Article rédigé par Jean Choisy, le 10 mars 2006
La réponse de Benoît XVI sur la place des femmes dans l'Église à une question posée par un prêtre de Rome, le 2 mars dernier, n'a pas fini de faire parler d'elle.
"Il est juste de se demander si dans le service ministériel aussi, en dépit du fait que le sacrement et le charisme soient le seul binôme dans lequel se réalise l'Église, on ne pourrait pas offrir aux femmes plus d'espace, plus de positions de responsabilité", déclarait le Pape.
Comme un réflexe, cela nous vaut une rapide traduction du réformiste La Croix, le 7 mars : "Après les propos de Benoît XVI sur un service ministériel confié aux femmes, la restauration du ministère de diaconesse revient dans le débat ecclésial." Le journal en convient : "Nul ne sait ce qu'a voulu dire le pape ce jour-là", mais "l'idée d'une éventuelle restauration des femmes diaconesses vient à l'esprit". En tout cas, à celui d'Agnès Manesse, secrétaire générale de l'Action catholique générale féminine (ACGF), à qui le quotidien offre l'occasion de plaider sa cause.
"Le diaconat féminin relève d'une vraie tradition ecclésiale" explique celle qui fût "permanente en pastorale" du diocèse de Poitiers pendant une dizaine d'années. Si les "diaconesses" jouaient un rôle important dans l'Église primitive, rien ne s'oppose à leur retour dans l'Église d'aujourd'hui, CQFD.
Tout de même, l'affaire n'est pas simple. La Croix reconnaît que "l'éventualité d'une restauration des diaconesses bute sur un obstacle de taille : la question de l'ordination. Le débat porte aujourd'hui sur le point de savoir si ces diaconesses de l'époque patristique étaient ordonnées, ou pas, au même titre que les hommes diacres". En 2002, "la Commission théologique internationale chargée par le Saint-Siège d'étudier à nouveau le ministère diaconal avait précisé que les diaconesses de l'Église ancienne n'étaient pas "purement et simplement assimilables aux diacres"".
Il semble donc que, pour l'instant, la question du diaconat féminin ne soit pas à l'ordre du jour. Cependant, on sait que plusieurs évêques de France y sont favorables. Verra-t-on dans certains diocèses des cérémonies d'investiture de femmes "en responsabilité de diaconie" pour préparer le terrain (des cérémonies analogues se sont déjà vues pour des engagements "pastoraux", par exemple à Poitiers) ?
Benoît XVI aime le débat, et que les questions soient traitées au fond, de manière la plus ouverte possible. On doute qu'il apprécie ce genre d'initiatives hasardeuses, qui ne manqueraient pas d'échauffer les esprits si ces "bénédictions épiscopales " parodiaient l'ordination. On basculerait de la confusion — que le Saint-Siège redoute formellement — à l'emballement incontrôlé sous pression médiatique.
Rappelons qu'en juin 2002, à Passau (Bavière), sept femmes avaient été ordonnées prêtresses. L'année suivante, deux des sept femmes étaient consacrées "évêquesses". En juin 2004, l'une des deux "prélates" ordonnait diaconesses six femmes originaires de cinq pays différents (dont la France), qui se disaient convaincues que leur mouvement allait s'amplifier. En France, nous avons eu droit à de folkloriques "ordinations sacerdotales" de femmes, sur une péniche-chapelle navigant sur le Rhône à Lyon.
Jusqu'à présent, les partisans du diaconat féminin n'ont guère manifesté leur souci d'éviter les malentendus. On attend d'Agnès Manesse une ferme prise de distance avec les prêtresses de Passau et du mouvement Womenpriest où l'on affirme sans ambiguïté que "puisque le diaconat fait partie du sacrement de l'Ordre, il en découle que, si les femmes ont pu validement être ordonnées diacres, elles pourraient être validement ordonnées prêtres".
Les femmes dans l'Église : ce qu'a dit Benoît XVI
Rome, 2 mars 2006. "Dans le premier Canon de la messe, je suis toujours impressionné par la prière spéciale pour les prêtres : Nobis quoque peccatoribus. Voilà, dans cette humilité réaliste, nous, les prêtres, justement en tant que pécheurs, nous prions le Seigneur de nous aider à être ses serviteurs. Dans cette prière pour le prêtre, et précisément seulement là, apparaissent sept femmes qui entourent le prêtre. Elles manifestent comment les femmes croyantes nous aident sur notre chemin. Chacun de nous a certainement fait cette expérience. Et ainsi, l'Église a une grande dette de reconnaissance envers les femmes. [...]
"Au niveau charismatique, les femmes ont fait tellement, j'oserais dire pour le gouvernement de l'Église, en commençant par les religieuses, par les sœurs des grands Pères de l'Église comme saint Ambroise, jusqu'aux grandes dames du Moyen Age – sainte Hildegarde, sainte Catherine de Sienne, et sainte Thérèse d'Avila – et jusqu'à Mère Teresa. Je dirais que ce secteur charismatique se distingue certainement du secteur ministériel au sens strict du terme, mais c'est une participation véritable et profonde au gouvernement de l'Église. [...]
"Comment pourrait-on imaginer le gouvernement de l'Église sans cette contribution qui devient parfois très visible, comme lorsque sainte Hildegarde critique les évêques, ou comme lorsque sainte Brigitte et sainte Catherine de Sienne admonestent les papes et obtiennent leur retour à Rome ? C'est toujours un facteur déterminant, sans lequel l'Église ne peut pas vivre.
"Cependant, vous dites avec justesse : nous voulons voir aussi plus visiblement de façon ministérielle les femmes dans le gouvernement de l'Église. Disons que la question est la suivante : Le ministère sacerdotal du Seigneur, comme nous le savons réservé aux hommes, en tant que le ministère sacerdotal est gouvernement au sens profond, à savoir qu'en définitive c'est le Sacrement qui gouverne l'Église. C'est là le point décisif. Ce n'est pas l'homme qui fait quelque chose, mais le prêtre fidèle à sa mission gouverne dans le sens où c'est le Sacrement, c'est à dire que par le Sacrement c'est le Christ lui même qui gouverne, dans l'Eucharistie comme dans les autres sacrements, et ainsi c'est toujours le Christ qui préside.
"Cependant, il est juste de se demander si dans le service ministériel aussi, en dépit du fait que le Sacrement et le charisme soient le seul binôme dans lequel se réalise l'Église, on ne pourrait pas offrir aux femmes plus d'espace, plus de postes de responsabilité."
Source : Zenit.org, avec son aimable autorisation.
• D'accord, pas d'accord ? Envoyez votre avis à Décryptage
•