mouvementée, glorieuse mais parfois tragique et moins glorieuse. Il n’empêche, ce sont toujours des gens de bonne volonté, illuminés de Lumière qui les dépasse, les savants, les mystiques, les poètes, les peintres et autres artistes qui ont forgé son âme. Il suffit donc de voir, d’aller visiter tel ou tel autre pays pour retrouver des œuvres d’artistes italiens en France comme en Pologne, ou en Allemagne, ou encore en Suisse par exemple, où dans la cathédrale Saint-Nicolas à Fribourg, un artiste polonais du XIXe siècle, gagnant un concours international, en 1895, a créé treize vitraux (réalisés entre 1895 et 1936).
Ces vitraux aux thèmes religieux et patriotiques, par leur graphisme, par les couleurs, par leurs compositions riches et foisonnantes dans lesquelles les figures humaines se fondent dans une nature décorative et lumineuse, sont un exemple majeur du symbolisme et de l’Art Nouveau, en osmose avec les traditions nationales. Aujourd’hui et jusqu’au 12 septembre on peut voir une exposition qui lui est dédiée, au Musée d’Orsay à Paris. Peintre éminemment symboliste, européen par sa culture, ses études, ses attaches, ses voyages et séjours, notamment à Paris pendant cinq ans, Jozef Mehoffer (1867-1946) restait néanmoins très polonais, proche de ses réalités, de ses aspirations.
La Pologne, durant tout le XIXe siècle et jusqu’en 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, a été rayée de la carte de l’Europe, par ses voisins et occupants. Elle a survécu grâce à sa culture, à son art, à sa religion et à sa foi. On trouve dans l’œuvre de Mehoffer cette aspiration à la liberté, à la beauté la plus simple, la plus proche de la nation. On la trouve aussi chez les artistes qui ont trouvé accueil en France après les insurrections successives contre les occupants, depuis la Grande Emigration après 1830, avec Mickiewicz, Czartoryski, Slowacki, Chopin, plus tard Norwid, le maître poète de Karol Wojtyla. Une leçon de l’Europe, pour l’Europe.
* Lucia Hobora est journaliste polonaise.
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