Article rédigé par La Fondation de service politique, le 10 mai 2002
Le nouveau ministre de l'Économie et des finances est un industriel, autrement dit un connaisseur de l'économie "réelle", qui devra sortir la France de ses vieux démons. Son choix est le suivant : ou retomber dans les errements de la fin des années 80, en continuant à légitimer la dépense (de fonctionnement) et différer les réformes de structure ? Ou sortir par le haut en acceptant d'affronter un ensemble de remises en cause économiques, sociales, sociétales qui sont salutaires pour la croissance et l'emploi à terme : restauration de la valeur du travail, amélioration de la gestion publique et privée, ouverture sur l'international et les nouvelles technologies, responsabilisation de tous...
Il n'y aura pas de croissance durable sans une base entrepreneuriale renforcée.
Mais le plus grand défi pour la France est le défi culturel, consistant à en finir avec l'exception française devenu l'illusion française, qui privilégie la redistribution sur la production, qui répond au chômage par le rationnement du travail et la multiplication des emplois subventionnés, qui s'alarme de l'expatriation de chanteurs et de footballeurs mais pas de chercheurs, de créateurs de managers, ou d'ingénieurs également de classe internationale, qui fait de l'entreprise un enjeu politique, qui feint d'ignorer que la qualité du made in France dépend de la qualité " globale " de la sphère publique, base arrière de la sphère productive, qui confond obligations de moyen et obligations de résultat...
Notre stratégie doit être fondée sur la recherche d'une " excellence française " tous azimuts : excellence des hommes, des entreprises, des produits, des services publics... C'est la condition pour relever la croissance et l'emploi en France.
C'est un projet ambitieux : réussir la mutation de notre économie définitivement immergée dans la concurrence européenne et mondiale tout en répondant aux exigences de respect de nos valeurs de liberté, de responsabilité et de solidarité qui ont fait et doivent continuer de faire la cohésion et le progrès de notre société.
C'est un projet réaliste : des pays voisins l'ont mis en œuvre, les accords signés par les partenaires sociaux dans le cadre de la refondation sociale montrent que bouger est possible en France.
C'est un projet qui peut être engagé tout de suite : les solutions ont été clairement identifiées dans les rapports commandés par le gouvernement pour restaurer la compétitivité de la France, revenir au plein emploi, réformer l'État...
Et le temps n'est plus à "laisser du temps au temps". Mais il y a quelques raisons d'espérer car les mentalités évoluent : réforme des retraites, formation tout au long de la vie, dialogue social rénové, baisse des impôts sont maintenant au cœur de la campagne électorale... parce que la réticence à la réforme en France est en train de s'estomper... dans l'opinion, davantage que dans certains appareils syndicaux ou politiques, comme nous l'avons constaté après l'échec de la réforme de Bercy en 2001 !
Peut être, les Français ont-ils enfin entendu la mise en garde du grand Alfred Sauvy : "En France, on regarde l'emploi qui se crée et l'emploi qui se perd, jamais l'emploi qui ne se crée pas." Ou qui se crée ailleurs !
Gérard de Lavernée est économiste.