Article rédigé par François Meusnier*, le 07 juillet 2006
La deuxième rencontre romaine des mouvements et communautés dites nouvelles, le jour de la Pentecôte 2006, a dépassé les espérances. Les 400.000 pèlerins réunis autour du pape ont donné un signe éclatant de la vitalité de l'Église, ce "printemps de l'Esprit" confirmé par Benoît XVI : ils ont manifesté en parole et en acte la force prophétique du concile Vatican II.
Jean Paul II, et avant lui Paul VI, ont su accueillir déjà et accompagner avec un réel enthousiasme, ce qui, au milieu des années 70, n'étaient que jeunes pousses. En cette fête de la Pentecôte 2006, la place Saint-Pierre une fois de plus, a pu vibrer, comme au cénacle, redisant dans une prière commune l'universalité de ce don pour l'Église.
Le phénomène des "réalités ecclésiales nouvelles" constitue un lieu d'étonnement pour tous les observateurs avisés de l'Église. Phénomène non prévisible, il est une "réponse providentielle", selon l'expression même de Jean Paul II, à beaucoup de questions actuelles pour notre Église confrontée aux défis d'un monde de plus en plus complexe. Il vient avant tout, par la force de l'Esprit, réveiller la foi dans le cœur de nombreux chrétiens. Si à d'autres moments de l'histoire de l'Église, les différents renouveaux spirituels ont su prendre d'autres visages, issus notamment de diverses familles monastiques et religieuses, l'originalité, la nouveauté de ce mouvement aujourd'hui est de naître essentiellement en milieu laïc.
En 1998, lors de la précédente rencontre à Rome des communautés nouvelles, Jean Paul II encourageait ces chrétiens enthousiastes à emprunter un chemin de plus grande maturité ecclésiale. Ainsi de nombreuses communautés, avec beaucoup de courage et dans un profond amour pour l'Église ont travaillé et travaillent encore, à discerner un chemin à la fois de dépouillement mais aussi de meilleure compréhension de leur charisme propre pour un plus grand don à la Communion ecclésiale.
Cependant, remarquons que l'articulation des communautés nouvelles avec les autres figures de l'Église plus institutionnelles, dans un paysage ecclésial lui-même en plein renouvellement, reste indéniablement un enjeu capital pour les années qui viennent. Benoît XVI insiste sur la responsabilité des communautés nouvelles : "Je vous demande d'être, plus encore, beaucoup plus, des collaborateurs dans le ministère apostolique universel du pape."
La beauté d'être chrétien
Très concrètement, observons trois enjeux majeurs profondément liés entre eux et que l'on peut résumer en trois mots : unité, liberté, et témoignage. • Commençons par l'unité. "Vous ne cesserez d'apportez vos dons à la communauté tout entière". On reproche encore aujourd'hui aux communautés nouvelles de ne pas suffisamment s'inscrire dans le tissu ecclésial local, de travailler avec leurs propres méthodes, en parallèle de la vie diocésaine. Si ce reproche n'est plus totalement justifié aujourd'hui pour toutes les communautés, il rappelle cependant qu'une ouverture à l'ecclesia et donc à la paroisse comme communauté de base, comme premier lieu de vie chrétienne, doit rester une préoccupation permanente. Tout en mûrissant une identité propre et particulière dont l'Église a besoin, les communautés nouvelles sont appelées à devenir des mendiants de la communion au contact de leurs évêques, des serviteurs de la voie ordinaire dans une communion qui unit par les différences. Et Benoit XVI alors d'insister : "Les pasteurs seront attentifs à ne pas éteindre l'esprit."
• "Soyez des écoles de liberté !" "On ne nait pas chrétien, disait déjà Tertullien, on le devient !" Cette liberté des enfants de Dieu, est révélée, dévoilée, avant tout par une "écoute renouvelée de la Parole de Dieu" dans l'écriture et la foi de l'Église. La fréquentation assidue des Écritures>, est capable de susciter une foi mûre dans un monde multiculturel, pluri-religieux et surtout indifférent. Une approche exigeante de l'Écriture se gardera d'une recherche du sensationnel ou de l'émotionnel d'abord, porte ouverte à tous les fondamentalismes ; une vie spirituelle en quête d'équilibre, fera l'expérience aussi du désert et du silence de Dieu. Cet enracinement en toute humilité dans la Parole, d'abord reçue dans la liturgie, nourrie d'une formation spirituelle solide constitue les ferments d'une foi debout.
• Enfin c'est dans la compagnie des hommes, insistons, de tous les hommes comme "lieu de la prophétie des chrétiens" selon la belle expression d'Enzo Bianchi que les nouvelles communautés sont attendues, reconnaissant dans l'histoire humaine, cette "dignité" autonome, chère au concile Vatican II. Paul VI dans une allocution mémorable à Bethléem, avait invité alors le Peuple de Dieu à "regarder le monde avec une sympathie immense" sans oublier pour autant que le témoignage, comme marturia, se fait parfois au prix du sang. Les communautés nouvelles se garderont de la tentation, toujours actuelle, d'un christianisme de citadelle quelque peu arrogant parfois, au nom d'une "nouveauté" dans l'annonce, mais au contraire, chercheront en toute humilité des chemins de simplicité, de paix, de justice, de dialogue, avec ce souci permanent et non optionnel d'une solidarité avec les plus pauvres.Alors nous manifesterons que le Christ est réellement cette pierre angulaire sur laquelle se construit la civilisation de l'amour, en témoignant de la "beauté d'être chrétien".
*François Meusnier est fondateur de la Communauté Ecclesiola, née en 1991, reconnue par l'évêque de Fréjus-Toulon comme association privée de fidèles en 2002.
Pour en savoir plus :
■ Homélie de Benoît XVI à la Pentecôte 2006 : "Dieu nous appelle à la vie, à la liberté et à l'unité"
■ Le site du Conseil pontifical pour les laïcs
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