À la veille du sommet de Bruxelles, éclairage sur la politique la plus anticléricale d'Europe
Article rédigé par Jean-Marie Huet, le 05 décembre 2003

Le gouvernement belge a demandé la suppression de l'article 51 du projet du traité constitutionnel européen, article qui garantit le droit des Églises. Non seulement, il refuse la reconnaissance de l'héritage chrétien dans le préambule (avec la France et la Suède), mais va donc plus loin en mettant en cause l'exercice élémentaire de la liberté religieuse individuelle et collective.

Il s'agit peut-être d'une manœuvre, dans le cadre des négociations de la CIG sur le futur traité, mais cette initiative est révélatrice d'une triste situation : la Belgique est l'État le plus anticlérical d'Europe. Les explication du père Jean-Marie Huet, vicaire épiscopal du diocèse de Namur.

En 1950, les élections parlementaires donnèrent la majorité absolue au Parti social chrétien. Puis survint la question royale dans laquelle la Wallonie s'engagea majoritairement dans le camp anti-léopoldiste : Léopold III n'avait pu rentrer de captivité en Allemagne immédiatement après la guerre 1940-1945 parce qu'entre autres raisons, la population ne comprenait pas qu'il fût resté au pays sous occupation allemande et surtout qu'il se fût remarié pendant la guerre. Les Wallons furent en pointe d'un mouvement qui allait forcer le roi a renoncer au trône au profit de son fils Baudouin.

On peut dire que progressivement après la Seconde Guerre mondiale, la Belgique s'est transformée par un jeu complexe d'évolutions lentes, de crises diverses, de revendication d'autonomie par des entités infranationales. Cela conduisit à une complexité de plus en plus grande dans l'organisation administrative de l'État. Nous constatons aujourd'hui une multiplication des niveaux de pouvoirs qui font - hélas – notre réputation. Pensez donc que dans un pays unitaire, existent trois Régions (flamande ; bruxelloise ; wallonne), deux Communautés (flamande ; de langue française) ; dix Provinces. Ces différents pouvoirs produisent autant d'exécutifs, de groupes parlementaires, de cabinets ministériels pléthoriques, d'administrations diversifiées. Tout cela se chevauche : un francophone de Bruxelles appartient à la Région bruxelloise mais aussi à la Communauté "française" de Belgique. Les 60.000 germanophones qui sont inclus dans la Région wallonne (province de Liège) revendiquent à présent leur autonomie et voudraient devenir une quatrième Région ! Bref : notre pays est éclaté ; le seul ciment qui le maintient encore uni est la Royauté. Cette dernière est un cadeau du Ciel car notre famille royale est à tous points exemplaire en dignité, qualité humaine, proximité de son peuple.

On constate aussi une disparition progressive des piliers catholiques : parti politiques catholiques, mutualités chrétiennes, syndicats chrétiens, enseignement catholique. Les partis chrétiens changent de nom, du moins dans la partie francophone où le Parti social chrétien est devenu le Centre démocrate et humaniste (CDH) parce qu'on avait honte de s'afficher chrétien. Quand on veut ratisser large, on risque de perdre son âme ! Les mutualités chrétiennes et les syndicats chrétiens ouvrent leurs rangs à des non chrétiens : il convient donc de lisser l'apparence que l'on donne.

L'enseignement catholique est pris dans le même mouvement, non point que l'enseignement y soit de mauvaise qualité mais ce n'y est plus un lieu d'évangélisation. Selon le principe de tolérance, on propose la foi, on n'évangélise pas. On se dit parfois que si saint Paul avait appliqué les mêmes principes, nous ne serions jamais devenus chrétiens. Le ministre actuel de l'Enseignement secondaire en Communauté française (dans notre organigramme compliqué, nous avons trois ministres de l'Enseignement : Petite enfance, Collèges et lycées, Universités) veut imposer aux jeunes professeurs sortis de l'Enseignement catholique "vingt heures de formation à la neutralité" s'ils veulent enseigner dans le réseau officiel. Un lavage de cerveau, en quelque sorte.

En 1999, à la suite de la crise de la dyoxine (ce produit avait été trouvé dans des poulets d'élevage), les partis d'inspiration chrétienne ont été éjectés des différents gouvernements (national, régionaux sauf Bruxelles et communautaires) pour faire place à des gouvernements "Arc-en-ciel" (socialistes, libéraux, écologistes). Ces derniers sont eux-mêmes sortis du gouvernement national lors des élections de cette année ; ils sortiront probablement l'an prochain lors des élections régionales. Reste donc une coalition "contre nature" (dixit le ministre de la Justice, socialiste) libéraux plus socialistes. Une coalition violette. Tous les garde-fous maintenus auparavant lorsque les chrétiens étaient au pouvoir sautent progressivement, surtout en matière éthique. La Belgique est donc en pointe en matière de lois et pratiques moralement mauvaises : avortement ; euthanasie ; expérimentation sur les embryons.

En politique étrangère, notre petit pays essaye de se donner la stature d'un grand, ce qu'il n'est pas. Par une loi de compétence universelle, certains se sont érigés les gendarmes du monde. Ils ont dû faire machine arrière lorsque la première puissance mondiale s'est inquiétée de cet état de fait. Quand on est confortablement assis dans son siège de magistrat ou de juré de Cour d'assises, il est plus facile de juger quelques religieuses rwandaises accusées de génocide que de juger les responsables du Pentagone ou de la Maison blanche.

Alors que les Églises sont montrées du doigt et accusées de tous les intégrismes, la franc-maçonnerie (la secte la plus influente, y compris dans les sphères de l'État, et dont personne ne semble se soucier d'évaluer l'influence réelle) et la "libre-pensée" sapent les racines chrétiennes de notre population. On veut à tout prix un État "religieusement asexué". À titre d'exemple : on a mis en cause la pratique du Te Deum lors de la fête nationale (21 juillet) et de la fête du Roi (15 novembre) ; on veut diminuer drastiquement le nombre des aumôniers militaires (alors que ce sont les seuls à accompagner nos militaires dans leurs missions à l'étranger) ; on promeut des conseillers laïques partout où se trouvent des aumôniers (hôpitaux ; prisons ; armée) ; on pense à interdire le port de tout signe religieux distinctif dans les établissements de l'enseignement officiel (problématique connue en France mais qui ne se résoudra pas en Belgique comme dernièrement en Italie !).

Au vu tout cela, il n'est pas étonnant qu'au moment où va se construire une Europe de plus en plus étendue (et aux dépens des grandes intuitions de ses fondateurs), certains essayent d'imposer leurs volontés. Le hic, c'est que des pays comme la Pologne ne sont pas prêts à tout accepter. Et puis il y a la Turquie dont on se demande si elle est européenne et si on peut l'intégrer dans l'espace européen avec le risque d'y faire entrer un État dit laïque mais musulman dans l'âme.

Ceux qui nous gouvernent feraient bien de s'inspirer de la doctrine morale et sociale de l'Église si lumineusement et prophétiquement rappelée par le Pape Jean-Paul II. Mais qui prête une oreille attentive aux prophètes ?

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