Belgique : l'interculturalité contre les fêtes chrétiennes
Article rédigé par Hélène Bodenez*, le 26 novembre 2010

L'accord du gouvernement fédéral du 18 mars 2008 a prévu la création d'une commission officielle chargée de formuler des recommandations en vue de renforcer la réussite d'une société basée sur la diversité, le respect des spécificités culturelles, la non-discrimination, l'insertion et le partage des valeurs communes . Ces Assises de l'interculturalité prévoient la modification du calendrier officiel des jours fériés, considéré trop discriminatoire.

Ouverture, tolérance et non-discrimination, voilà au nom du vivre-ensemble les maîtres-mots des Assises de l'Interculturalité qui viennent de se dérouler à Bruxelles. Leur rapport a été remis le 8 novembre 2010 à Joëlle Milquet, vice-premier ministre, ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances, en charge de la politique de migration et d'asile.
Qu'un gouvernement impuissant à unir la diversité culturelle entre Flamands et Wallons, réunisse un Comité de pilotage censé donner des recommandations interculturelles fondées sur la non-discrimination laisse rêveur. Que Joëlle Milquet du Centre démocrate humaniste (CDH), ex-Parti social-chrétien, s'engage à effacer un peu plus la trace chrétienne en Europe ajoute au surréaliste de l'événement.
Dans la partie du Rapport dévolue à l'Emploi , entre Aménagements raisonnables et Encourager l'entreprise , le point de passage obligé est l'adaptation du calendrier des jours fériés légaux , avec une vraie proposition de réforme.
Jours fériés flottants
D'abord conserver les cinq jours fériés suivants : 1er janvier, 1er mai, 21 juillet, 11 novembre et 25 décembre . Ensuite permettre à chacun de choisir librement deux jours flottants, selon sa culture ou sa religion . Mais encore créer trois nouveaux jours fériés non religieux. Ceux-ci pourraient coïncider avec des journées internationales qui célèbrent la diversité et la lutte contre les discriminations (sic) comme, par exemple, la journée internationale des femmes (8 mars), la journée internationale contre le racisme (21 mars) et la journée mondiale de la diversité culturelle (21 mai).
Cinq fêtes religieuses actuelles disparaitraient. Il s'agit de la Toussaint, du lundi de Pâques, de l'Assomption, de l'Ascension, et du lundi de Pentecôte.
Avant de lancer cette proposition de déracinement culturel aussi hardie, le Comité de pilotage des Assises a pris la précaution d'exposer ses motifs : il n'ignore pas le point sensible qu'est le calendrier des jours fériés perçu par beaucoup comme un patrimoine historique et intégré aux acquis sociaux , patrimoine qui doit pourtant se renouveler. Perçu par beaucoup précise bien le texte. Mais dans le même temps – on n'est pas à un paradoxe près – c'est à destination de minorités , ethniques, culturelles et/ou religieuses, que le passage à la trappe des fêtes chrétiennes serait programmé en raison de leur anormale place prépondérante puisqu'à elles seules elles en neutralisent... six sur dix ! Étrange en tous les cas, cette force de la minorité absolue :

Cette situation crée une inégalité de traitement entre les chrétiens et les personnes qui ont une autre conviction philosophique ou religieuse : celles-ci doivent chaque fois prendre un jour de congé personnel pour leurs propres fêtes, et ce pour autant que leur employeur donne son accord. Par ailleurs, l'objectif d'interculturalisation doit également s'appliquer au calendrier de façon que le marquage du temps ne soit pas associé à une seule tradition religieuse. La Commission du dialogue interculturel avait jugé légitime "[...] que les jours de fête de groupes culturels autres que le groupe nord-européen soient pris en compte dans l'organisation de l'agenda culturel", mais sans avancer de propositions concrètes (p. 68-69).

On a bien du mal à entrer dans l'intention de cette modification de calendrier qui annonce en réalité plus de difficultés que de participation symbolique , plus de crispations que de renforcement du vivre ensemble . Il n'est pas du tout dit que le respect de la diversité en sorte grandi quand des minorités n'ont pas fait l'effort de s'intégrer dans le pays d'accueil, qu'on ne le leur a pas demandé non plus.
Inculture
Des directeurs d'établissements scolaires ont été les premiers à réagir en faisant valoir le futur chambardement que cela occasionnerait que de prendre ses congés à la carte.
Ainsi Patricia Bostoen (Lycée Emile-Max, Bruxelles), qui essaye de respecter la culture de chacun de ses élèves, en tentant notamment de faire coïncider les journées pédagogiques avec les jours de fêtes religieuses musulmanes. Mais notre "préfète" de lycée fait remarquer que l'exercice est bien difficile quand les dates des grandes fêtes ne sont souvent connues que deux ou trois jours avant celles-ci, et que ces dates changent en fonction des communautés turques ou maghrébines...
Les bonnes intentions de pseudo tolérance affichées par ces Assises sont en contradiction avec la sociologie élémentaire. Censées participer au combat des femmes , censées être plus sensibles en matière des droits de l'enfant , les pistes proposées vers une interculturalité entendue comme projet de société , pour que soient revues, renouvelées, et si nécessaire abrogées les approches existantes en matière de droits de la personne et de leur protection laissent songeur quand on sait que l'effacement des fêtes chrétiennes, jours de joie et de liberté pour les familles, profitent d'abord aux femmes et aux enfants.
Ce décalage idéologique de l'interculturalité avec la réalité témoigne surtout d'une grande inculture. La première inter-culturalité , et sans doute la seule, appartenait à la forme originaire du christianisme , faisait observer le cardinal Joseph Ratzinger en 1993. Vouloir effacer les fêtes chrétiennes, quoi de plus absurde. Ce serait ni plus ni moins arracher le ferment de la véritable interculturalité, celle qui a fait ses preuves sur des siècles d'histoire.

*Hélène Bodenez est auteur de A Dieu le dimanche (Ed. Grégoriennes, 2010).

 

 

[Source : http://www.interculturalite.be/]

 

 

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