Article rédigé par Ségolène Destremau, le 07 avril 2006
Mais contre quoi vous battez-vous ?
Si c'est contre le chômage, n'accusez pas le gouvernement, ni la société, n'accusez personne, ou tout le monde. Ce qui n'a pas plus de sens. Le chômage est un fait, la concurrence mondiale est un fait.
Ce n'est pas en vous accrochant désespérément aux acquis sociaux que vous réglerez le problème.
Êtes vous donc en train de craindre le changement, à l'exact opposé des acteurs de Mai 68 ?
L'État-providence français n'est pas à même de suppléer à tous vos problèmes, il faut que chacun remonte ses manches, on ne peut décemment pas attendre que tout arrive sur un plateau.
Vous vous vautrez dans un sofa d'acquis sociaux, et vous exigez le confort et la sécurité, mais le monde n'est pas votre salon, réveillez vous, regardez autour de vous, juste un peu plus loin que votre périmètre sécurisé ; vous vous battez pour du confort, par mollesse et par peur, par absence de dynamisme et de confiance.
Il y a dans le monde un paquet de personnes qui bossent plus, avec moins de sécurité, et qui n'en meurent pas.
Vous vous prenez pour des révoltés, quand vous n'êtes que des nantis bien nourris, agrippés à des droits. Où donc est votre dynamisme, votre envie de travailler, de changer le monde ? La jeunesse, c'est ça qu'on attend d'elle : qu'elle soit tête brûlée, qu'elle ait envie de dévorer la vie, de prendre les choses en main. Vous n'êtes qu'en train de vous exciter contre ce qui n'est que la réalité : le chômage. Vous exigez un statut non-précaire : travaillez, battez-vous. Vous êtes pour la plupart ignorants du monde professionnel : c'est une jungle ? eh bien foncez, la précarité, vous vous en remettrez.
Si vous foncez contre le CPE, êtes-vous certains qu'il est aussi néfaste que vous le prétendez ?
Oui c'est plus dur aujourd'hui d'avoir un travail fixe et assuré, et alors ? En quoi manifester dans les rues, refuser toute tentative du gouvernement de changer quoi que ce soit dans les modalités des embauches va t-il régler le problème ? Votre lutte ne tient pas compte de la réalité ; regardez le marché du travail. Si on vous dit ANPE ou CPE, qu'est ce que vous choisissez ? Et puis, ce ne sera jamais qu'avant vos 26 ans ; qui est stable à 26 ans aujourd'hui, et qui veut l'être ?
Oui la lutte contre le CPE en dit beaucoup plus que la lutte contre le CPE. Vous vous prenez pour des guerriers, des révoltés, des nouveaux "Mai 68"... vous n'êtes que des peureux qui craignent l'adversité et ne veulent pas bosser plus. Que voulez vous au juste ? Du travail ? Travaillez. De la sécurité ? Vous en avez ; allez voir dans les autres pays s'ils ont tous la Sécu, l'Assedic, etc.
Être anti-CPE est devenu un statut, un engagement, un combat. Mais vous vous battez contre du vide. Personne n'est pour rien dans l'évolution du monde. Et si vous voulez agir vraiment, faites donc de la politique, je parle de vraie politique, pas du lobbying de masse, à vouloir "se faire entendre en faisant le plus de bruit possible". À ce propos, n'est-ce pas vous qui avez des problèmes d'audition ? Vous refusez le dialogue, et vous amalgamez toutes les "luttes" (quel rapport entre le CPE et la réduction des postes de STAPS ?).
Nous sommes en démocratie, le gouvernement nous représente, et il travaille pour nous, ne l'oubliez pas.
Encore une fois ce matin, je me suis cassé le nez sur un panneau rose "en grève", sur la porte de mon université de remplacement (car mon université officielle est barricadée, ce qui me choque profondément, sommes-nous en état de guerre ?), et plus que jamais, cela m'a irrité. Vous avez perdu au fil des jours toute crédibilité à mes yeux, et à force de crier au loup, on n'y croit plus. La notion de grève et de manifestation en prend un coup dans l'aile ; c'est la routine, ça ne veut plus rien dire ; ne savez vous donc pas PARLER ?
Je vous demande donc d'arrêter de sortir vos griffes contre le gouvernement, que vous estimez travailler contre votre bien-être, quand il ne fait que chercher des solutions. Ne soyez donc pas binaires et simplistes. Et s'il vous plaît, laissez-moi aller à ma fac en paix !
Ségolène Destremau
Sur ce sujet :
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