Article rédigé par La Fondation de service politique, le 07 décembre 2002
PARIS,[DECRYPTAGE/analyse] - Si l'information est confirmée, un embryon humain aurait été cloné. Clonage reproductif ou clonage thérapeutique ? Tout le monde s'interroge immédiatement. Aujourd'hui, ce qui vient de faire l'objet d'une expérience réalisée par le laboratoire de la firme privée américaine Advanced Cell Technology, encore une fois sous réserve de confirmation, serait la reproduction d'un embryon humain par clonage : " The first human cloned embryo ".
Ce clonage est nécessairement reproductif pour l'unique et simple raison qu'il n'existe pas d'autre clonage. Il n'y a pas d'alternative pour qualifier le clonage autrement. Le clonage thérapeutique relève du fantasme d'une finalité thérapeutique virtuelle. En effet, dans l'expression clonage thérapeutique, il y a d'abord le mot clonage et ce mot, jusqu'à présent, ne recouvrait aucune réalité dans l'espèce humaine. Dans sa forme la plus grave, ce fantasme est même greffé sur un déni de la réalité reproductive du clonage. Autrement dit, le clonage thérapeutique serait acceptable parce que thérapeutique, tandis que le clonage reproductif serait inacceptable parce que reproductif. Ceci sous-entend que le clonage thérapeutique serait acceptable parce que non reproductif. En d'autres termes le clonage ne serait acceptable qu'à condition de ne pas être du clonage ! Les faits nous montrent que le seul clonage aujourd'hui à l'essai est reproductif.
Les interdictions du clonage reproductif sont inefficaces.
La plupart des pays développés ont fermement condamné le clonage reproductif et appelé de leurs vœux le clonage thérapeutique. Résultat, c'est l'inverse qui se produit, pour la raison évoquée plus haut : le clonage thérapeutique est du domaine du rêve. Ce qui était interdit s'est concrétisé et ce qui était souhaité reste virtuel. En clair, pour favoriser des lois de transgression, on nous a promis des médicaments mais pas de bébés issus du clonage. Dans la pratique, on risque d'avoir plus rapidement des bébés issus du clonage que des médicaments. Tout simplement parce qu'il faut neuf mois pour faire un bébé et dix ans pour faire un médicament.
La probabilité est élevée qu'un aventurier de la reproduction cherche à implanter, moyennant finance, un embryon cloné à une femme dont la détresse serait de ne pouvoir obtenir d'enfant par un autre moyen. La probabilité est plus faible de voir des expérimentations sur les embryons clonés aboutir à des découvertes thérapeutiques. Telle est la revanche du principe de réalité. Heureusement. Car finalement, que faut-il redouter le plus, la naissance d'un enfant issu d'un clonage ou la cannibalisation d'embryons dont le développement serait volontairement interrompu pour fabriquer des médicaments ?
Les États-Unis aujourd'hui, c'est la France demain.
Le clonage est une conséquence logique, prévisible et attendue de l'expérimentation sur l'embryon humain. Dans le projet de loi de bioéthique qui sera discuté début 2002, il est envisagé d'autoriser la récupération des cellules souches à partir des embryons surnuméraires dépourvus de projet parental. Toutefois, l'exploitation de ces cellules souches à des fins thérapeutiques va poser des problèmes d'immuno-compatibilité et risque d'entraîner le rejet des greffes cellulaires qui pourraient être réalisées. L'une des solutions préconisées par MM. Bernard Charles et Alain Claeys dans le rapport parlementaire accompagnant le projet de loi, serait donc de permettre la récupération de cellules souches à partir du clone du malade dont on cherche la guérison : " Pour pallier le problème d'immuno-compatibilité que poserait l'injection de cellules ES dans un organisme adulte, des chercheurs envisagent de recourir à la méthode du transfert de noyau somatique, couramment appelée clonage thérapeutique. " En somme, le clonage thérapeutique est à l'utilisation des cellules souches embryonnaires ce que le sur-mesure est au prêt à porter.
La seule méthode efficace que les responsables politiques doivent adopter pour ne pas être conduits nécessairement à autoriser le clonage est de dire non à l'exploitation des embryons surnuméraires.
Une logique eugénique.
Étrangement, le clonage semble arriver à son heure pour combler le vide laissé par l'enfant différent et rejeté :
1/ Nos sociétés développées achètent le droit de prévenir les naissances d'enfants handicapés par la généralisation du diagnostic prénatal.
2/ Elles économisent sur les recherches visant à traiter des maladies dont on peut supprimer les malades.
3/ Elles se font rembourser les naissances d'enfants handicapés qui naissent tout de même - le " taux d'échappement " - par les médecins désignés comme fautifs (procès en wrongfull life, type Perruche).
4/ Elles cherchent à investir dans le clonage, c'est-à-dire la fabrication d'enfants parfaits, que ceux-ci soient par ailleurs appelés à naître ou pas.
Curieusement, les partisans de la condamnation des médecins qui n'ont pas donné à un enfant handicapé la chance d'être avorté sont souvent les mêmes que ceux qui se déclarent favorables à la légalisation du clonage humain. La boucle de la destruction et de la création de l'homme par l'homme est bouclée.
Jean-Marie Le Méné est président de la Fondation Jérôme-Lejeune.
Photo : Fondation J.-Lejeune