Jean Paul II, repères pour nos vies
Article rédigé par Tugdual Derville*, le 08 avril 2005

"Repère pour nos vies" : comment ne pas qualifier ainsi la marque du pontificat de Jean Paul II pour chacun d'entre nous, en ces jours bénis où s'élèvent une communion planétaire autour du pape défunt ?

Pour les " générations Jean Paul II " successives qu'il a rencontrées et exhortées avec une ténacité bienveillante, il ne s'agit pas seulement de porter vers sa dernière demeure le corps d'un " grand saint Père " pour suivre la pensée du cardinal Sodano, parlant de lui comme de " Jean-Paul le Grand ".

Beaucoup d'entre nous en parlent volontiers comme d'un " saint grand-père ". Et chacun sait que la grâce de ce lien privilégié qui saute une génération, c'est d'offrir, justement, aux petits enfants des " repères pour la vie ".

Jean Paul Il l'aura fait de façon admirable en mêlant ses exhortations morales à une pédagogie du cœur. J'ai personnellement en mémoire l'une d'entre elles entendue directement au Parc des Princes en 1980 : "La perversion morale ne rend pas l'homme heureux" applaudie à tout rompre par ma génération et dont nous n'avons pas fini de méditer la portée, chacun pour sa propre vie. Il était-là déjà question du bonheur chez ce pape qui, en 1995, prenant à revers nos démocraties embourgeoisées, nous rappelait dans son introduction de l'Évangile de la Vie que le respect de toute vie humaine demeurait la condition même du bonheur.

Jean-Paul II ne faisait que reprendre l'exhortation reçue par Moïse : "Vois, je te propose vie et bonheur, mort et malheur, la vie tu choisiras." Et il l'a reprise inlassablement partout où il s'est rendu, et sous diverses formes, comme une dernière fois à Lourdes, comme si la " fille aînée de l'Eglise " avait un besoin particulier d'entendre une ultime fois sur son sol cet appel pressant, comme le testament d'un pape qui a tant aimé la France.

Et avec quelle délicatesse ! Si Jean-Paul II n'a jamais transigé avec le caractère sacré de toute vie humaine, tant lui était naturelle la posture de défense des plus faibles parmi les personnes humaines, il l'a toujours exprimé avec un extrême tact. Quand certains auraient attendu une virulente réprimande, nous l'avons entendu dire en 1996 lors d'un de ses voyages dans notre pays : "La vie déjà conçue n'appartient pas à ceux qui l'ont fait naître", formule qui a exactement le même sens mais se voulait peut-être plus douce avec une fille de l'Église trop blessée et rebelle..

Exposé jusqu'au bout

Et que dire de ce temps plus poignant où sa présence s'est fait souffrante, où son corps s'est peu à peu recourbé le long du montant de la Croix sur laquelle il s'appuyait, ou la voix est devenue progressivement inaudible ? Voilà que, sans en avoir l'air, le saint Père nous a donné l'exemple rassurant du " bien-mourir ". Lui qui avait cette maladie de Parkinson, celle-là même qu'on met en avant aujourd'hui pour plaider en faveur de l'expérimentation sur l'embryon humain, a accepté, tout en se soignant sérieusement, de s'exposer au monde, sans fausse pudeur, tel qu'il était.

Quand nous étions bouleversés et parfois, à notre tour, souffrants de le voir tant souffrir, il a tenu jusqu'au bout, continuant d'un geste ou d'une image à témoigner de la dignité de la vie humaine, sans traitements excessif les derniers moments venus, et jusqu'au dernier souffle, sereinement.

Et même après. Dans une société où l'on ne voit, comme cadavres, que ceux qui jonchent les champs de bataille ou les lieus d'attentats terroristes, il a été donné à la terre entière de contempler le corps d'un mort, entouré des siens...

Famille très nombreuse il est vrai, au point que ceux qui se seront rendus comme moi à Rome pour participer aux obsèques du Saint-Père, n'auront vu qu'une foule immense reliée par le cœur à toutes les communautés chrétiennes de la planète. Extraordinaire préfiguration, peut-être, de cette communion qui pourra un jour tous nous réunir autour du Christ Sauveur, chacun d'entre nous ayant une histoire personnelle, unique et irremplaçable avec lui. Mille fois plus belles, et c'est peu dire, que ces histoires intimes que vingt-six ans de ce pontificat magnifique ont fait germer entre chacun d'entre nous et Jean Paul II.

La fin de Jean-Paul II aura donc était une grande fête de la vie. Quelle joie de voir que tant d'hommes personnellement loin de l'Église, y participent à leur façon par le respect et l'admiration qu'ils manifestent. Inutile d'afficher une quelconque démonstration de force. C'est dans le recueillement de nos églises que nous aurons le mieux participé à cette prière, continuant de recevoir et de méditer un enseignement et un témoignage qui n'ont pas fini de nourrir chacune de nos existences. Et particulièrement les temps d'épreuve qui précèdent et accompagnent notre mort terrestre.

Merci à vous, très saint Père de nous avoir montré le Chemin de celui qui est la Vie. Et à Dieu ! Il nous reste à accueillir plus pleinement vos messages de vérité et d'amour. Et Dieu sait si nous en avons encore besoin ici-bas comme repères pour nos vies terrestres.

*Tugdual Derville est délégué général de l'Alliance pour les droits de la vie.

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