Article rédigé par Aude Collin, le 10 décembre 2002
Patrick Giros s'en est allé. À 63 ans, ce lutteur infatigable a enfin trouvé le repos auprès du Père. Contre vents et marées, il aura défendu pendant plus de trente ans les marginaux et les paumés, victimes de la ville et de la société d'aujourd'hui.
Ordonné prêtre en 1968, c'est d'abord vers les " blousons noirs " qui zonent dans les squares du XIXe arrondissement que Patrick Giros se tourne. Il y voit arriver la drogue qui les décime : " Un moyen facile de faire disparaître ceux dont on ne sait que faire... ", disait-il parfois avec la colère qui animait sa mission. La cause des gens de la rue, il l' épouse un peu plus en arrivant comme vicaire à Sainte-Jeanne-de-Chantal, paroisse toute proche du trop fameux bois de Boulogne. Le curé, le père Jean-Marie Lustiger, le confirme dans ce désir d'aller à la rencontre de ces prostitué(e)s. " Puisque ils ne viennent pas à l'église, il faut que l'Église aille à eux. "
Accompagné d'une paroissienne, il commence ce qui s'appellera plus tard une " tournée-rue ", dans l'association qu'il crée en 1981, Aux captifs, la libération. Vingt ans après, ce sont plus de cent bénévoles qui parcourent les rues de Paris, le jour ou la nuit pour être présents et écouter les personnes sans domicile, droguées ou prostituées. Une trentaine de salariés travaillent dans quatre paroisses pour les accueillir et les accompagner dans un chemin de reconstruction.
C'est cette tension entre la mission enracinée sur le Christ et le travail social qui fait la richesse et toute la difficulté de la vie " Aux captifs ". Patrick Giros tenait absolument aux deux ; il avait ce sens de l'incarnation qui le poussait à faire reconnaître le travail de l'association auprès des pouvoirs publics et à être partie prenante de la lutte contre l'exclusion. En 1999, il avait participé à la VIIIe Université d'automne de la Fondation de service politique. En septembre dernier, il avait reçu la visite de Dominique Versini et de Jean-Pierre Raffarin.
Mais il percevait bien aussi la profondeur propre du regard de Jésus sur les petits, regard qu'il demandait à ses associés de recevoir avant de partir en tournée-rue. En effet, seul un tel regard inconditionnel permet, dans la rue, d'écouter sans aucune attente, de rejoindre sans projeter sur l'autre un plan de réinsertion limitée à des seuls critères sociaux. Devant des êtres parfois très cassés, incapables à vues humaines de remonter la pente, devant des parcours en dents de scie qui arrivent rarement à se " normaliser ", il croyait que l'espérance du Christ espère contre toute espérance.
Patrick, tu es mort à la tâche ; tu t'y es usé et tu es parti sans dire au revoir. Ce n'était pas ton souci de mettre les formes ; ton souci était que jamais on ne soit indifférent à la misère de son frère. Tu as dû être accueilli Là-Haut par tous ceux que tu as enterrés, tous ceux qui étaient morts nus comme des bêtes ; et çà te mettait en colère ! Que dans la plénitude que tu connais enfin, tu intercèdes auprès du Père pour qu'Il suscite d'autres apôtres des pauvres.
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