Article rédigé par Damien Meerman, le 10 janvier 2003
Le nouveau directeur de la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue), Didier Jayle, vient de déclarer au Monde que "la loi de 1970 - qui pénalise l'usage de stupéfiants - s'est progressivement vidée de son sens et n'est plus applicable.
Il faut modifier la loi, lui redonner du sens pour qu'elle soit mieux comprise, appliquée. Cela implique des schémas nouveaux, excluant la prison pour les simples usagers, avec par exemple un système d'amendes, plus simple, plus efficace" (2 janvier 2002). Que penser d'une telle déclaration ?
L'idée de faire participer financièrement tout possesseur de cannabis interpellé pour usage, en l'obligeant par exemple à s'acquitter d'un timbre-amende de 40 euros, comme pour un défaut de ceinture de sécurité, est une bonne idée. Mais cette mesure n'est profitable que si elle répond à un double objectif : 1/ un objectif éducatif, réaffirmer clairement l'interdit lié à la dangerosité sociale du cannabis et sanctionner les délits en refusant toute permissivité ;
2/ un objectif budgétaire, donner à l'État les moyens de financer plus efficacement la prévention ainsi que les dépenses de santé liées à la toxicomanie.
Car l'ambiguïté est la suivante : si on modifie la loi de 1970, est-ce pour la rendre plus efficace ou est-ce pour la neutraliser et s'aligner sur les Pays-Bas ? Si on assouplit la législation sur le cannabis en renonçant à l'incarcération pour les simples usagers, est-ce pour rétablir l'autorité de l'État et soutenir l'effort de prévention ou est-ce pour préparer les consciences à la légalisation des drogues comme le veulent les militants du droit à la drogue (Les Verts, Act up...) ? Il faut être très vigilant sur ce point.
En effet, la Mildt a longtemps poursuivi des objectifs manifestement idéologiques. Jusqu'à présent, elle ne prenait l'avis que des structures associatives ou de professionnels prônant la légalisation des drogues (associations d'autosupport des usagers de drogues). Elle a privilégié une politique de prévention axée uniquement sur la limitation des risques au détriment d'une véritable éducation à l'abstinence.
La loi de 1970 en échec
La gauche au pouvoir, avec Bernard Kouchner, avait promis un grand débat sur la loi de 1970. L'objectif à peine caché était de la modifier dans un sens plus permissif, voire même de la supprimer en libéralisant l'usage des drogues. À cela il faut répondre que :
1/ La loi de 1970 n'est pas une loi répressive. En effet, l'infraction à la loi n'entraîne pas par définition de poursuites judiciaires ; la loi offre en effet la possibilité de les prévenir grâce à l'injonction thérapeutique. Le procureur peut proposer à l'usager de drogue le suivi d'un traitement médical, tel qu'une cure de désintoxication. Si l'usager peut présenter un certificat médical, dans lequel il apparaît qu'il s'est soumis à un traitement médical de ce genre depuis l'infraction, le procureur ne peut pas procéder aux poursuites judiciaires. En cas de récidive, le procureur examine s'il faut ou non passer aux poursuites judiciaires.
2/ Cette loi n'a jamais été appliquée. Depuis 1970, le ministère de la Justice n'a cessé de publier toute sorte de circulaires, adressées aux procureurs généraux et procureurs, avec des directives sur les procédures (juridiques) à suivre concernant le cannabis. En 1978, paraît une circulaire conseillant au parquet, en cas de simple usage, de ne procéder à des poursuites judiciaires que si cela se présente comme indispensable et de se contenter d'une mise en garde. Cela implique que l'usager est prié de s'adresser à une personne qualifiée (par exemple le médecin de famille) ou une association spécialisée pouvant lui apporter une aide psychologique ou éducative. Étant donné que cette mise en garde n'implique pas d'engagement pour le consommateur, et qu'il n'existe d'ailleurs pas de contrôle ultérieur pour savoir si le consommateur de cannabis a effectivement cherché une assistance ou une information, cette mise en garde ne l'engage en fait à rien. Cette circulaire, renforcée par la circulaire Guigou de 1999, équivaut à une dépénalisation de facto du cannabis.
Les raisons véritables de cet échec. Si la loi n'a pas été appliquée, n'est-il pas mensonger de lui attribuer, comme on le fait souvent, un quelconque échec ? La vérité n'est-elle pas que l'augmentation ininterrompue de la consommation de drogues depuis les années 70 résulte du laisser-faire et du triomphe de l'idéologie libérale-libertaire ? La génération 68, aux commandes du pouvoir depuis cette époque, a-t-elle jamais su renoncer à son utopie anarchiste, jeuniste et libertaire ? Sous le prétexte légitime de lutter contre le sida, et sous la pression des militants, relayés par les médias, la classe politique a progressivement abandonné toute volonté de lutte contre la consommation des drogues.
Il est vrai que l'effet du cannabis chez les jeunes est resté un sujet polémique au motif que l'on ne disposait pas d'études scientifiques rigoureuses sur les répercussions à long terme. Mais les travaux mettant en évidence un risque exacerbé de développer schizophrénie et dépression chez les adolescents sont désormais nombreux et ne peuvent plus être contestés.
Le rapport de l'Académie de médecine du 19 février 2002 "Drogues illicites d'aujourd'hui et santé" dénonçe "l'information tronquée ou partiale" faite par certains au sujet du cannabis. L'Académie rappelle ainsi le mécanisme d'intoxication du cannabis que trop d'utilisateurs ignorent encore :
- Lenteur d'élimination (1 mois) et bio-accumulation
- Relargages possibles du THC dans le cerveau (flash-back)
- Délires psychotiques et schizophrénie chez certains consommateurs
- Pour tous, perturbation de la conscience et distorsion du temps
- Risques de cancers accrus et de dépendance très rapide
- Action sur la spermatogenèse.
La Mildt est-elle décidée à rompre avec les discours idéologiques du passé ? Rien n'est moins sûr...
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