Dieu, Nietzsche et Michel Onfray : cherchez l'erreur
Article rédigé par Damien Theillier*, le 21 octobre 2005

Da Vinci Code, l'an dernier ; Michel Onfray cette année. L'antichristianisme littéraire se porte bien. Le roman pseudo historique fonctionnait principalement sur la théorie du complot : l'Église catholique aurait toujours menti sur la véritable histoire du Christ et sur sa descendance.

Jésus était marié à Marie-Madeleine, ils auraient eu des enfants, pères des rois carolingiens... On croyait avoir atteint le tréfonds de l'élucubration antireligieuse. Eh bien non.

Cette année, le prix Nobel du délire christophobe revient à Michel Onfray. Ce prétendu philosophe raconte, entre autres délires, que Jésus n'a tout simplement jamais existé.

Quelques perles de son Traité d'athéologie : les religions, surtout les monothéismes, seraient animées par "une pulsion de mort généalogique", elles auraient en commun "la haine de la raison et de l'intelligence". Jésus est traité d'"ectoplasme", la patristique de "bouillie patrologique". Saint Paul, "apôtre hystérique", est présenté comme le prototype du "malade, misogyne, masochiste".

Ce prétendu "traité" n'est rien d'autre qu'un vulgaire pamphlet anti-religieux, bourré de falsifications et de contrevérités. Onfray est un spécialiste des procédés intellectuels douteux : démagogie, caricature, arguments ad hominem, fausses analogies... Son livre est une enfilade de sophismes.

Penchons-nous par exemple sur la manière dont l'auteur utilise Nietzsche. Onfray prétend s'inspirer du philosophe allemand pour opposer un paganisme admirable à un christianisme porteur de toutes les tares, ou un polythéisme tolérant, humaniste à un monothéisme impérialiste et fanatique. Bizarrement, Onfray oublie de rappeler l'immense admiration que Nietzsche portait à Pascal et le fait que sa critique des religions visait la morale platonico-chrétienne plus que le christianisme lui-même, puisque Jésus et son message sont toujours épargnés.

Quelle est la signification véritable du fameux mot de Nietzsche dans le Gai Savoir :

"Dieu est mort et c'est nous qui l'avons tué ?" Cette formule ne dit pas que Dieu n'existe pas (athéisme), elle dit simplement que la foi en Dieu est morte (incroyance), que les hommes ont perdu la foi. Ce n'est pas Dieu qui meurt, proposition absurde et contradictoire, c'est la foi en Dieu qui s'éteint. Mais de quel Dieu parle-t-il ? Du Dieu de Luther, celui que son éducation religieuse lui avait inculqué ? Du Dieu des philosophes, de Platon ou de Kant ? N'est-ce pas une image déformée de Dieu qui est morte ?

Nietzsche poursuit : "Comment nous consolerons-nous, nous, meurtriers entre les meurtriers ! Ce que le monde a possédé de plus sacré et de plus puissant jusqu'à ce jour a saigné sous notre couteau; qui nous nettoiera de ce sang ? Quelle eau pourrait nous en laver ? Quelles expiations, quel jeu sacré seront nous forcés d'inventer ? La grandeur de cet acte est trop grande pour nous." Ce que nous dit ici le philosophe, c'est que nous aurons à payer pour ce meurtre. L'homme affronté au vide de Dieu sera tenté de se diviniser, de s'idolâtrer. Ou bien il se précipitera dans une agitation furieuse, semblable au divertissement pascalien.

On pourrait prendre un autre exemple. Onfray prétend qu'Hitler est un disciple de saint Jean et que le christianisme est la matrice du nazisme. Mais les propos d'Hitler sur le christianisme (même si Hitler était effectivement d'origine catholique) sont sans ambiguïté. Voici quelques paroles du dictateur citées par Martin Bormann* :

"Le christianisme est une rébellion contre la loi naturelle, une protestation contre la nature. Poussé à sa logique extrême, le christianisme signifierait la culture systématique de l'échec humain. Mais il n'est pas question que le national-socialisme se mette un jour à singer la religion en établissant une forme de culte. Sa seule ambition doit être de construire scientifiquement une doctrine qui ne soit rien de plus qu'un hommage à la raison.

"Il n'est donc pas opportun de nous lancer maintenant dans un combat avec les Églises. Le mieux est de laisser le christianisme mourir de mort naturelle. Une mort lente a quelque chose d'apaisant. Le dogme du christianisme s'effrite devant les progrès de la science. La religion devra faire de plus en plus de concessions. Les mythes se délabrent peu à peu. Il ne reste plus qu'à prouver que dans la nature il n'existe aucune frontière entre l'organique et l'inorganique. Quand la connaissance de l'univers se sera largement répandue, quand la plupart des hommes sauront que les étoiles ne sont pas des sources de lumière mais des mondes, peut-être des mondes habités comme le nôtre, alors la doctrine chrétienne sera convaincue d'absurdité.

"Tout bien considéré, nous n'avons aucune raison de souhaiter que les Italiens et les Espagnols se libèrent de la drogue du christianisme. Soyons les seuls à être immunisés contre cette maladie."

Au final, Michel Onfray nous offre un discours dogmatique et haineux. Il distille des thèses faciles mais fausses sur un ton péremptoire. Il sait que son public est ignorant, sous-cultivé, crédule. Et les médias lui déroulent le tapis rouge ! France Culture lui offre même une émission hebdomadaire dans ses programmes.

Heureusement, quelques livres intelligents sont venus répondre aux âneries du sophiste graphomane (Michel Houellebecq soi-même le qualifie de "graphomane indigent") :

> L'Anti-Traité d'athéologie, le système Onfray mis à nu, de Matthieu Baumier (Presses de la renaissance, 243 p., 17 €). L'auteur réfute point par point la thèse développée par Michel Onfray. Il démontre l'imposture intellectuelle, soulignant son aveuglement militant, sa mauvaise foi et ses approximations.

> Dieu avec esprit, réponse à Michel Onfray, d'Irène Fernandez

(Philippe Rey, 158 p., 14 €). En sa qualité de philosophe (normalienne agrégée de philosophie), et théologienne, l'auteur pointe les erreurs historiques et philosophiques et fait la démonstration que les trois religions monothéistes ne sont pas des autodafés de l'intelligence, mais reposent au contraire sur une alliance de la foi et de la raison.

> Le Nouvel Antichritianisme, de René Rémond, entretiens avec Marc Leboucher (DDB, 150 p., 18 €). L'académicien s'indigne de la haine anti-catholique qui ressurgit à la faveur d'une inculture généralisée.

* Adolf Hitler, Libres propos sur la guerre et la paix recueillis sur l'ordre de Martin Borman, Notes de juillet 1941 à juin 1942, Flammarion, Paris, Vol. I, 1952 ; Vol. II, 1954.

Pour en savoir plus :

> Philippe Capelle, doyen de la faculté de philosophie et directeur du laboratoire de philosophie de la religion à l'Institut catholique de Paris réagit dans un article critique.

> Dans la revue Esprit et vie, une recension critique du Traité d'athéologie

> Paul Valadier, jésuite et professeur de philosophien a écrit sur Nietzsche et l'avenir de la religion

* Damien Theillier est professeur certifié de philosophie, membre du comité de rédaction de Liberté politique. Son blog : http://nicomaque.blogspot.com

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