Article rédigé par Hélène Bodenez, le 25 octobre 2007
Manque d'honnêteté , exagérée , jouant sur les mots , inadéquate , franchement mauvaise ... voilà sévèrement jugée notre critique du N'ayez pas peur de Robert Hossein [1], ce grand croyant ayant cherché à délivrer un message .
Tous les commentaires électroniques que nous avons reçus mettent l'accent sur les bonnes intentions de Robert Hossein, son engagement personnel et son courage, le comparant parfois à Mel Gibson, ayant pris un risque réel qu'il ne faut pas fragiliser , contre l'avis de tous les professionnels de théâtre et des médias .
Parfois même, notre jugement a pu être senti comme du dénigrement facile , un manque de discernement inattendu sur le site de Liberté politique. C'est un prêtre qui défend le plus le metteur en scène : L'approximation et les erreurs historiques , les fautes de goût , la part de roman même, ne sont pas si graves puisque, comme dans le Jésus de Nazareth de Zefirelli, le vrai sens de la vie de Jean-Paul II ne serait pas dénaturé . Ce prêtre n'est pas allé au Palais des Sports en vue de la canonisation du pape de cette grande période , il veut s'intéresser au défi . Œuvre de communication , il accepte le risque de laisser d'autres parler de nos affaires, avec bienveillance et pas si mal que ça en reconnaissant qu'il y a de la transcendance, une vraie dimension spirituelle, un respect de l'Église .
Sans être vraiment négative à notre égard, la réaction d'un lecteur qui s'étonne de notre naïveté, avec une sympathie toute paternelle dont nous le remercions : que nous soyons déçus, il ne pouvait en être autrement . Habitué qu'il ne ressorte des spectacles de Robert Hossein que chromos et platitudes à l'image de ses cartons-pâtes , et que vacuité totale relevant d'un âge mental de quatre ans , notre lecteur ne voulait pas perdre une autre soirée avec l'auteur de Jésus, la Résurrection. Notre erreur était là : nous n'avions pas dû connaître sa carrière de réalisateur qui ne valait pas mieux .
Bonnes intentions morales, échec artistique
Les messages d'adhésion sans condition ont été malgré tout les plus nombreux : comme nous l'avons écrit à Bernard Lecomte, consultant avisé du spectacle et attristé de notre critique, si nous avons volontairement adopté une rudesse de ton, c'est qu'il y avait réponse proportionnée à donner à l'énormité de la machine mise en place et à sa force de frappe. Nous entendions mettre en place une libre critique qui ne cherchait pas à juger des efforts déployés et des risques pris , même si nous les respections. Nous voulions regarder l'œuvre d'art en elle-même. Nous avons rappelé, à cette occasion, que les intentions pouvaient être louables mais l'œuvre, un échec. Dire qu'une œuvre est réussie parce que les intentions sont bonnes relève d'une confusion gênante entre l'éthique et l'art. Qui mangerait un mauvais gâteau sous prétexte que le pâtissier a fait des efforts ? Ce qui est vrai pour la vie végétative, n'est-il pas plus vrai encore pour la vie de l'esprit ?
Bien des réactions de nos lecteurs sont de cet ordre-là. Le jugement n'a jamais concerné les personnes engagées dans cette aventure . Nous avons été profondément saisis par le ton et la justesse des mails reçus chaque jour, jugeant bien de l'œuvre vue avec un discernement aigu que bien des journalistes professionnels ont abdiqué. Tristesse, sentiment de bizarrerie, perplexité, colère, désarroi, consternation, abattement... la palette des émotions qui ont envahi ceux qui ont trouvé qu'on traitait avec grossièreté Jean-Paul II a été large.
Entre ceux qui se sont sentis pris en otage comme certains groupes, et notamment un groupe caritatif venu de Belgique invité par son conseil, déçu par la pauvreté d'un spectacle ( une représentation de fin d'année scolaire ), entre ceux plus solitaires, décontenancés , partis avant la fin de la séance pour les mêmes raisons et notamment après la grotesque scène du conclave, ayant compris que celui qui jouerait Jean-Paul II serait ce vieux monsieur chevrotant et solennel , entre ceux qui ont même éclaté de rire devant tel ou tel tableau, ceux qui avaient pris les billets et entendaient déjà les mauvaises critiques regrettant leur soirée avant même de l'avoir commencée, entre ceux qui ont trouvé lourds les sujets prosaïques plaqués comme l'entrevue surdimensionnée avec l'abbé Pierre, sommet de honte et de trahison , tous ont remercié Liberté politique d'avoir osé parler de cette amère expérience , avec une justesse rare , certains se sentant moins seuls dans leur déception et capables alors de l'exprimer.
Hossein désarmé ?
Pour finir, ce qui nous frappe en réalité dans cette affaire et nous navre en même temps, c'est que la France laïcisée jusqu'à la moelle , et ses trois mille personnes applaudissant chaque soir à tout rompre, avoue là, sans gêne, qu'elle reste traversée par un gallicanisme puissant qui n'est pas mort. Cette satisfaction étonnante du public prouve que notre pays passe à côté du message total de Jean-Paul II et cale par là-même devant le grand vent de nouveauté et de sainteté qu'avait proposé le pape slave. Robert Hossein n'a pas su balayer les vieilles forces moisies et rances qu'on avait cru moribondes un temps, et qui s'agitent donc encore. C'est pour nous la leçon du Palais des Sports.
Car quoi de plus contraire à la grande sensibilité artistique de Jean-Paul II, que le spectacle de sa vie poussant les spectateurs dans une consommation de l'histoire plutôt que de les pousser à entrer plus avant dans la communion des saints ?
De sa fenêtre du Ciel , que l'homme en blanc qui embrassait la terre nous pardonne les incompréhensions respectives que le débat a essayé de mettre en lumière — batailles trop humaines —, qu'il nous prenne en pitié et nous bénisse !
[1] Hélène Bodenez,
Déception : Le "Jean-Paul II" ringardisé de Robert Hossein, Décryptage 11 Octobre 2007.
"Jean-Paul II"
■ Spectacle de Robert Hossein, écrit par Alain Decaux
du 21/09/2007 au 11/11/2007.
PALAIS DES SPORTS Paris, Palais des Sports, porte de Versailles (XVe)
Prix des places : de 25,00 € à 65,00 €
■ Réservations : Palais des sports
À ne pas manquer sur Arte
Karol, fiction italienne de Giacomo Battiato, 2006, 4 x 90 minutes
Du mercredi 24 au samedi 27 octobre à 20h45.
Karol, un homme devenu pape
Épisode 1, le 24 octobre
Épisode 2, le 25 octobre
Karol, le combat d'un pape
Épisode 1, le 26 octobre
Épisode 2, le 27 octobre
Lu sur LeblogTVnews : Karol Wojtyla, devenu Jean-Paul II, est interprété par Piotr Adamczyk. Le réalisateur Giacomo Battiato, voulait un acteur qui ait des origines slaves : "Même si la plus grande partie du budget du film venait d'Italie, je n'aurais jamais accepté ni un acteur italien pour ce rôle, ni un acteur connu américain, français, britannique ou autre. A mes yeux, il était essentiel, pour que l'acteur joue juste, qu'il ait une connaissance approfondie des origines du personnage, et cela était aussi nécessaire pour que les spectateurs de par le monde puissent bien le comprendre."
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