Article rédigé par Philippe de Saint-Germain, le 10 mai 2002
Jacques Chirac a donc été élu président de la République pour la deuxième fois consécutive et pour le premier quinquennat de la Ve République. Il a obtenu 25.537.956 voix, soit 62 pour cent des inscrits, contre 5.
525.032 à Jean-Marie Le Pen (13,41 pour cent). 1.769.660 électeurs ont voté blanc ou nul.
Cette élection de maréchal due à la mobilisation des forces aux motivations les plus contradictoires est lourde d'ambiguïtés, alors que les Français avaient manifesté un net désir de clarification au premier tour. S'était alors dessinée une nette majorité de protestation contre un mode de gouvernement obscur et artificiel, tout à la fois omnipotent et faible, fruit d'une cohabitation " émolliente " et sans vision.
L'arrivée surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour accouche d'un gouvernement au profil archi-conventionnel, malgré quelques signaux encourageants (l'industriel Francis Mer à l'Économie).
Est-ce bien cela que les Français attendaient ? Seules les législatives pourront valider la légitimité du Président et de son gouvernement.
Il était pourtant relativement aisé de discerner une cohérence dans les attentes de la nation, telles qu'exprimées à travers le scrutin : un besoin de sécurité élémentaire ; un souci de justice pour tous, sans passe-droit pour les puissants, ni pour les casseurs ; une ouverture au monde qui ne dilue pas son identité, mais qui l'épanouit ; le respect du travail et de la création économique. Autrement dit, le retour de l'État dans ses missions régaliennes : les Français attendent de leurs élus qu'ils fassent de la politique, pas du bricolage électoral intensif, clientéliste et sous babillage idéologique.
Le gouvernement Raffarin est donc placé devant de redoutables défis : défi politique pour clarifier le projet qui devra consolider l'unité nationale autour des véritables priorités ; défi social pour libérer les Français de la gangue protectionniste intérieure qui durcit les égoïsmes et bride leur générosité ; défi institutionnel, pour justifier les pouvoirs respectifs de l'exécutif et du législatif, mis à mal par les longues années de cohabitation.
Défis redoutables quand on sait les conditions de la réélection du président de la République, littéralement emportée par une vague " antifasciste " aussi généreuse que fantasmatique, et que le candidat n'a guère dominée. On aurait voulu manipuler un peuple pour lui masquer la réalité qu'on ne s'y serait pas pris autrement. Un enthousiasme collectif aussi obligatoire laisse songeur quand on sait que les thuriféraires de la démocratie en danger restent l'arme au pied, prêts à tout pour saborder la majorité présidentielle.
On a condamné justement l'instrumentalisation du religieux, à propos des plagias de Jean-Marie Le Pen, mais qu'a-t-on dit sur la sacralisation de la démocratie ? À Jean-Pierre Raffarin de montrer qu'un homme d'État doit savoir rester libre pour demeurer au service du bien commun.