Clonage humain : la France au centre du trouble jeu des Nations-unies
Article rédigé par Aude Dugast*, le 17 décembre 2004

L'ONU veut-elle autoriser le clonage humain à tout prix ? La session de la VIe commission (commission juridique) de l'assemblée générale de l'ONU, chargée d'élaborer une convention internationale sur le clonage humain, s'est achevée le 19 novembre dernier sans trouver d'accord, alors même qu'une large majorité d'États se déclare hostile à toute forme de clonage.

 

Un an plus tôt, le 6 novembre 2003, cette commission avait également décidé de reporter ses travaux. Déjà la majorité des pays présents refusait le clonage, mais l'assemblée avait adopté à 80 voix contre 79 (et 15 abstentions), une proposition de l'Iran présentée au nom de l'Organisation de la Conférence islamique (OCI), pour reporter de deux ans l'examen de cette question. Les pays favorables au clonage thérapeutique s'étaient rallié à cette initiative, notamment la France... C'est cet examen qui a eu lieu finalement en novembre dernier (et non en 2005 comme suggéré par l'Iran) et à l'issue duquel le vote a été une nouvelle fois annulé.

Une démocratie à l'envers. Pourquoi un tel revirement de situation alors que les trois-quarts des pays en présence étaient unis pour interdire toute forme de clonage ? En fait deux " camps " sont en présence. D'un côté, derrière le Costa Rica, 62 pays dont les États-Unis et le Vatican, sont partisans de l'interdiction de toute forme de clonage humain, de l'autre, derrière la Belgique, 22 pays dont la France, ne veulent interdire que le clonage reproductif et laisser chaque pays se doter de sa propre législation en ce qui concerne le clonage thérapeutique, l'essentiel étant de trouver un consensus sur le clonage reproductif.

L'Organisation de la conférence islamique, (OCI) par la voix de son représentant officiel, la Turquie, souhaite également un consensus, même si la Turquie, à titre individuel, se déclare favorable à la proposition belge.

C'est donc une petite minorité qui, au nom du consensus, parvient à bloquer un accord international. Comme il est intéressant de lire exactement le contraire dans certains journaux français... On apprend ainsi que le Costa Rica, les États-Unis et le Vatican seraient responsables d'avoir empêché une interdiction du clonage reproductif par leur entêtement à refuser de dissocier l'interdiction du clonage reproductif du clonage thérapeutique. Seulement, ces pays sont la majorité pour eux ! Et puis, logiquement, comment interdire le clonage reproductif et permettre le clonage thérapeutique quand il s'agit du même procédé ?

Responsabilité de la France. La France considère qu'un traité condamnant tout type de clonage serait inefficace s'il n'était pas ratifié par un grand nombre de pays, parmi lesquels ceux qui sont tentés par des activités de clonage. Elle demande donc un consensus, et suggère, après la Belgique, que l'autorisation du clonage humain à des fins de recherche soit laissé à l'appréciation de chaque pays.

Mais le rôle de la France dans ce vote ne laisse pas d'étonner. Alors que le Parlement, au niveau national, a interdit le clonage d'embryons à des fins de recherche, pourquoi la République défend-elle une autre position au niveau international ?

Vers une déclaration en février 2005. Afin d'éviter que la convention interdisant toute forme de clonage humain passe au vote en novembre dernier, la Belgique a donc proposé un texte pour une simple déclaration. À la différence d'une convention, une déclaration n'est pas un texte contraignant pour les États signataires. Le texte belge propose d'interdire le clonage "d'êtres humains". L'Italie, pourtant favorable au vote d'une convention a suivi la Belgique sur ce point et proposé sur un amendement invitant à "interdire toute tentative de créer la vie humaine par le clonage et toute recherche visant à y parvenir".

Finalement, la commission a suivi la proposition belge et proposé la création d'un groupe de travail chargé d'élaborer en février 2005 "une déclaration des Nations-unies sur le clonage", sur la base de l'amendement italien. Quel que soit le texte définitif retenu, le principe d'une déclaration contraignante est abandonné... malgré une très large majorité d'États favorables à l'interdiction du clonage humain.

 

Ce vide juridique prévisible est coupable. Renvoyer sinon refuser le principe de l'interdiction signifie la poursuite de fait des expériences éventuelles, d'autant que dans de nombreux pays (dont l'Inde, la Chine, la Russie, certains pays du Maghreb..) il n'existe aucune législation. En outre, il faut rappeler que l'autorisation implicite des recherches sur le clonage dit "thérapeutique" en déclarant refuser le clonage dit "reproductif" est un mensonge, car il s'agit de la même technique de clonage embryonnaire humain. Le clonage thérapeutique n'est qu'un clonage reproductif interrompu. Et quand le clonage thérapeutique sera opérant rien ne pourra empêcher l'autre...

L'ONU sera donc non seulement complice, mais coupable d'une monstruosité scientifique et humaine, contre la majorité des États membres. Qui appellera donc à une nécessaire "réforme morale" de l'Organisation des Nations-unies ? À part Jean-Paul II ?

*Aude Dugast est rédacteur en chef de Gènéthique, Fondation Jérôme Lejeune

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