Article rédigé par Fr. Edouard Divry, op*, le 27 octobre 2006
Dans une lettre ouverte, plusieurs personnalités musulmanes ont pondéré le retentissement du discours de Ratisbonne parmi leurs coreligionnaires. Plusieurs médias s'en sont fait l'écho en résumant leurs propos (Newropeans magazine) ou en publiant intégralement le document (
islamicamagazine.com/online-analysis/open-letter-to-his-holiness-pope-benedict-xvi.html" target="_blank">Islamica magazine). Nous en donnons une synthèse sans pouvoir en assurer évidemment toutes les nuances.
I- LA LETTRE DES OULEMAS A BENOIT XVI
La lettre ouverte adressée à Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, signée par trente-huit oulémas (responsables religieux ou politiques musulmans), se présente comme une supplique écrite dans un esprit d'échange ouvert. Elle comprend deux sous-titres, notamment la formule introductive coranique : Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux répétée deux fois. La première fois, on ajoute : Et que la paix et les bénédictions soient sur le Prophète Mohammed. La seconde fois, on lit le verset : Ne vous affrontez pas avec le peuple du livre si ce n'est de la manière la plus honnête ("L'Araignée", XXIX, 46).
La lettre se divise en huit parties, au total près de quatre pages en anglais. Elle commence par applaudir le sens profond de la conférence de Ratisbonne dénonçant le positivisme et la matérialisme de la vie humaine. Puis viennent sept points de litige.
1. Il n'y a pas de contrainte en Religion
Le désaccord provient de la datation de la Sourate la Vache (II, 256). Selon la conférence de Benoît XVI, les experts la dateraient de la première période quand le Prophète était encore sans force et sous la menace. Les premiers commentaires, comme Al-Tabari, disent qu'il s'agit d'une sourate adressée à des musulmans de Médine en situation de force lesquels voulaient contraindre leurs enfants, encore juifs ou chrétiens, à se convertir. D'autres versets accusent le trait à propos de la liberté religieuse dans l'islam (cf. XVIII, 29; CIX, 1-6).
2. La Transcendance de Dieu
Le pape Benoît XVI avait affirmé que dans l'enseignement musulman, Dieu est absolument transcendant. Il faut éviter une simplification même si Dieu est vraiment transcendant (cf. XLII, 11). Des versets affirment la proximité de Dieu dans le cosmos, auprès de l'homme, dans le temps et l'espace (cf. XXIV, 35; L, 16; LVII, 3-4; II, 115; Hadith Sahih al-Bukhari, n. 6502).
Par ailleurs, Ibn Hazm (m. 1069), invoqué par le Pape, valeureux mais marginal appartient à l'école de jurisprudence zahirite que, de nos jours, nul ne suit encore. Il faudrait lui préférer Al-Gazzali (m. 1111) sur le thème de la Transcendance.
Aux yeux de ce que note Benoît XVI à propos de la formation à la philosophie grecque de Manuel II qui rendrait évident à ce dernier que Dieu ne se plaît pas au sang versé, l'enseignement de l'islam sur la Transcendance leur apparaît justement comme un contre-exemple à ces remarques désobligeantes qui pourraient attribuer l'attitude inverse au Dieu du Coran.
Ils contestent l'expression que la Volonté divine ne pourrait se traduire en aucune de nos catégories . Même si Dieu n'a pas d'égal (cf. CXII, 4), ils retiennent les noms de Dieu attribués à Celui-ci et à certaines créatures (miséricordieux, juste, voyant, entendant, connaissant, aimant, bon). Ils nient l'idée d'un Dieu capricieux qui pourrait ou non les mander au Diable (cf. XVI, 90; VI, 12; VI, 54; VII, 156). Le mot matrice (rahmah) [signifiant la pitié] sert justement à l'invocation journalière au Dieu Miséricordieux et Clément, preuve évidente que verser du sang innocent s'oppose à la miséricorde et à la compassion.
3. L'usage de la raison
La tradition musulmane se trouve florissante dans l'exploration de la nature de l'intelligence humaine et dans sa relation avec la Nature divine et sa Volonté. Elle possède un mode propre pour distinguer foi et raison en maintenant cette dernière dans ses justes limites (cf. XLI, 53).
4. Qu'est ce que la Guerre Sainte?
Si le concept guerre sainte n'existe pas en arabe, Jihad signifie quant à lui lutte sur la voie de Dieu et peut ne pas être une guerre même s'il peut recevoir le qualificatif de sacré en vue d'un idéal sacré. Il exclut la brutalité et la cruauté. Les signataires contredisent aussi les dires de Manuel II à propos de la violence par les exemples violents de l'Évangile (cf. vendeurs du Temple chassés, et Mt 10, 34-36) ainsi que dans l'Exode. Ils observent à nouveau l'ignorance de Manuel II sur la conversion forcée (cf. II, 256). En sachant historiquement que les premiers musulmans ont dû lutter contre les païens qui les ont persécutés, puis que ce fut uniquement une expansion politique. Les lois coraniques de la guerre se résument en trois points : les non-combattants ne sont pas des cibles permises ou légitimes ; des croyances religieuses seules ne peuvent pas faire de quelqu'un l'objet d'attaques ; les musulmans peuvent et devraient vivre en paix avec leurs voisins (cf. VIII, 61).Il ressort que ces normes ne font pas pour autant de l'islam une religion guerrière, tout comme des lois sexuelles ne commuent pas une religion en débauche. La gravité de les avoir perverties, en justifiant les moyens par la fin, éloigne de l'appel à la justice en toutes circonstances (cf. V, 8). Les signataires condamnent ainsi le meurtre d'une sœur catholique en Somalie (17 septembre).
5. Conversion forcée
Sur le fait que l'islam reçoive l'impératif de se répandre par le glaive, il conviendrait de distinguer les expansions politiques et les prédications missionnaires. Pendant des siècles les populations conquises par l'épée sont restées non-musulmanes. Ceux qui ont agi en les contraignant sont l'exception qui confirme la règle (cf. V, 32).
6. Quelque nouveauté ?
L'affirmation de l'empereur byzantin que le Prophète n'avait rien apporté de neuf hormis ce qui est mal et inhumain (comme le fait de prêcher par l'épée) se trouve contredit par le fait que justement le Prophète n'a reçu aucun appel à apporter quelque enseignement fondamentalement nouveau (cf. XLI, 43; XLVI, 9). Si au cours des âges les lois des croyants ont changé, la vérité demeure.
7. Les experts
Les experts catholiques cités par le Pape (Théodore Khoury et Roger Arnnaldez) bien que sympathisants aux musulmans n'ont pas été reconnus par le monde officiel musulman. Puis les signataire se félicitent des déclarations successives du Pape (20 août, 25 septembre) notamment sur la nécessité vitale du dialogue.
Vient ensuite un huitième point intitulé chrétienté et islam, qui relève l'importance mondiale des deux communautés, musulmane et catholique, devant promouvoir un dialogue franc et sincère en faveur de la paix dans un monde toujours plus en connexion. Les signataires font appel aux deux commandements de l'Évangile en faveur de l'amour du Dieu unique et du prochain (cf. Mc 12, 19-31; Mt 22, 37-40). Ils rappellent avec faveur la déclaration de Vatican II Nostra ætate (n. 3) et les déclarations de Jean-Paul II orientées positivement vers les musulmans. Ils saluent les excuses (sic) de Benoît XVI (16 septembre, 25 septembre) exprimant son total et profond respect pour tous les musulmans.
Ils concluent : Nous espérons que nous éviterons les erreurs du passé et que nous vivrons ensemble dans le futur en paix, acceptation mutuelle et respect.
Tout honneur appartient à Dieu, et il n'y a aucun pouvoir ni force en dehors de Dieu.
Suivent des signatures illustres du monde international musulman.
II- NOTRE COMMENTAIRE
Voici notre commentaire à propos de cette initiative qu'il convient d'encourager tant peut peser sur les signataires la pression de ceux qui refusent a priori le dialogue.
1. Six points positifs
Découvrons d'abord six points très positifs.
Des oulémas musulmans relèvent le défi du dialogue tant de fois proposé par Benoît XVI depuis le début de son pontificat, sur un ton à la fois plaisant et rationnel.
Ils saluent le Pape en resituant son discours au cœur de sa critique du positivisme et du matérialisme occidental à laquelle ils adhèrent.
Ils savent remercier le pape lequel a eu la délicatesse de condescendre à marquer sa peine (17, 25 septembre) [1] suite à la mé-compréhension de son discours du 12 septembre en Bavière alors que celui-ci se sait exempt de tout jugement humain (cf. CIC, n. 104 : Le Premier Siège n'est jugé par personne.)
4/ En outre, en synthétisant le droit de la guerre en trois points, ces signataires se désolidarisent des nombreux autres oulémas favorables au suicide entraînant des homicides collectifs et perpétrés contre l'Occident, contre Israël ou contre les Chiites (point 1 : Non-combatants are not permitted or legitimate targets.). Effectivement rappelons qu'en Égypte, Mohammed Tantâwî, longtemps recteur de la plus grande université coranique au monde, Al-Azhar, avait condamné par la fatwâ du 2 décembre 2001 tout suicide, même les attentats suicidaires entraînant des assassinats à finalité politique ou religieuse.
Il faut saluer la condamnation explicite de l'homicide de Sœur Leonella Sgorbati, missionnaire de Notre Dame de la Consolation, barbarement assassinée à Mogadiscio, le 17 septembre, meurtre revendiqué par des extrémistes musulmans sous prétexte de la déclaration de Benoît XVI à Ratisbonne.
La finale qui se réfère explicitement à l'Évangile de Marc (Mc 12, 29-31 et parallèles), au concile de Vatican II (Nostra ætate, n. 3), à l'enseignement de Jean-Paul II (5 mai 1999), le tout de manière assez correcte, ne peut que contribuer à développer un climat crucial de dialogue et de coopération dans un monde où les signataires notent que chrétiens et musulmans constitueraient 55% des habitants de la planète.2. Réserves
Mais attention, si l'Église se manifeste prompte à s'allier pour lutter désarmée contre ce qui est mal, faux ou laid, elle ne jouera pas de cette plausible coalition islamo-chrétienne contre qui que ce soit ou quelle communauté que ce soit.
En outre, pour recevoir les diverses objections faites par ces trente-deux signataires à la lecture de la conférence de Benoît XVI à Ratisbonne, il faudrait vérifier si l'interlocuteur persan qui dialogue avec Manuel II (XIVe s.) appartient ou non à l'école hanéfite dans laquelle se situent sans doute les principaux signataires. Le livre cité de Théodore Khoury ne le précise pas, et n'aborde même pas la différence des écoles (cf. Sources chrétiennes, n. 115). Les Persans adhèrent plutôt à la famille chiite moins connue par rapport aux quatre principales écoles sunnites : malékite (ou malakite), hanéfite (ou hanafite), shafiite et hanbalite.
3. Sept points irrecevables ou à nuancer fortement
Soulignons sept points qui nous semblent simplement irrecevables ou à nuancer fortement dans cette lettre ouverte.
1. Dans la tradition de l'école sunnite hanéfite, la sourate la Vache correspond effectivement à la période médinoise, toute première sourate, donc elle ressortit à la période initiale où Mohamed demeure libre, mais n'habite pas encore en vraie sécurité. Il pouvait craindre encore des rétorsions par rapport à la plus petite incartade déclenchée contre les droits naturels des enfants circoncis dans le rituel juif, ou baptisés. Cette situation historique justifie largement le résumé donné par Benoît XVI à partir du dialogue évoqué de Manuel II Paléologue et de son homologue persan.
En outre, les mentions des autres versets avancés par les signataires s'avèrent malheureusement tronqués. Ils contiennent de fortes menaces qui s'harmonisent mal avec notre Dieu judéo-chrétien, lequel préfère être appelé un briseur de guerres pour ce qui relève des événements d'ici-bas contraires à son dessein bienveillant (Judith 9, 7). De plus, les signataires auraient dû ajouter dans leur liste coranique la sourate Jonas laquelle parle implicitement de recommandation de non-contrainte humaine, mais sous la même menace divine : Si ton Seigneur l'avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les hommes à être croyants, alors qu'il n'appartient à personne de croire sans la permission de Dieu ? Il fait sentir le poids de sa colère à ceux qui ne comprennent pas (Sourate X, 99-100).
2. Sur la transcendance de l'islam, nul n'ignore que le Coran l'affirme de manière très absolue au point d'interdire toute réalité associée (shirk) (cf. Sourate les Femmes, IV, 48). Vu le contexte du dialogue médiéval, il n'y a aucune confusion possible avec une transcendance divine qui se retirerait en créant (cf. Louria), ou resterait distante au point de se désintéresser des hommes (cf. Épicure, Lucrèce, Voltaire). Les textes coraniques invoqués en rapport à une transcendance de Dieu soi-disant mitigée s'interprètent usuellement dans l'école hanéfite par le fait que Dieu crée toute chose à chaque instant (cf. commentaires de la Sourate les Groupes XXXIX, 5-6). Les assertions invoquées par les signataires ne retirent donc rien à la transcendance absolue. Tout comme, en langage chrétien, la théologie affirme que Dieu absolument transcendant se montre présent à toute chose par essence, puissance et opération (cf. Denys l'Aréopagite, Hiérarchie céleste, 11; Thomas d'Aquin, ST, Ia, q. 8). Dans la pensée chrétienne, c'est, tout en maintenant une transcendance divine similaire à celle de l'islam, que l'immanence divine se révèle à l'homme dans une présence spéciale de grâce. C'est à celle-ci que fait certainement allusion le Pape.
3. Théodore Khoury m. s. p. ne fait usage de la pensée de Ibn Hazm que deux fois dans son commentaire (SC, n. 115, p. 98, 144). Elle n'apparaît pas directement dans la 7e controverse étudiée, entre Manuel II et le professeur musulman, appelé le Mudarris. Dès lors, la référence des signataires à Al-Ghazali (1058 - mort en 1111), préféré à Ibn Hazm sur la transcendance, se comprend mais s'avère paradoxale dans une lettre qui cherche à rendre compte de l'importance de la raison dans le contexte musulman. Elle manifeste en fait l'orientation actuelle de l'islam peu encline à affronter les arguments de la philosophie. Dans la seconde partie de son œuvre, la Destruction des philosophes – le titre dit tout – Al-Ghazali montre effectivement la différence irréductible avec l'Église catholique, laquelle honore la raison philosophique (cf. par exemple, concile Vatican I dans Dei filiusou Jean-Paul II dans Fides et Ratio).
Mais, si Ibn Hazm (994 - mort en 1064), lors de la période du Kalâm [naissance de la théologie arabe au IXe s.], appartient bien à l'école zahirite disparue tout comme la Hashwiyya ou les écoles qadarite, jabarite, mo'tazilite, matoridite, ach'arite, ces écoles laissent des traces profondes dans la tradition islamique. Par exemple, l'école ach'arite qui affirme la primauté de la Loi sur la raison, ne demeure-t-elle pas encore à l'œuvre aujourd'hui chez les wahhabites qui dominent Arabie Saoudite ? Alors que Ibn Hazm enseigne la valeur littérale des mots du Coran sans chercher à interpréter l'apparence des paroles, il prétend par ailleurs que l'Incarnation est impossible car elle introduirait en Dieu une nouveauté. Les musulmans qui se reconnaissent dans cette assertion méconnaissent en fait la théologie classique des Pères de l'Église et de saint Thomas d'Aquin, laquelle enseigne que ce qui était demeure, et ce qui n'était pas est assompté sans changement de la divinité (cf. Thomas d'Aquin, ST, IIIa, q. 1, a. 1, ad 1). En fait, ce qui nous sépare de l'immobilisme prophétique coranique bien affirmé par les trente-deux signataires c'est que toute nouveauté ici-bas a été apportée dans le Christ (cf. Irénée, AH, IV, 34, 1).
4. Quand Benoît XVI écrit, en citant Théodore Khoury, à propos d'Allah : Sa volonté n'est liée à aucune de nos catégories, fût-elle celle du raisonnable, il se place évidemment dans la ligne du commentaire de Théodore Khoury très bref (SC, n. 115, p. 144, note 1). Théodore Khoury s'appuie dans cette traduction grecque-française sur une littérature sommaire concernant l'islam (cf. SC, n. 115, p. 131-133) mais dont fait partie justement Al Ghazali (Ghazzâli) évoqué cinq fois.
Lorsque les signataires citent à raison la sourate le Culte pur, nul n'est égal à Lui, (CXII, 4), ils oublient de dire que l'interprétation de versets comme celui-ci conduit l'école hanéfite à affirmer que Dieu a créé l'homme non à son image et ressemblance (cf. Genèse 1, 26), mais ressemblant seulement à l'idée que Dieu s'en faisait. Il n'y a pas de réelle ressemblance directe avec Dieu. C'est bien ce qu'affirmait la note succincte de Théodore Khoury.
5. Sur la guerre sainte (djihad), Benoît XVI résume un dialogue du XIVe siècle où les deux personnages évoluent sans s'arrêter sur les détails. On ne distingue pas comme devait le faire le Persan, l'interlocuteur de Manuel II, djihad majeur (avec des combats corporels) et djihad mineur (combat spirituel). En fait, le Coran s'est beaucoup plus intéressé au thème du qitâl, la guerre meurtrière, seul vocable employé dans les sourates écrites à Médine, et utilisé près d'une centaine de fois.
Les références à Mt 10, 34-36 et à Jésus chassant les vendeurs du Temple (cf. Mt 21, 12 et parallèles) ne peuvent guère être mis en avant pour justifier les élans guerriers du Coran, même si des chrétiens ont pu historiquement s'en prévaloir pour justifier leur guerre. Le magistère de Vatican II ne laisse pas l'ombre d'un doute à ce sujet (cf. GS, n. 79-82) : Heureux les pacifiques, ils seront appelés fils de Dieu (Mt 5, 9). Pourquoi, par ailleurs, avoir liquidé le mot Israël dans la citation de Marc (Mc 12, 29) ? Ce devoir d'amour n'a pas de limite pour un chrétien.
6. Le thème de la conversion forcée mérite quant à lui bien plus de bémols encore. Les fortes pressions psychologiques pratiquées internationalement par l'islam relèvent du prosélytisme de mauvais aloi. La peine de mort qui menace et celui qui quitte l'islam (murtadd) et celui qui accueille un dissident musulman vers une autre religion suffit à le prouver (cf. Sourate les Abeilles, XVI, 106 ; Hadith Boukhari, Sahîh, 39, I, 1).
La sourate l'Immunité, formulée contre les polythéistes, n'est même pas mentionnée. Elle constitue un appel à la guerre contre ceux qui ne se repentent pas parmi eux : Après que les mois sacrés se seront écoulés, tuez [littéralement : sabrez] les polythéistes, partout où vous les trouverez ; capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades (IX, 5). Or la sourate Taouba (l'Immunité, ou la Repentance) citée, est soit l'avant-dernière soit la dernière sourate révélée dans la période de Médine. Elle possède donc l'autorité maximale entre toutes les sourates abrogantes par rapport aux sourates abrogées. Par exemple, si telle école coranique déclare que la foi chrétienne en la Trinité n'est qu'un polythéisme déguisé, toutes les sourates de protection vis-à-vis des chrétiens deviennent abrogées. Comprenne qui peut comprendre !
7. Il semble enfin assez caractéristique que l'islam, enclos sur lui-même contre toute attitude communément scientifique, ne reconnaisse aucun spécialiste qui ne soit musulman. Les signataires déclarent que ni Théodore Khoury ni Roger Arnaldez (cf. SC, n. 115, p. 144, note 1) n'ont été en quelque sorte homologués par les musulmans, et pour cause puisque ceux-ci sont catholiques. Le déni de science formulé à leur encontre exhibe l'immense labeur à parcourir pour rendre symphoniques croyance et raison au sein de l'immense mouvance islamique.
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Mohammed Tantâwî n'a pas signé cette lettre ouverte à l'heure où nous la recevons. Pourquoi ? Il avait toutefois nettement consoné avec la voix des contestataires au discours de Ratisbonne. Faut-il espérer une réaction plus éclairée chez celui qui peut être considéré comme la voix la plus savante et la plus autorisée et donc la plus capable de dialogue parmi les oulémas de notre temps ?
* Le Fr. Edouard Divry est dominicain de la province de Toulouse.
Pour en savoir plus :■ Le discours de Ratisbonne, version définitive et annotée par le pape.
■ La Lettre ouverte à SS. le Saint-Père Benoît XVI
[1] Une note du Vatican, parue le 12 octobre, précise que Benoît XVI adopte une attitude pacifique vis-à-vis du Coran, pour lequel, dit-il, j'ai le respect dû au livre sacré d'une grande religion.
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