Article rédigé par Jean-Marie Huet, le 07 février 2003
Ainsi donc la Cour de cassation française a tranché dans un sens qui n'étonnera pas. C'est dans la logique du système dont la France n'a pas l'exclusivité. Depuis que le droit naturel a été jeté aux oubliettes par nos juristes positivistes, ceux-ci se sentent investis d'une puissance quasi-divine.
Ce qui est voté par une majorité politique devient la loi, et ce qui est légal devient moral. Voilà une grille d'analyse applicable aux grands problèmes éthiques du moment.
La Belgique vient de se singulariser par des lois légalisant l'euthanasie et l'union des homosexuels. Il y a longtemps que l'État laïc ne respecte plus la vie avant la naissance et dans peu de temps, on légalisera probablement le clonage (la différence entre thérapeutique et eugénique tiendra-t-elle longtemps ?). La tentation de se prendre pour Dieu est aussi vieille que le monde : cf. Genèse 3,5 !
Et dire que certains estiment que le péché originel est un archaïsme. Regardons autour de nous et d'abord en nous-mêmes pour voir qu'il existe toujours : lorsque nous substituons notre volonté à celle de Dieu, nous courons à notre perte.
Pour en revenir à la question abordée par la Cour de cassation, nous comprenons bien que les tribunaux civils – que nous respectons comme tout citoyen – doivent être en mesure de juger correctement après avoir recueilli les preuves nécessaires. Mais il se passe dans l'ordre juridique ecclésiastique des choses qui relèvent de la conscience. Le secret dans les procédure canoniques vise à protéger les personnes et aucunement à les soustraire à la justice, ce qui constituerait une faute grave dans le chef des supérieurs religieux.
On ne peut nier que dans le passé, cette faute n'a pas toujours été évitée. Mais nous l'avons déjà affirmé : plutôt que d'utiliser la méthode des perquisitions hautement médiatisées (il arrive parfois que la presse soit informée en premier et qu'elle se trouve sur les lieux !), la convocation d'un supérieur ecclésiastique pour une conversation avec les personnes chargées de l'enquête est bien plus profitable. Du reste, il existe un moyen bien simple d'éviter les conséquences néfastes d'une perquisition : conserver les documents importants dans un lieu plus sûr qu'une curie épiscopale.
Une dernière interrogation : les juges seront-ils toujours aussi soucieux de rechercher la vérité lorsqu'ils devront investiguer dans les milieux maçonniques au sein desquels nombre de décisions importantes sont prises qui concernent la vie de tout citoyen ? Dans ce dernier domaine, c'est la démocratie qui n'y trouve pas son compte...
Jean-Marie Huet est vicaire épiscopal de Namur.
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[Document] Le nouveau Code de droit canon a vingt ans
Il y a vingt ans, le 25 janvier 1983, était promulgué le nouveau Code de Droit Canon. Dans l'audience accordée aux participants à la Journée Académique commémorative, le 24 janvier dernier, le Pape Jean Paul II a déclaré : " Au cours de ces vingt années, on a pu constater à quel point l'Église avait besoin du nouveau Code. Heureusement, les voix de contestation du droit sont désormais dépassées. Toutefois, il serait naïf d'ignorer tout ce qui reste à faire pour consolider dans les circonstances historiques présentes une véritable culture juridico-canonique, et une pratique ecclésiale attentive à la dimension pastorale intrinsèque des lois de l'Église. "
Dans l'entretien accordé à l'agence Fides, le président du Conseil pour les textes législatifs, S. Exc. Mgr Julian Herranz, encourage et soutient l'engagement des fidèles laïcs.
Fides. Quelle importance a eue la promulgation du code actuel de droit canon pour la vie de l'Église ?
Dans l'acte de promulgation du nouveau Code, le Pape Jean Paul II déclare qu'il était le fruit d'un grand effort pour traduire en langage canonique la doctrine du Concile Vatican II. Le Bienheureux Jean XXIII, en effet, en annonçant la convocation du Concile Vatican II, voulut aussi la réforme du Code de Droit Canon, comme le " couronnement du Concile ". Et aujourd'hui, après vingt ans, le Code a montré qu'il était un instrument très valable pour le gouvernement de l'Église et pour promouvoir une participation plus ample des fidèles laïcs à la mission de l'Église, de manière conforme à leur condition personnelle.
Grâce aussi à la promulgation du Code de 1983 et au renouveau vigoureux de la science canonique, on a désormais dépassé l'antijuridisme de l'après Concile ; on espère donc que l'on mettra plus de soin à préparer les ministres dans la connaissance qu'ils doivent avoir des lois de l'Église.
Je voudrais souligner en outre que non seulement le nouveau Code de l'Église Latine, mais le Corpus Juris Canonici tout entier reflète pleinement, dans les principes de base et dans la formulation elle-même des normes, la nature propre du Peuple de Dieu, du Corps Mystique du Christ, " communio spiritualis " de foi, d'espérance et d'amour, et, simultanément, ensemble visible, société dotée d'organismes hiérarchiques (cf. Lumen Gentium, 8). C'est précisément le caractère inséparable absolu de ces deux réalités - charismatique et institutionnelle - ce qui assure au Droit Canon et à la Loi ecclésiastique leur caractère juridique propre, leur propre identité et leur propre finalité.
Un des points les plus discutés pendant le Concile Vatican II a été celui qu concerne la participation des laïcs à la mission de l'Église. Quelle nouveauté le Code a-t-il apportée dans ce domaine. Le Code a-t-il répondu de manière adéquate aux attentes du Concile et aux besoins de l'Église face aux problèmes du troisième millénaire ?
L'appel universel à la sainteté et à l'apostolat, déclarée au chapitre V° de la Constitution dogmatique Lumen Gentium, a été un point fondamental du Concile Vatican II, et acquiert un relief particulier à l'égard des fidèles laïcs, parce qu'il met en relief qu'ils sont appelés aux aussi à être saints et à répandre l'Évangile. Il n'est donc pas surprenant que le Code de Droit Canon ait introduit deux nouveaux titres et 24 canons qui établissent avec force et clarté les droits et les devoirs de tous les fidèles, ainsi que les droit et les devoirs spécifiques des fidèles laïcs.
Il s'agit d'une vaste réglementation qui respecte et protège leur légitime liberté d'action, correspondant à la coresponsabilité personnelle, qu'ils exercent par vocation propre qui consiste à " chercher le Royaume de Dieu en traitant des choses temporelles et en les ordonnant selon Dieu (cf. Lumen Gentium, 31) dans la vie et dans les activités de chaque jour, dans la famille, dans le travail, dans les engagements sociaux et politiques etc. On peut bien comprendre combien le nouveau Code de Droit Canon peut contribuer - si les normes sont bien connues et appliquées - aux besoins missionnaires de l'Église face aux défis du nouveau millénaire.
Mais au-delà de ce rôle propre aux laïcs dans l'évangélisation des réalités temporelles, la nouvelle législation canonique ouvre-t-elle d'autres possibilités de participation à la vie de l'Église ? Quels pourraient être les champs d'action des fidèles laïcs au sein des structures ecclésiastiques ?
Le Code et les autres normes successives ont ouvert de nouvelles perspectives de participation des fidèles laïcs, y compris au niveau de collaboration dans le gouvernement de l'Église (canon 129 § 2). Ils peuvent donc aider les pasteurs comme experts et conseillers, y compris dans les conseils pastoraux (canon 228 § 2), mais aussi en recouvrant des services ecclésiastiques (§ 1), comme par exemple : économe diocésain (canon 494), administrateur des biens (canon 1282), juge au tribunal ecclésiastique (canons 1421, § 2, 1428), et d'autres. Pour ce qui concerne la fonction d'enseigner, à l'exception de l'homélie réservée au ministres ordonnés, les possibilités sont très variées de service de la Parole des fidèles dans l'Église, sans exclure l'enseignement des Sciences Sacrées (canon 229, § 3), y compris dans les Facultés ecclésiastiques. Ils peuvent aussi exercer de nombreuses fonctions dans la vie paroissiale et dans les stations missionnaires, comme par exemple la fonction des acolytes et des lecteurs, des chanteurs et de directeurs de chorale, de catéchistes, de guides des réunions de prière, de l'assistance aux pauvres et aux malades, et bien d'autres activités. A ce sujet, il suffit de penser à l'importance du rôle extraordinaire réalisé par les catéchistes des régions missionnaires dans la transmission de la foi : il y en a plus de 50.000 en Afrique.
Il y a aussi les situations de nécessité particulière, et notamment face à la pénurie de ministres ordonnés, dans lesquelles, en plus de ce qui est précisément leur vocation spécifique, les fidèles laïcs exercent des fonctions à caractère supplétif. Dans ces circonstances, ils peuvent être nommés, par exemple, ministres extraordinaires du Baptême (canon 861 §1), de la Communion et de l'Exposition - non de la Bénédiction - du Saint-Sacrement (canons 910 § 2, 943), délégués pour assister aux mariages (canon 112), comme ils peuvent aussi administrer certains sacramentaux (canon 1168).
Naturellement, la réglementation canonique tient compte de la différence essentielle et non seulement de degré entre sacerdoce commun et sacerdoce ministériel. Il est bien connu en effet que seul le Sacrement de l'Ordre attribue au ministre ordonné une participation particulière à la tâche du Christ, Chef et Pasteur, et à son Sacerdoce éternel. Pour cette raison " les différents ministères, services et fonctions que les fidèles laïcs peuvent exercer légitimement dans la liturgie, dans la transmission de la foi et dans les structures pastorales de l'Église, devront être exercées en conformité à leur vocation laïque spéciale, différente de celle des ministres sacrés " (Christifideles Laici, 23). L'application correcte de la réglementation canonique aide donc tous les fidèles laïcs et tous les pasteurs, à vivre avec fidélité leur propre vocation au service de l'unique mission de l'Église.
Outre la participation des fidèles laïcs à la mission de l'Église, quelles sont les autres dimensions missionnaires significatives présentes dans le Code de Droit Canon ?
On le sait, le Code contient aussi les normes sur les Missions. On peut indiquer tout d'abord le canon 781 - qui s'inspire du numéro 35 du Décret Ad Gentes du Concile Vatican II -, qui se réfère à l'obligation de tous les fidèles, conscients de leurs responsabilités, d'assumer leur propre part dans l'œuvre missionnaire ; le canon 782 fait une obligation à chaque Evêque d'avoir une sollicitude particulière envers les Misions, en suscitant spécialement, en favorisant et en soutenant des initiatives missionnaires. En effet, c'est une caractéristique des Missions d'avoir besoin de l'aide d'autres Églises - spécialement par l'envoi d'évangélisateurs - pour annoncer Jésus-Christ aux populations auxquelles cela n'a pas encore été fait, et où existe seulement une communauté chrétienne à peine née. Pour cette raison, " le cœur missionnaire " que chaque catholique doit avoir, trouve aussi son expression canonique. Il y a aussi d'autres points, comme par exemple dans le canon 791 l'obligation pour les diocèses de promouvoir les vocations missionnaires ; la désignation d'un prêtre pour promouvoir les initiatives pour les Missions ; ou les devoirs de célébrer chaque année la Journée pour les Missions, et de verser chaque année une contribution pour les Missions, etc.
Il est clair que le missionnaire, et le catéchiste, figures de base des Missions, tout comme le catéchuménat, sont aussi réglés dans les canons. En outre, comme le gouvernement pastoral dans les territoires de Mission s'exerce dans des circonstances particulières, les normes canoniques prévoient une adaptation normale à ces situations, comme par exemple l'existence dans le Vicariat et dans la Préfecture Apostolique, d'une Conseil de la Mission (dont parlent les canons 495 §2, et 502 §4), qui peut être composé seulement de trois missionnaires, et qui remplit les fonctions que possèdent dans un diocèse le Conseil presbytéral et le Conseil des consulteurs. (M.R.)
© Fides, 7 février 2003.
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