Article rédigé par Agnès Kalinowska-Bastit, le 02 juin 2006
Le constat est unanime : Benoît XVI a marqué ses interlocuteurs lors de son voyage par son attention et sa connaissance des réalités polonaises. Le pape avait fait l'effort de s'intéresser de près à la situation des prêtres, des jeunes et du pays tout entier.
Cette attention et cet intérêt sincères se lisent d'ailleurs sur le visage du Saint-Père à différents moments de ses rencontres. Benoît XVI s'est arrêté sur les besoins, les richesses et les difficultés du pays tout entier. Le président du Conseil constitutionnel, Marek Safjan, a écrit, après la rencontre avec les politiques : "Le pape ne s'est pas limité aux gestes protocolaires, mais a rendu possible un véritable échange de points de vue. Son intérêt et sa connaissance de notre situation étaient visibles" (dernière édition de l'hebdomadaire catholique Tygodnik Powszechny).
Le pape s'est efforcé en particulier d'indiquer une voie médiane entre l'oubli total des fautes commises sous le régime communiste — ce qui serait une injustice — et les dissensions qui peuvent surgir d'un retour trop cru sur ces actes passés. Seule une charité et un souci du bien public bien compris permettront d'éviter ces deux écueils qui menacent actuellement l'unité du pays.
Aux prêtres, il a rappelé le danger d'une action immédiate, trop extérieure, trop directement engagée – et a été chaleureusement applaudi en cet endroit de son discours. Les incitant à une pastorale plus spirituelle – et peut-être aussi à une attitude moins cléricale, il les a engagés à "être attentifs et sensibles aux signes de sainteté, que Dieu fait apparaître parmi leurs fidèles".
Même une foi nourrie dans le milieu protégé d'un catholicisme traditionnel est soumise à l'épreuve de la crise. C'est ce qui explique le grand effort pédagogique déployé par Benoît XVI à l'égard des jeunes au cours de la mémorable soirée de samedi, dont le thème était "bâtir sa maison sur le roc". Il n'a pas négligé la captatio benevolentiæ, commençant par leur rappeler, avec une touche d'humour : "Nous savons que Jésus a dit que "là où deux ou trois sont réunis en mon nom je suis au milieu d'eux" – et nous sommes ici bien plus nombreux..." (en fait entre 600 000 et 800 000 jeunes), et a manifestement tout fait pour rassurer son auditoire, pour l'engager à ne pas se laisser arrêter par les moqueries et l'hostilité de la société.
Même si la visite pontificale a permis de voir encore des bataillons de religieuses en costumes ou de séminaristes bien repérables, même si le parc de Blonie (Cracovie) lui-même était en grande partie rempli de jeunes qui se sentent sincèrement catholiques, l'encouragement du pape à "s'appuyer sur les Pierre(s) de notre temps" et sa promesse d'aider les jeunes "du cœur et des deux mains" à construire leur vie sur le Christ n'étaient pas superflus, si on en juge par le nombre de commentaires sarcastiques, voire violemment hostiles que j'ai pu lire sur le forum de l'hebdomadaire Tygonik Powszechny.
Dialogue de jeunes
En témoigne cet échange entre un jeune qui écrit : "L'Europe se moque de nous jusqu'à en éclater ; tant mieux pour vous si vous continuez à vous sentir bien !" et la réponse qu'il a reçue d'un autre : "Au lieu de rester devant ton ordinateur, tu aurais dû venir à Blonie, peut-être que cela t'aurait éclairé les méninges, plutôt que de mariner (sic) dans la pose désabusée des Occidentaux..." Bien sûr, il y avait aussi, surtout le soir même, des commentaires de jeunes qui revenaient de la rencontre enthousiasmés – et cela rejoint la délicatesse de ceux qui ont tenu, déjà à Varsovie et à diverses occasions, à manifester leur attachement au Saint-Père par des banderoles en allemand, sur lesquelles on lisait par exemple "Wir lieben Dich". Néanmoins beaucoup de jeunes Polonais, surtout vers la fin du voyage pontifical, prenaient, sur ce forum, leurs distances à l'égard de l'Église et, en général, du "personnel" public polonais, qu'il soit épiscopal ou gouvernemental, justifiant par là-même la sollicitude du pontife envers leurs contemporains qui souhaitent continuer dans la voie des générations chrétiennes de ces dernières décennies.
Un dernier aspect du voyage pontifical est passé peut-être inaperçu : la rencontre du St Père avec les malades au sanctuaire de la Miséricorde près de Cracovie.
Là, plus de politique ou de mises en scène. Le Saint- Père a été reçu comme un envoyé du Ciel par les souffrants rassemblés dans la basilique, auxquels il a dit : "Vous, chers souffrants, êtes le plus étroitement unis à la croix de Jésus, mais vous êtes aussi les signes les plus manifestes de la miséricorde de Dieu", avant de les quitter sur ces paroles en polonais : "Je voudrais beaucoup prendre chacun et chacune de vous dans les bras, mais concrètement ce n'est pas possible, aussi je vous presse sur mon cœur en esprit et vous communique ma bénédiction."
La marche solitaire et méditative aux abords du Camp d'Oswiecim (Auschwitz) rejoint cet aspect profondément humain de la compassion exprimée au nom de l'Église par le Vicaire du Christ. On sait que l'arc-en-ciel a brillé à ce moment-là, montrant à la Pologne, et au-delà à l'humanité s'arrêtant sur la mémoire terrible de l'holocauste, que "la limite imposée au mal, c'est la miséricorde divine" (Jean-Paul II, Mémoire et Identité).
Pour en savoir plus :
■ La synthèse des discours, homélies et interventions de Benoît XVI en Pologne sur notre site partenaire www.generation-benoitXVI.com (et notamment, messages aux jeunes, aux prêtres et à la Pologne).
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