Article rédigé par La Fondation de service politique, le 20 février 2004
Par quel mystérieux tour d'équilibriste politique, le gouvernement de Tony Blair peut-il assouplir la législation sur le cannabis et dans le même temps mettre en garde contre les dangers de cette drogue ? D'un côté vouloir rendre le travail de la police et de la justice plus simple et de l'autre, prendre le risque certain de voir exploser le nombre des consommateurs de cannabis.
On ne sait, mais c'est désormais chose faite depuis le jeudi 29 janvier. Et pourtant, ce bouleversement de la législation anti-drogue – le plus important depuis trente ans en Grande-Bretagne – est passé relativement inaperçu. Les conséquences du rapport Hutton sur le suicide de l'expert gouvernemental David Kelly, continuant de faire les gros titres des médias britanniques, ont donc largement contribué à passer sous silence cette loi qui fera grand bruit par ses dommages collatéraux.
Cette question est en passe de se poser en France où l'on " réfléchit " depuis maintenant de nombreux mois à la révision de la loi de 1970, jugée obsolète. Une bonne nouvelle cependant : Bernard Plasait, sénateur UMP de Paris, a annoncé la constitution d'un " groupe interparlementaire de refus de la banalisation de la drogue ". À ce jour, 217 députés et sénateurs y ont adhéré. C'est une bonne raison d'espérer en l'avenir de la politique anti-drogue en France. C'est aussi une raison de craindre le silence ou l'absence de conscience politique de ceux qui n'ont pas encore pris position pour le refus de la banalisation de la drogue, soit à ce jour 681 sénateurs et députés.
Et pourtant, autre raison de se réjouir, les Français, dans un sondage réalisé par la Sofres pour le Figaro Magazine (17 janvier 2004), se montrent opposés à toute dépénalisation des drogues (dites) douces. Plus surprenant, il apparaît même que l'électeur de gauche fait désormais siennes les préoccupations de sécurité et s'oppose, lui aussi, à la dépénalisation des drogues douces.
Dans ce contexte, les efforts du gouvernement pour mener une politique déterminée contre le tabagisme et l'alcoolisme devraient également – et à plus forte raison ! – conduire à refuser la banalisation de l'usage des drogues, en particulier celle du cannabis. Rappelons que les experts scientifiques, à commencer par le Pr. Trouvé, font observer que la marijuana est bien plus cancérigène que le tabac. En effet, quand les dérivés du chanvre sont fumés, la pyrolyse engendre de nombreux autres produits. La fumée issue d'une cigarette de marijuana contient nettement plus de benzanthracène et de benzopyrène, hydrocarbures cancérigènes, que celle produite par une cigarette de tabac d'un poids égal. En conséquence, toute l'application que met le gouvernement à lutter contre le cancer et à lutter contre le tabagisme doit s'exprimer avec autant d'énergie contre le cannabis.
Les risques cancérigènes sont connus pour la cigarette. Chaque jour une nouvelle étude vient confirmer ce que nous savons mais que nos parents ignoraient : le tabac tue ! Ne prenons pas le même retard que nos parents vis-à-vis de la cigarette avec le cannabis. On commence à connaître ses méfaits, bien d'autres encore sont à découvrir, hélas ! Il ne faut pas attendre une autre génération d'enfants sacrifiés sur l'autel du cancer, hier tabagique, aujourd'hui cannabique pour réagir.
Raphaël Stainville est le webmestre du site www.drogue-danger-debat.org
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