Article rédigé par Jean Flouriot, le 08 avril 2009
Les statistiques de la FAO dénombrent 960 millions de personnes souffrant de la faim dans le monde. Le nombre des personnes sous-alimentées avait baissé du début des années soixante-dix (985 millions) au milieu des années quatre-vingt-dix (822 millions). Depuis, il remonte.
La situation semble donc s'aggraver. Pourtant si l'on considère la proportion des personnes sous-alimentées par rapport à la population totale de la planète, la situation s'améliore : au début des années soixante-dix, ce sont plus de 25 % des habitants du monde qui souffrent de la faim ; aujourd'hui, ce ne sont que 15% [1]. D'importants progrès ont été réalisés et des millions d'hommes sont sortis de situations extrêmes.
Les bonnes récoltes de l'an passé ont entraîné un retour des prix agricoles à de bas niveaux pour la plupart des productions de base. La crise de l'an dernier avait été déclenchée par la réduction des stocks céréaliers et l'appréhension d'une rupture des approvisionnements. Ce n'est plus le cas aujourd'hui même si le niveau des stocks reste bas. La montée des prix et de meilleures conditions climatiques ont eu un effet immédiat sur certaines productions : ainsi, en Afrique de l'Ouest, la production de riz a fait un bond très important. Mais les prix de la production locale restent toujours plus élevés que ceux des produits importés et les consommateurs urbains ne viennent que lentement à l'achat des produits locaux.
L'urbanisation croissante pose le problème des revenus monétaires : en ville pour manger, il faut de l'argent. Lorsque les acheteurs urbains sont très pauvres, les prix des produits alimentaires restent bas et n'encouragent pas les ruraux à développer des surplus commercialisables.
Dans le monde entier, la population urbaine est en croissance. La moitié des hommes vivent maintenant en ville. Ce qui veut dire que chaque rural doit nourrir un urbain alors qu'il y a 25 ans, il y avait deux ruraux pour nourrir un urbain. Les émeutes de l'an dernier étaient le fait de populations urbaines bénéficiant habituellement de la sollicitude de leurs gouvernants qui, pour avoir la paix sociale, privilégient des politiques de prix bas. Avec la continuation de la croissance urbaine, la pauvreté va devenir de plus en plus massivement urbaine.
La majorité des 960 millions de personnes sous-alimentées sont encore des ruraux dont les moyens de production sont très insuffisants. Ils sont pour la plupart en Afrique au sud du Sahara et en Asie : la croissance économique en Inde et en Chine est avant tout industrielle et urbaine. Le monde rural est négligé. Lors de la conférence régionale de la FAO, à Bangkok, en mars dernier, Mgr Volante, observateur permanent du Saint-Siège auprès de la FAO, a fait remarquer le caractère inadéquat du processus de développement des zones rurales (Zenit, 2/4/2009). La croissance de la production agricole ne dépend pas seulement de l'amélioration des méthodes de production : il faut aussi des moyens de transport pour acheminer intrants et récoltes, un système de recherche et de vulgarisation et des politiques de prix adaptées. La sécurité alimentaire repose sur une politique globale d'aménagement.
En 2050, la population du monde sera de 9 milliards de personnes. Depuis 2006, le CIRAD et l'INRA développent des études prospectives concernant agriculture et alimentation (programme Agrimonde). Les divers scénarios envisagés sont optimistes : malgré des ressources énergétiques plus rares et tout en assurant la protection de l'environnement, nourrir la planète est possible. Mais cela suppose des changements de comportement aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres. Il faudra bien sur augmenter les productions mais réduire les pertes suffirait sans doute à répondre aux besoins. Dans les pays pauvres, les pestes végétales, les parasites divers, la faiblesse des moyens de stockage et des moyens de transport réduisent du tiers et même parfois de la moitié les disponibilités. Dans les pays riches, le gaspillage et la suralimentation ont des effets semblables. Le Programme des Nations-unies pour l'environnement (PNUE) estime que près de la moitié de la production alimentaire mondiale est aujourd'hui perdue, mise de côté parce qu'elle ne correspond pas aux normes du marché ou gaspillée lors de la consommation (Le Monde.fr, 18/02/09).
Voilà déjà identifié un bel effort de carême pour l'an prochain : ne pas gaspiller la nourriture...
[1] Gérard-François Dumont, Population et Avenir, Septembre-octobre 2008.
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